Jusque-là, tout allait bien. Le réveillon du nouvel An avait apporté son lot d’insouciance, de gaité familiale et amicale. Votre chroniqueur, en voie d’achever son travail sur la Chine, allait pouvoir reprendre, avec le début d’année le fil assoupi de ses chroniques.
L’avalanche des vœux se passait donc paisiblement et joyeusement, et on allait pouvoir s’efforcer d’y répondre dans le courant du mois de janvier, peut-être même d’appliquer en partie les bonnes résolutions le reste de l’année… Voici même l’occasion de les adresser collectivement à tous les amis et lecteurs.
Hélas ! Aux bonnes résolutions intactes s’est mêlée au matin du 1er janvier la lecture du Figaro. N’ayant pas pu, jusque-là, prendre connaissance du message présidentiel de la Saint-Sylvestre, on y découvrait le titre suivant : « Emmanuel Macron abat ses dernières cartes pour tenter d’exister en 2025. » Je cite simplement ici le quotidien, d’habitude reposant, de la bourgeoisie parisienne.
Au grand étonnement d’une partie des observateurs, le bouffon présidentiel a feint de reconnaître l’erreur commise, par lui et lui seul, en procédant à la dissolution de l’Assemblée nationale. À la lecture du détail de ses déclarations l’aveu reste fort mitigé, pour ne pas dire falsifié. À l’en croire, il croyait bien faire. Alors qu’en décembre encore il regrettait que sa démarche n’ait « pas été comprise », il considère qu’elle a « apporté, pour le moment, davantage de divisions à l’Assemblée que de solutions pour les Français ». « La lucidité et l’humilité (sic) commandent de reconnaître qu’à cette heure cette décision a produit plus d’instabilité que de sérénité ». Et il conclut : « j’en prends toute ma part ». Présenté de la sorte, son faux pas aurait donc simplement résulté d’une surévaluation par le prince de l’intelligence civique de ses sujets.
Sans doute imagine-t-il rester dans l’histoire comme Emmanuel Ier dit le Mal Compris. Il paraît même que la première dame de France jugerait que les Français ne méritent pas son mari.
Or, toujours si j’en crois le bienveillant Figaro, ce cher homme envisage de reconstruire son influence sur les événements et la société à partir d’avancées collectives, sans que l’on sache, sans que lui-même sache vraiment, lesquelles. Ayant abandonné la reconstruction de Mayotte à ce qu’il juge, sans doute, un gouvernement de rencontre… ayant laissé le soin et le pouvoir de gérer les affaires européennes aux 26 autres États et à la présidente de la Commission… il lui reste le champ de questions dites « sociétales » telles que, par exemple, la fin de vie. On ne peut à cet égard que craindre le pire.
Par exemple, la tentation semble grande en effet, tant du point de vue « philosophique » que de celui des comptes sociaux, de proposer la liquidation, douce bien sûr, des vieillards et des malades. Voilà qui lui permettrait de rallier aussi bien les adeptes du « surhumanisme » que les gestionnaires des caisses de retraite et la bureaucratie hospitalière… Êtes-vous atteint d’une « maladie grave » ? On vous informera, et on informera vos héritiers, de la possibilité d’une petite piqûre presque indolore.
Deux voies biaisées se présentent pour faire avancer un dossier d’une telle nature. Il s’agit en effet de contourner l’obstacle d’un parlement, sénat comme assemblée, supposé détenteur du pouvoir législatif, mais aussi celui d’un gouvernement que l’Élysée n’a plus à sa main.
Celle des conventions citoyennes n’est pas à exclure puisque l’on est parvenu avec cette imposture, techniquement repérée depuis, à calmer la crise des Gilets jaunes. Pas sûr que l’opinion se laisse prendre une nouvelle fois à la désignation fantaisiste de représentants imaginaires de la société civile manipulés par des experts.
Plus démocratique en apparence, le recours au référendum, le premier depuis 2005, entraînerait évidemment des effets ravageurs. Le système français, n’a rien à voir avec les votations suisses, ne nous y trompons pas. Tout référendum se traduit par une partie de plébiscite. Ce n’est pas oui ou non à un projet, mais oui ou non à un personnage. À défaut d’avoir su tenir compte de la photographie de l’opinion des élections européennes, Monsieur Macron devrait demeurer attentif aux sondages relatifs à son rôle comme chef de l’État. Pour 75 % de ses sujets la réponse est non…
Au roi Louis XV, qui lui demandait ce qu’il ferait à sa place, le philosophe Quesnay répondit : Sire, je ne ferais rien. C’était le bon temps de la monarchie absolue.