L'emploi de l'expression submersion migratoire par le Premier ministre aura donc provoqué un tollé, entièrement artificiel. Son propos a été tenu, puis répété, deux jours de suite, ce 27 janvier, réitéré devant la représentation nationale, le 28 janvier. Le florilège des réactions outragées mériterait d'être publié. Il serait cependant trop volumineux pour entrer dans le cadre de notre chronique. On se contentera donc ici du compte-rendu de la séance des questions à l'Assemblée.
[Propos du premier ministre] "La parole est à M. Boris Vallaud."
Boris Vallaud (PS) « Submersion » : c’est le mot de l’extrême droite partout en Europe et dans le monde. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) C’est un mot qui blesse autant qu’il ment. Monsieur le premier ministre, choisissez-vous vos mots par hasard ou les avez-vous sciemment empruntés à cette extrême droite dont vous prétendez ne plus jamais vouloir dépendre ?
Nicolas Meizonnet (RN) : "Il faudra nous verser des droits d’auteur ! Et que dire des termes employés par votre ministre de l’intérieur ou votre ministre de la justice ?"
Boris Vallaud (PS) Mais d’abord, de qui parlez-vous ? De ces jeunes migrants, devenus majeurs, privés de papiers alors qu’ils sont en apprentissage ? (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) De cette jeune Liri, qui réside à Rouen ? De ces femmes qui s’occupent de nos enfants, de nos parents, (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et écologiste) de celles et ceux qui travaillent dans nos hôpitaux, nos Ehpad, nos crèches ? Parlez-vous de ces hommes et de ces femmes dans les cuisines de nos restaurants, sur nos chantiers, dans nos usines, comme le rappelaient le Medef ou la CPME ?
Nicolas Meizonnet (RN) "Oui, ce sont vos esclaves !"
Boris Vallaud (PS)"De ces travailleurs sans papiers qui pourtant paient leurs impôts, leurs cotisations, nos retraites ? (Applaudissements sur les bancs des groupes socialistes et écologistes. Mme Soumya Bourouaha, communiste, applaudit aussi.) De ces vies arrachées à leurs pays, à leurs familles, par les guerres, les persécutions ou la misère ?"
La question migratoire est une affaire sérieuse pour les Français, trop sérieuse pour se laisser dicter par l’extrême droite les termes dans lesquels on l’aborde. Ce débat mérite mieux que cette funeste coalition de l’ignorance, des préjugés et de l’opportunisme au prix de tous nos principes républicains. Tout plutôt que cet ordre qui puise ses pouvoirs dans la haine de l’autre, que la corruption de nos principes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et écologiste.)"
Monsieur le premier ministre, je vous appelle au sursaut : montrez-vous républicain et fidèle à votre famille politique, celle des démocrates chrétiens. Je vous demande d’être clair : maintenez-vous ce mot de submersion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, dont plusieurs membres se lèvent. – Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs des groupes LFI et communiste.)
Thierry Tesson (RN)"Posez donc la question aux Mahorais !"
Sébastien Chenu (RN) "Les propos de Bayrou avaient trait à Mayotte !"
Mme la présidente: "La parole est à M. le Premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
François Bayrou, premier ministre : J’ai employé le terme que vous évoquez alors que je participais à une émission de télévision, dans le cadre d’un segment relatif à la situation à Mayotte. («Ah ! » sur les bancs des groupes RN et UDR. « Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Depuis cette passe d'armes oratoire, pas mal de réactions ont approuvé les propos du chef du gouvernement. Il semble clair que dans ce contexte on voit mal comment une motion de censure, supposant la convergence des groupes LFI et RN. L'irritation théâtrale de l'irritant Boris époux de l'inoubliable Najat Vallaud-Belkacem a de quoi faire sourire. Dans l'immédiat cependant, elle n'entrainera donc concrètement aucun effet probable, sinon celui d'affaiblir le chantage au vote par le PS d'une motion de censure...
Le commentaire de Mme Marie-Hélène Thoraval résume désormais la situation. Maire de Romans, elle fit face en 2023 à la mort du jeune Thomas, victime du "racisme anti blanc", et aujourd'hui sur Europe N°1, elle constatait : "on attend les actes".
JG Malliarakis