La révolution ? C’est à droite qu’elle gagne les esprits. Ce week-end, à Madrid, Marine Le Pen s’est jointe aux leaders de la droite nationale européenne pour décliner le slogan trumpien du Maga (« Make America Great Again »). Le « Make Europe great again ! » a été avalisé par la fondatrice du RN, lors d’une réunion des Patriotes pour l’Europe. La conversion atlantiste, conservatrice et libérale de la candidate supposée à la prochaine présidentielle n’a pas été revendiquée pour autant. Il n’empêche : quand Le Pen reconnaît que la victoire de Donald Trump constitue un « véritable basculement mondial », elle met ses pas dans ceux du président américain et de sa « révolution du bon sens ».
Ce retournement vient rompre avec le chauvinisme d’un mouvement jusqu’alors rétif au modèle nord-américain. Jeudi dernier, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a lancé pour sa part une autre audace idéologique à propos du tabou du droit du sol : « Le débat public doit s’ouvrir sur le droit du sol dans notre pays (…) Il faut un effort pour devenir français. Etre Français, c’est une volonté. C’est le droit de la volonté ». Embrayant sur cette révélation tardive, François Bayrou a souhaité « entrer dans le débat » sur l’identité française et l’acquis de la nationalité. Le premier ministre a invité à réfléchir à la question : « Qu’est-ce qu’être Français ? ». Ces déblocages mentaux, au RN comme au gouvernement, sont d’autant plus spectaculaires que la gauche s’accroche, en réaction, à son passé dépassé. Cependant cette déglaciation en cours, sous l’effet du changement de climat porté par Trump et son retour aux frontières, laisse voir l’état comateux du débat en France, tétanisé par trente ans et plus de pensées sous surveillance. D’où la question : faut-il croire en ceux qui découvrent la question identitaire, qu’ils avaient sous le nez sans oser l’aborder et qui caricaturaient les pionniers qui abordaient le sujet ?
La réflexion de Schopenhauer se vérifie une fois de plus : « Toute vérité franchit trois étapes. Tout d’abord, elle est ridiculisée. Ensuite elle subit une forte opposition. Puis elle est considérée comme ayant été toujours une évidence ». Ceux qui ont alerté sur la débandade des « élites » à propos de la nationalité, de son contenu et de ses protections ont d’abord été assimilés à « la France rance », avant d’être combattus pour leur « xénophobie », pour enfin être rejoints par leurs contempteurs. Pendant longtemps, se réclamer de la nation a été vu comme une régression pétainiste, y compris par la droite de gouvernement. En mai 2015, Laurent Wauquiez, confronté désormais à l’envolée prometteuse de Bruno Retailleau, déclarait : « Nous souhaitons nous appeler les Républicains car nous défendons avant tout l’identité républicaine ». Cette même année, Nicolas Sarkozy reconnaissait, abordant la critique de son débat sur l’identité nationale de 2009 : « Je n’aurais pas dû parler d’identité nationale, mais dire que je voulais défendre les valeurs de la République ». Cette honte à parler de la France charnelle, de son âme, de sa mémoire et de son peuple est au cœur de la crise intellectuelle, qui fait passer le président américain comme le libérateur des cerveaux cadenassés. Ce lundi, à l’occasion d’un sommet mondial coorganisé à Paris avec l’Inde, Emmanuel Macron, à la recherche d’un rôle, va tenter de se mettre au centre de la promotion de l’intelligence artificielle européenne et de cette autre révolution mondialiste venue des Etats-Unis. Mais l’urgence est d’abord de retrouver l’intelligence collective perdue.
Mes interventions de lundi sur Europe 1 (13h-14h) et CNews (14h-15h)
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