Par Stéphane Blanchonnet
À l’heure où François Bayrou a annoncé son intention de lancer un nouveau débat sur l’identité nationale, il convient de ne pas se réjouir trop vite. Il y a fort à parier que, comme en 2009, sous Nicolas Sarkozy, qui avait d’ailleurs confié l’affaire à un socialiste – Éric Besson –, on ne sortira pas du petit périmètre de la nation-contrat et du trop fameux « plébiscite permanent » de Renan.
Cette formule est tirée de l’excellente conférence Qu’est-ce qu’une nation ? (1882), que tout le monde cite sans jamais la lire… et l’on peut, là encore, s’attendre à ce que la Macronie, ses nouveaux alliés socialistes (qui se sont déclarés ouverts au débat proposé) et ses conquêtes à droite, comme Monsieur Retailleau, ronronnent tranquillement sur l’air des valeurs républicaines et du vivre-ensemble, prolongeant ainsi le contresens sur le plébiscite permanent ; contresens parce que Renan, contrairement à ses épigones contemporains, démontre dans sa conférence qu’il n’y a pas de « consentement actuel » à la nation (le fameux plébiscite) sans, je cite, « la possession en commun d’un riche legs de souvenirs », autrement dit sans qu’il existe un peuple formé par la longue Histoire, qui lui procure une solide conscience de lui-même et une unité qui, dans le cas de la France, je cite à nouveau Renan, « a été réalisée par une dynastie ».
Jamais Renan n’aurait légitimé une réduction de l’identité nationale à l’adhésion à quelques vagues idées générales sur la laïcité ou à la récitation d’une devise ou d’un hymne, jamais non plus il n’aurait considéré qu’on pût sans péril soumettre ces « vieux organismes » (expression qui en dit long sur sa conception au fond assez traditionnelle de la société) que sont les nations à des modifications aussi brutales et aussi rapides de leur composition que celles que nous connaissons aujourd’hui.
Mais il n’est heureusement pas impossible que ce débat lancé d’en haut, sur la base de faux principes, provoque des controverses qui alimenteront une saine réaction dans le sens contraire à celui souhaité par ses initiateurs. Rappelons-nous, par exemple, comment le bicentenaire de 1789 avait donné un souffle nouveau à la réflexion contre-révolutionnaire et au royalisme en 1989.
Profitons donc de l’occasion pour faire mieux comprendre et aimer la France réelle, la France charnelle, que n’est jamais totalement parvenu à éradiquer le pays légal.
https://www.actionfrancaise.net/2025/04/05/debat-sur-lidentite-le-contresens-sur-renan/