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La découverte du siècle : « on donne le bac ! « , par Claude Meunier-Berthelot

« Le bac : mythe ou réalité ? »

Quelle nouvelle ! Il ne manque pas un media pour s’interroger sur la crédibilité de l’extraordinaire score de reçus au bac – qui plus avec un foisonnement de mentions – alors même que toutes les études internationales dénoncent l’indigence du niveau des élèves français, suspectant par là-même une scandaleuse imposture !

Auparavant, il ne fallait pas en parler, personne ne voulait entendre ce discours alors même que ce problème est récurrent depuis des décennies !

Fin des années 1990, nous avions écrit, dans un ouvrage intitulé « le trompe-l’œil de l’éducation » : « le bac : mythe ou réalité ? »

Voici quelques extraits du discours que nous tenions alors.

Bac mythe ou réalité ?

Comment fabrique-t-on des bacheliers quand une majorité d’élèves a grimpé dans l’échelle éducative sans le niveau ?

Pour que les résultats ne démentent pas les objectifs, les réussites sont rendues aisées par des choix de sujets de bac de plus en plus faciles, des corrections très lâches qui font fi des exigences les plus élémentaires, des coefficients ridiculement élevés et une informatique qui ignore les virgules.

1- Les sujets

Les sujets ne sont pas fabriqués en fonction d’un niveau déterminé à l’avance mais en fonction de ce que les candidats sont censés être capables de réaliser afin d’avoir le plus de chance d’obtenir une bonne note ou en tout cas, la moyenne.

Quelques exemples non exhaustifs de dégradation institutionnalisée d’une épreuve d’un des nombreux bacs : une dissertation.

Alors que rédiger une dissertation consiste :

.  au niveau formel, à concevoir un plan, rédiger une introduction, un développement en deux ou trois parties reliées entre elles par des phrases de transition, puis apporter une conclusion

. quant au fond, à faire appel à la réflexion alimentée par des connaissances que le candidat doit savoir utiliser à bon escient et structurer,

au fil des années, il est apparu que de plus en plus d’élèves ne savaient plus bâtir un plan et qu’il en résultait un amalgame souvent confus.

Aussi, afin de mettre davantage cette épreuve à leur portée, les « dissertations » que les candidats eurent à réaliser le furent  partir de sujets présentés sous forme de questions correspondant au plan que l’élève aurait dû, en principe, bâtir lui-même.

Puis, il est progressivement apparu que les élèves ne savaient plus faire, ni introduction, ni conclusion,

En conséquence, la présentation de cette épreuve est devenue la suivante : « répondez aux questions posées... » : plus d’introduction ni de développement structuré à concevoir pas plus que de liens entre les différentes parties ni de conclusion.

Puis, les questions faisant appel à la réflexion donnant des résultats très décevants, les questions posées ont simplement fait appel à des connaissances.

Aujourd’hui, les connaissances faisant défaut, sont distribués, avec les questions posées, des textes (articles de presse le plus souvent) dans lesquels les candidats doivent extirper les données à retranscrire, de préférence de façon organisée, mais il ne faut pas être exigeant sur ce point-là non plus.

Pour autant, l’épreuve porte toujours l’intitulé : « dissertation »

2- Corrections

 Les corrections représentent un festival de démissions qui commencent par la constitution des jurys d’harmonisation pour finir par les jurys de délibération en passant par les corrections proprement dites et les interrogations orales, « festivités » annuelles qui suscitent de véritables concerts de lamentations quant à la qualité du travail ;

Pourtant ! que de reçus !

 Réunions d’harmonisation

Afin de tenter d’harmoniser les notations entre les différents jurys, des barèmes sont établis et procèdent de la même logique que le choix des sujets : ils ne sont pas établis a priori mais a posteriori.

C’est ainsi qu’au cours des réunions d’harmonisation rassemblant les examinateurs d’une même discipline au sein d’une académie, quelques copies sont prises au hasard et corrigées d’après un barème suggéré.

S’il apparaît que les candidats n’ont pas bien su traiter le sujet, les barèmes suggérés sont modifiés afin que le plus grand nombre puisse obtenir, sinon une bonne note, au moins la moyenne : c’est ce que l’administration de l’éducation nationale appelle la « modulation des barèmes »

À noter à ce sujet qu’un président de jury de bac a pu déclarer avec satisfaction : « les barèmes ont été établis pour que les candidats aient de bonnes notes et c’est tant mieux »

Tout est dit !

Corrections proprement dites

Les corrections sont elles-mêmes assujetties à une grande indulgence et ce, malgré les lamentations interminables des examinateurs : « c’est mauvais, franchement mauvais, il n’y a rien dans ces copies, c’est nul, quelles notes peut-on mettre ? C’est lamentable ! »

Nul n’est pas un mot ambigu : nul c’est nul !

Pourtant, attribuer un zéro est impensable, et une note en-dessous de 5, rarissime ; aucun examinateur n’ose mettre une note réellement appropriée à la nullité d’une copie par crainte d’être remis en cause par sa hiérarchie car chacun comptabilise la moyenne des notes attribuées et la remet à sa hiérarchie qui peut l’interpeller du fait d’une moyenne trop faible et lui demander de relever les notes si celles attribuées ne permettent pas d’obtenir un nombre suffisant d’élèves reçus par rapport aux prévisions officielles.

3 – Interrogations orales 

Interroger les élèves, ce n’est plus leur donner un sujet à construire et sur lequel il leur est demandé des précisions par quelques questions complémentaires.

Une fois le sujet choisi et préparé par le candidat, il ne faut surtout pas que l’examinateur attende un travail structuré : lorsque quelques connaissances dispersées ont été énoncées par le candidat – souvent laborieusement – les interrogateurs doivent s’en contenter et lui mettent au moins la moyenne sinon…entre autres exemples, un examinateur d’anglais s’est vu « remercié » par la hiérarchie pédago-administrative au motif que la moyenne des notes attribuées n’était pas assez élevée : elle était de 8 !

 4 – Jurys de délibération

Les jurys de délibération constituent une véritable foire aux points.

Il a toujours été d’usage de « racheter » des candidats dont le nombre de points obtenus  à l’ensemble des épreuves est proche de celui exigé pour qu’ils soient reçus, d’autant si le carnet scolaire est satisfaisant.

Mais alors que le rachat se faisait sur le total des points obtenus par le candidat avec les notes affectées de leur coefficient et se limitait à 5 points, désormais, il se fait sur la moyenne des notes, ce qui permet d’attribuer un nombre de points supplémentaires important très discrètement.

5 – Coefficients

Utilisés raisonnablement, les coefficients affectés à une discipline d’enseignement ont pour but de mettre en valeur les résultats obtenus dans une discipline jugée importante : c’est une pratique cohérente.

Mais aujourd’hui, pour compléter le système quasi-généralisé de sujets faciles, les coefficients sont gonflés à 5, 8, voire à 12…dans les disciplines qui ne sont pas forcément essentielles mais dans lesquelles les candidats ont le plus de chance d’obtenir de bonne notes, ce qui permet l’amplification du nombre de candidats reçus – voire avec mention – avec des notes lamentables dans des disciplines essentielles comme le français,

6-  L’informatique qui ignore les virgules

Le logiciel utilisé pour collationner les points ne prend pas en compte les décimales ; il en résulte que l’examinateur doit systématiquement attribuer une note arrondie à un nombre entier, mais à la condition expresse que cet arrondissement se fasse en faveur du candidat, autrement dit, qu’il se fasse au nombre entier supérieur : « il ne faut pas  pénaliser le candidat » (sic)

Si un candidat obtient une note de 7,25, il faut arrondir à 8 : dans une matière lourdement coefficientée – à 12 par exemple – il lui est attribué  9 points !

Voilà un aperçu de quelques artifices destinés à obtenir le plus possible de bacheliers !

Nous rappelons que ce ne sont que quelques extraits de ce que nous avons écrit il y a 25 ans alors même qu’aujourd’hui seulement, il est permis de parler ouvertement de l’effondrement du niveau de la scolarité, en contradiction totale avec le nombre impressionnant de candidats admis au bac, qui plus est, avec  mentions !

Conclusion.

Alors, se pose la question du « pourquoi » ?

Pourquoi aujourd’hui, tout le monde peut en parler et en parle, y compris les médias qui ne s’y seraient pas risqués auparavant – « le niveau monte » disait-on  –  sans oublier Brighelli – qui a participé à l’élaboration des programmes –  aux avant-postes pour dénoncer la supercherie : « un 18 vaut un 5 »  dit-il ! ironisant sur la joie que les candidats éprouvent à l’annonce des résultats.

À qui la faute ?

Les jeunes seraient-ils plus bêtes que les générations qui les ont précédées ?

Ce sont ceux qui nous gouvernent qui ont volontairement dégradé le système éducatif, ce sont eux les responsables de cette gabegie éducative et de cette imposture.

Et pourquoi peut-on dénoncer seulement aujourd’hui cette imposture sans être traité de « facho » ?

Tout simplement parce qu’arrivé au terme de la destruction du système scolaire, émerge une révolution qui consiste à remplacer les cours par des activités basées sur l’acquisition des « valeurs – dites – de la république » et qu’il sera désormais impossible de répondre aux exigences – même amoindries – d’un bac  pour la simple raison que, du primaire à l’université, l’Ecole n’est plus une Ecole.

Nous l’avions annoncé depuis plusieurs années !

Voilà pourquoi il est suggéré que le bac ne vaut plus rien pour que l’on puisse en tirer la conclusion que mieux vaut le supprimer pour nos enfants mais…mais… tout en le réservant aux élèves issus des « zones urbaines sensibles », c’est ce qui est suggéré dans le discours actuel d’Elizabeth Borne, actuelle ministre de l’éducation : « on ne doit pas donner le bac à tout le monde » !

C’est ce que veulent ceux censés nous gouverner !

Rien n’est le fruit du hasard.

Claude Meunier-Berthelot

https://www.medias-presse.info/la-decouverte-du-siecle-on-donne-le-bac-par-claude-meunier-berthelot/207248/

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