
Par Adègne Nova
Le rangement, véritable torture de l’esprit qui amène à se poser mille questions sur l’utilité de garder tel livre plutôt qu’un autre quand la place vient à manquer, a ceci de bon qu’il permet de retrouver des textes que l’on avait parfois oubliés. Jean Guitton, vous connaissez ? C’est ce grand philosophe adepte de Plotin qui, mobilisé comme lieutenant de réserve dans l’infanterie, sera fait prisonnier durant la Seconde Guerre mondiale. Cette période de long enfermement donnera lieu au texte que je viens de relire, Journal de captivité.
Certains passages semblent avoir été écrits aujourd’hui même : « Ce qui unit les Français, par ailleurs si divisés, si dispersés, si divergents, c’est une impatience commune : mais l’impatience, pas plus que la détestation, n’est une vertu sur quoi on puisse bâtir. Il faut un autre ciment pour faire une nation ». Certes, les Français se rapprochent du fait de leur nationalité – et encore, pas tous ! – mais cette adhésion à un papier d’identité n’est parfois pas profonde. En effet, et reprenant les mots de Guitton, il ne s’agit pas d’« un engagement unanime, impliquant un changement de mentalité, un esprit de réforme ou de révolution. On prétend même que, chez plusieurs, c’est un respect d’habileté et de camouflage, une sorte de rideau de fumée blanche derrière lequel on est tranquille pour tramer tout le contraire ».
Évidemment, on ne peut faire autrement que de penser là à nos hommes politiques actuels qui, bien qu’élus aux plus hauts postes, voire même au plus haut, de l’État, ne s’intéressent à la nation que pour mieux la démolir. Ce qui est d’autant plus facile que, « chacun vit isolé par la souffrance qui a mille visages », que « les diverses catégories de Français sont dans des conditions de vie extrêmement différentes », etc. et, finalement, il y a « des Frances différentes, ayant des histoires différentes et qui, le jour venu, arrivent mal à composer ».
Le jour venu de quoi ? Eh bien de redevenir une nation, un peuple, une communauté soudée, unie parce qu’issue de la grande France. « Au fond ces diverses Frances souffrent, en grande partie, parce qu’elles sont séparées les unes des autres. Et le jour où elles se retrouveront, elles devraient se reconnaître assez vite. Encore faudrait-il un centre de pureté et de vérité autour duquel les énergies latentes viennent se grouper. Il faudra peu, mais ce peu sera tout, un souffle, une lumière, une doctrine, une direction, une voix venue du fond de la conscience de la France et qui aille au-delà du présent. En somme, il faudrait l’analogie de ce que Jeanne d’Arc fut. »
« Mais le souffle, la lumière, la voix, nous les avons avec l’héritier des Capétiens. La direction, l’énergie, la volonté, nous les avons avec lui. C’est le crime de la République, de la démocratie, d’avoir amené la division dans notre pays où régnait avant la Révolution, quoi qu’en disent les soi-disant sachants, une adhésion profonde à la royauté, un engagement unanime pour la grandeur de la France. » Le mot unanime est peut-être un tantinet exagéré, il y a toujours quelques opposants et autres mécontents, mais globalement le régime était très bien accepté et les Français étaient tous groupés et unis derrière leur roi.
L’insécurité grandissante, la dette abyssale, la logorrhée européiste, l’idéologie wokisto-démocratique « ont rendu confiance dans leur mauvaise cause aux mauvais serviteurs, aux champions de la République pourrie, à la démagogie socialo-républicaine en même temps qu’ils détachaient de la culture française des Français égarés. Voilà le grand malheur ».
La politique, selon Léon Bérard – que Jean Guitton a remplacé au fauteuil 10 de l’Académie française en 1961 –, « c’est l’art infiniment compliqué de faire vivre ensemble et concourir au bien commun d’une nation des citoyens fort divers et qui ne sont pas nécessairement d’accord entre eux ». Voilà bien tout ce que ne sait pas faire la République, ce régime maléfique qui ronge la France depuis trop longtemps.
Les royalistes actuels ne sont pas de salon ! Ils font de la politique, alors à bon entendeur…