Quand j'étais gamin, un petit vieux qui avait fait quatorze - dix-huit m'avait raconté une drôle d'histoire. A l'époque, on écoutait les anciens.
Alors qu'il revenait du front, il avait pris le train pour revenir chez lui, dans les bons vieux trains aux sièges de bois. Il était entré dans un compartiment où se trouvait un tirailleur sénégalais. Lorsqu'il s'est assis, une odeur pestilentielle lui a pris le nez et la gorge. Cela venait-il du tirailleur sénégalais ? A l'époque, il était encore permis de penser cela. Mais justement non, cela ne venait pas de là, mais de la musette du sénégalais. Dedans se trouvait une tète de «Boche» blond aux yeux bleus grands ouverts que le tirailleur avait emmené chez lui comme un trophée. Il l'avait prélevée avec son coupe-choux sur un cadavre allemand. Il voulait ramener cela en Afrique dans son village natal et susciter ainsi l'admiration de ceux de sa tribu envers le «guerrier».
L'ancien «poilu» m'avait aussi raconté que pendant leurs heures perdues, ceux des troupes coloniales coupaient les oreilles des «Boches» pour en faire des colliers. C'était leur façon à eux de défendre les valeurs républicaines.
Dans les films, on montre souvent les troupes allemandes réserver un sort particulier aux troupes coloniales. Il est vrai qu'ils en avaient gardé un souvenir particulier pendant la première guerre mondiale.
Vérité ici, erreur au-delà. Les Allemands ont toujours trouvé incorrecte l'utilisation des troupes coloniales par les Anglais et les Français. C'était selon la formule consacrée « amener le nègre sur le Rhin ». Quand les Français avaient occupé la Ruhr après la première guerre mondiale, ils avaient trouvé malin, pour humilier un peu plus les Allemands, d'envoyer des troupes coloniales ce qui a d'ailleurs eu comme contrecoup de faire monter l'extrême-droite allemande.
À l'heure où la république nous parle sans cesse de la dette de la France envers les étrangers qui se sont battus pour elle, il est bon de rappeler la vieille histoire de cette relation et faire son récapitulatif.
Pendant la révolution française, la populace parisienne avait massacré les Gardes suisses qui s'étaient mis au service de la France et de son roi. Ce ne fut guère glorieux tout comme pour les Harkis que le gouvernement gaulliste a abandonnés et laissé massacrer.
Pendant la seconde guerre, on a beaucoup parié des républicains espagnols qui sont arrivés les premiers dans leurs blindés à Paris. Serait-il inconvenant de se poser la question de savoir si c'étaient les mêmes qui, quelques années plus tôt en Espagne, violaient les bonnes sœurs, incendiaient les monastères et les églises, égorgeaient les curés.
La république aime insister avec complaisance sur le rôle des étrangers qui se sont battus à notre place et que l'on doit admirer. Ironie de l'Histoire : cela finit par rejoindre la propagande nazie pour qui la République avait complètement abâtardi les Français, incapables de se battre, poussant dans le dos leurs frères de couleur pour aller au casse-pipe défendre les « valeurs républicaines » (les revoilà, celles-là).
D'ailleurs, pendant la première guerre mondiale on n'a pas envoyé à l'abattoir que les troupes coloniales (loin de là). Il suffit de lire les listes interminables de noms sur les monuments aux morts pour trouver ridicule la fixation que l'on fait actuellement sur les vingt mille musulmans qui sont morts (1% des pertes).
Certes la France a encore envoyé en Indochine des troupes coloniales, mais il y a eu beaucoup d'anciens Waffen SS ou tout simplement de la Wehrmacht qui se sont, en fin de compte, jusqu'en Algérie, plus longtemps battus dans l'armée de la république que pour l'Allemagne nazie. Lorsque la république nous dit qu'il faut rendre hommage aux étrangers combattants, on se doute bien que ce n'est pas à ceux-là qu'elle nous demande de penser. A Dien bien Phu Français et Allemands se sont trouvés unis dans le même sacrifice.
Il ne faut pas non plus oublier que certains étrangers qui ont combattu dans l'armée française ont après tourné casaque et nous ont tiré dessus, comme certains chefs du FLN. La France les avait formés et appris à se faire la main à nos dépens. Beaucoup s'étaient engagés uniquement pour la solde. La France les a donc payés.
Ceux qui pendant la guerre, s'étaient engagés pour des raisons idéologiques, l'avaient fait pour combattre l'homme blanc représenté alors par l'Allemagne. Faut-il pour cela leur dire merci pour l'éternité ?
Nous conclurons de tout ceci qu'un peuple guerrier doit avant tout compter sur lui-même. L'apport dans le fond infime qu'ont apporté certains étrangers ne justifie au total aucune dette pour la France, tant sur le plan moral que financier. Nous n'avons à rendre hommage qu'aux vrais guerriers qui se sont battus toute leur vie pour notre pays uniquement.
De la même façon on aurait pu tout aussi bien étudier les Français ou Gaulois qui se sont battus pour une puissance étrangère, des légions gauloises de l'Empire romain jusqu'à la division Charlemagne, sans oublier tous les mercenaires français qui se sont battus pour des causes diverses
Patrice Gros-Suaudeau