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La crise révolutionne-t-elle la pensée économique ?

L’économie mondiale connait une dépression d’une ampleur au moins équivalente à celle qui a débuté dans les années 1970. Les réponses apportées aujourd’hui se différencient pourtant des solutions proposées il y a trente ans.

Quatre ans après le début de la Grande Récession, l’économie mondiale ne va pas toujours pas mieux, les électeurs perdent patience et les gouvernements tombent comme des quilles. Selon les données de l’OCDE, le PIB des États-Unis a reculé de 3,9% entre la fin 2007 et la fin 2009. En comparaison, la contraction économique fut plus sévère au Royaume-Uni (5,5%), moins prononcée en France (-2,8%), et à peu près identique en Allemagne (-4,0%).

Cette situation laisse ainsi de l’espace à une révolution dans la manière de penser, et si ce n’est pas encore en politique, on commence à assister à une modification de la pensée économique.

Prenons d’abord l’exemple du Fond monétaire international (FMI). Jusqu’alors bastion de l’austérité, l’institution se met depuis quelques mois à se prononcer en faveur de politiques fiscales expansionnistes. La Réserve fédérale américaine (Fed) s’est quant à elle engagée en faisant tourner la planche à billets sans limite, tant que l’emploi ne s’est pas rétabli.

Et la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé des achats d’obligations illimités avec l’impression de billets, une politique dénoncée comme étant le travail du démon par le président de la Bundesbank allemande.

Sir Mervyn King, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, a lui choisi de se battre contre un raz-de-marée de soutiens en faveur d’un “dropping money from helicopters”, c’est-à-dire de laisser tourner la planche à billets. King a tenu à distinguer “la bonne et la mauvaise création d’argent“. Selon lui, de telles opérations combineraient des politiques fiscales et monétaires et il n’y a aucun besoin de le faire. Lorsque la Banque a décidé combien d’argent elle devrait créer, c’est au gouvernement seul d’augmenter la dépense ou de réduire les taxes. Il estime cette répartition des responsabilités nécessaire et démocratique.

Une solution extrême comme celle-ci commence à trouver un certain écho en Angleterre. Le principal rival de King à la tête de la Banque d’Angleterre, Lord Adair Turner, est connu pour trouver des solutions imaginatives dans des situations insolubles et il soutient l’idée d’une grosse création d’argent. Son discours a d’ailleurs été soutenu par pas mal d’éditorialistes.

Sir King, comme la plupart des banquiers centraux, redoute la perspective de combiner politique fiscale et monétaire. Pourtant, les deux deviennent presque indiscernables du moment où les taux d’intérêt avoisinent les zéro, parce qu’il n’existe quasiment plus aucune différence entre l’argent et les obligations de l’État. Ces dispositifs pourraient ainsi être mis en place sans augmentations fiscales pénibles ou coupes passantes, en restituant aux gouvernements le droit exclusif de créer de l’argent qu’ils ont perdu progressivement aux banques commerciales. Mais si la stagnation économique globale continue, la patience publique pourrait se lasser des réponses habituelles… Les idées qui semblent maintenant révolutionnaires pourraient-elles alors devenir la sagesse conventionnelle ?

L’avis de Nicolas Goetzmann, gérant de fortune privée:

Atlantico : La crise économique de 2008 a t-elle débouché sur une refonte idéologique économique ? Est- ce que certains présupposés ont volé en éclat ?

Nicolas Goetzmann : Ce qui a volé en éclat depuis 2008, c’est la doctrine monétaire des grandes banques centrales, consistant à confondre taux bas et politique monétaire souple. C’est la victoire de Milton Friedman qui évoquait ce problème comme déjà responsable de la grande dépression de 29 et du Japon des années 90. Les États-Unis ont réagi en septembre dernier avec le soutien illimité de la Fed à l’économie. Le Japon va peut être suivre la même voie avec la probable victoire de M. Abe aux élections de décembre. En Europe, nous attendons une prise de conscience.

Face aux risques de récession, le Fond monétaire international a récemment lancé un appel à soutenir la demande dans les pays en excédent. Face à la difficultés des économies du Sud de l’Europe de sortir de la récession, les politiques d’austérité et de rigueur instaurées ont-elles, sur le plan idéologique, de moins en moins de soutiens ? Que révèle l’assouplissement monétaire accordé par la BCE ?

La rigueur ne peut fonctionner qu’avec un soutien monétaire. Nous avons actuellement une double austérité en Europe, budgétaire et monétaire. C’est une politique de destruction. Nous pourrions avoir une rigueur budgétaire couplée à une relance monétaire. mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Il n’y a pas d’assouplissement monétaire en Europe, rien. Les OMT ne sont pas de la relance monétaire, elles seront “neutralisées” automatiquement comme cela a été annoncé par Mario Draghi. Un soutien de la demande doit se faire au niveau de la BCE.

Qu’est ce que le “helicopter money” ? Peut-il constituer un bon compromis entre effort budgétaire et la planche à billet ?

Le helicopter money, la planche à billets, c’est la même chose. C’est une vision populaire de décrire un accroissement de l’offre de monnaie. Le problème est que cette vision provoque la peur de l’inflation, alors qu’il n’en est rien. Une augmentation de l’offre de monnaie provoque tout d’abord un impact positif sur la croissance, puis, dès lors que le croissance revient, sur les prix. C’est un choix entre une stricte stabilité des prix et le plein emploi. La voie la plus efficace serait une rigueur budgétaire menée de concert avec une nouvelle doctrine monétaire, qui consiste à lier emploi et maîtrise des prix qu’est le market monetarism.

Atlantico via http://fortune.fdesouche.com/

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