Alors que l'Université s'efforce de maintenir nos "humanités", une nouvelle archéologie, dite scientifique, va jusqu'à prétendre réécrire l'histoire des origines d'après l'enseignement qu'elle croit tirer des fouilles faites sur le terrain.
C'est ainsi qu'en Palestine, l'archéologue Israël Finkelstein a réussi, avec un certain succès, à convaincre une partie de la communauté scientifique que les textes du Pentateuque avaient été écrits bien après les événements qu'ils relatent, sur la foi de légendes transmises oralement de génération en génération et que, par conséquent, il ne sont pas fiables.
C'est ainsi qu'en France, bien que toujours dans l'ombre de Christian Goudineau, ancien professeur titulaire de la chaire des Antiquités Nationales, MM. Vincent Guichard et Matthieu Poux imposent leurs nouvelles vues à l'archéologie française, le premier au mont Beuvray, considéré à tort, selon moi, comme le site de Bibracte, le second à Corent où il voudrait voir, également à tort, le site de Gergovie.
Partant du principe que les constructions maçonnées en pierre n'ont pu apparaître en Gaule que par une influence romaine, ils en arrivent à imaginer une "civilisation des oppida, véritables cités de terre et de bois". Ils oublient que César a dû construire une rampe d'accès de presque 23 mètres de haut contre les tours et les murailles d'Avaricum dont les murs de pierres étaient maçonnés, évidemment au mortier de chaux (coagmentis). Ils décrètent que la capitale/forteresse/ville du mont Lassois, récemment mise au jour, est un accident qui n'a pas eu de suite, que les ruines du village d'Alésia sont gallo-romaines et qu'il en est ainsi pour toutes les mises au jour de constructions en pierre.
On comprend, dans ces conditions, pourquoi ces archéologues sont très irrités par ma proposition de situer au Crest, dans les montagnes d'Auvergne, le site très fortifié qui a inspiré le texte de Platon sur l'Atlantide. Car, au-delà du mythe, cela indique que le philosophe voyait dans la capitale des Arvernes une fondation de Poséidon et donc, qu'il lui donnait une origine aussi illustre que celle d'Athènes, mais de nature différente.
Je viens de lire le livre de M. Bernard Sergent "l'Atlantide et la mythologie grecque". Agrégé d'histoire, docteur en histoire ancienne et archéologie, l'auteur est chercheur au CNRS et président de la Société de mythologie française. Il explique comment Platon aurait construit le mythe de l'Atlantide en s'inspirant de mythes grecs qui se sont forgés dans un milieu entièrement grec. Pour ma part, je nuancerais un peu le propos en précisant : "dans le milieu de la mer Egée" pour qu'on n'oublie pas la primauté, dans le temps, du dieu phénicien/tyrien de la mer, Yam, que les Grecs ont, semble-t-il, rebaptisé du nom de Poséidon.
S'il est admis, en effet, que tout a commencé à Sumer, ce n'est que vers le X ème siècle que l'écriture apparaît sur les rives orientales de la Méditerranée dans l'inscription du tombeau d'Ahiram, roi de Byblos. L'écriture n'arrivera en Grèce que plus tard.
De même, selon la Bible, c'est au X ème siècle, à Tyr, que le roi Hiram fit fabriquer des objets en bronze pour le temple de Salomon, notamment une grande cuve reposant sur douze taureaux et richement ornée. Or, les cratères, vases, hydries ou autres objets décoratifs en bronze de cette qualité n’apparaissent dans le monde grec que beaucoup plus tard. A Gergovie (ma thèse), le cratère de Vix, avec la représentation de la Gorgone - à gauche - ne daterait que du VI ème siècle (avant J.C.).
Autre élément de preuve de l'antériorité phénicienne : l'émigration phénicienne partie du port de Tyr et des rivages du pays de Canaan - ceux qui apportent la pourpre - qui a touché, en premier, notre pays.
Pour M. Sergent, il n'y aurait pas de terre Atlantide, ni enfouie, ni cachée. Evidemment, cela ne fait pas l'affaire de ceux qui espèrent, un jour, voir surgir de l'océan la cité engloutie de leurs rêves. Et ces irréductibles sont de plus en plus nombreux, au fur et à mesure que l'ésotérisme progresse au dépens des humanités qui servaient jadis de références à la pensée raisonnable. Mais pour les gens sérieux, il y a, dans le texte de Platon, tout un univers ancien qui ne demande qu'à être mieux compris.
Ce que je regrette, je ne le reproche pas à l'auteur, mais à la communauté archéologique française qui n'a cessé, et ne cesse encore, de rabaisser notre histoire antique pour valoriser, par comparaison, celle de la colonisation romaine, et cela, avec l'approbation du ministère de la Culture, ce qui est un scandale.
Il s'agit là d'une erreur tragique qui oblige intellectuellement M. Sergent à considérer notre pays comme une terra "ignota et inculta" et, de ce fait, à repousser dans un Occident lointain mal défini toute une partie du texte de Platon... Et pourtant.
L'énigme d'Erutheia.
Une énigme ? Pas vraiment ! Hérodote et d'autres auteurs la désignent comme une île de l'océan, au-delà des colonnes d'Héraklès. Ils lui donnent le nom de Gadeira. C'est le nom attesté de l'actuelle Cadix. C'est ici, ou plutôt dans l'arrière-pays, qu'Héraklès/Melqart aurait volé les boeufs de Géryon. Cette action ne peut se comprendre, à mon sens, que si elle est en rapport avec une expédition militaire menée dans le cadre d'opérations de type reconnaissance ou colonial ; autrement dit, la légende pourrait rappeler la colonisation phénicienne qui semble avoir connu son apogée en 814 avec la fondation de Carthage. Ensuite, poursuivant son périple, Héraklès aurait fondé une Alésia que j'identifie à Nuerax/Bibracte/Mont-Saint-Vincent, en Bourgogne du sud. Mais auparavant, d'après Tite-Live, il était passé en Italie, avant que la ville de Rome soit fondée. Il faudrait donc comprendre que le processus de colonisation s'est accentué et développé après la fondation de Carthage, ce qui me paraît assez logique (et peut-être même dès après la guerre de Troie pour des contingents limités).
Dès lors que Gadire s'inscrit, et dans l'histoire, et dans le paysage géographique, force est de constater que Platon en tient compte puisqu'il donne au fils puiné de Poséidon cette dite île de Gadir, et par extension l'Espagne. En toute logique, la province royale voisine qu'il remet à son premier-né, Atlas, ne peut être que Gergovie en tant que capitale, et la future Gaule en tant que territoire... une future Gaule à laquelle il donne, toujours très logiquement, le nom d'Atlantide.
Le procès qu'on me fait pour ma proposition d'une Atlantide qui n'est pas vraiment une île est absurde. Il est clair que, dans la rédaction de ses mythes, Platon n'a jamais cherché à donner une représentation géographique exacte, bien au contraire. D'une part, cela lui aurait été bien difficile pour la Galatie/Gaule alors qu'apparemment, aucun explorateur n'avait parcouru les frontières du Rhin. D'autre part, cela aurait complètement dévalorisé son récit auprès de ses lecteurs qui, depuis l'Odyssée, avaient pris l'habitude de projeter leurs fantasmes dans un univers d'îles lointaines aux extrémités de l'Occident.
Ceci pour dire que Platon ne pouvait situer, poétiquement, son Atlantide que dans une île ou un semblant d'île, de même qu'il n'a pas hésité à forcer le trait pour décrire à ses contemporains une Grèce ancienne aux terres fertiles et bien gérées, ce qui est encore plus difficile à croire. Enfin, il me semble, qu'au lieu d'imaginer une Atlantide du côté des Amériques auxquelles même Christophe Collomb ne croyait pas, il serait bien plus intéressant d'essayer de comprendre ce qui, dans notre pays, a bien pu faire fantasmer les anciens Grecs.
Le jardin des Hespérides.
Comme le montre le char d'apparat du musée de New York, si la tête de lion représentée sur le bouclier identifie une Bibracte combattante, la tête de la Gorgone, ou de Méduse, désigne incontestablement la Gergovie arverne (Gorgona devenue Gergovia). Il n'y a pas d'autre lecture possible. Plus la tête de Méduse était affreuse, plus elle pouvait terrifier l'adversaire. Quant au fait de tirer la langue - signe de défi lancé à l'adversaire ou à la mort, Tite Live l'a noté pour un chef gaulois. Il faut croire que l'image était efficace puisqu'Athéna, elle-même, l'avait portée sur son bouclier, mais il peut y avoir une autre raison. Enfin, si l'on tient compte du cratère de Vix à décor de Gorgones qui ne peut avoir été fabriqué qu'en pays arverne, il ne fait aucun doute que, pour les Grecs, Gergovie était bien le pays de Méduse et des Gorgones.
Citation : Les Gorgones qui habitent par delà l'illustre Océan, vers l'empire de la Nuit, dans ces lointaines contrées, où demeurent les Hespérides à la voix sonore... Méduse était mortelle... Poséidon aux noirs cheveux s'unit avec elle dans une molle prairie, sur une couche de fleurs printanières. Lorsque Persée lui eut tranché la tête, on vit naître d'elle le grand Chrysaor et le cheval Pégase... Persée, quittant une terre fertile en beaux fruits, s'envola vers le séjour des Immortels... Chrysaor, uni à Callirhoë, fille de l'illustre Océan, engendra Géryon aux trois têtes (Hésiode, site de M. Remacle, traduction A. Bignan).
Comme je l'ai indiqué dans mon précédent article, le simulacre de la décapitation de la Méduse a donc bien eu lieu à Gergovie. Persée de Thèbes, en Béotie, y serait donc venu dans les années 520/660 (?) http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec... ; le dessin de la salamandre qui figure sur le pithos en est la preuve irréfutable.
Tout cela s'accorde, en toute logique, avec le texte de Platon. Gergovie, capitale des Atlantes et de la Galatie/Gaule, province royale, et Gadera, capitale de la future Espagne/Hispanie, province gadirique, sont issues d'une même culture phénicienne. Cette culture les rapproche comme les liens de sang rapprochent deux frères. Et il faut remarquer que ces deux cités phéniciennes ont exprimé leurs croyances druidiques dans des sculptures de chapiteaux à la différence de la Grèce qui n'y mettait principalement que du feuillage. Enfin, bien que jumeaux, Gergovie, né en premier, avait toutefois la prééminence.
Plus difficile à dater est la légende d'Héraklès, un héros que, manifestement, les Grecs ont emprunté au Melqart phénicien. Mais ce qui ne fait pas de doute, c'est que certains de ces mythes nous conduisent indiscutablement en Auvergne. Gorgones, Méduse, Atlas, les Hespérides, le jardin aux pommes d'or, oui, nous sommes bien au pays des montagnes auvergnates et des volcans aujourd'hui éteints. C'est là que vivait Atlas, le géant qui soutenait l'une des colonnes sur laquelle prenait appui la voûte du ciel.http://www.agoravox.fr/tribune-libr...
Citation : Lorsqu'Héraklès fut arrivé vers Atlas, dans le pays des Hyperboréens, Prométhée lui conseilla de ne pas aller lui-même chercher les pommes, mais de prendre la place d'Atlas, et de l'envoyer les cueillir. Hercule suivit son conseil, et prit le ciel sur ses épaules : Atlas ayant cueilli trois pommes dans le jardin des Hespérides, revint vers lui, mais ne voulut plus reprendre le Ciel et dit qu'il irait lui-même porter les pommes à Eurysthée. Hercule alors, par le conseil de Prométhée, pria Atlas de le reprendre seulement jusqu'à ce qu'il eut fait un coussin pour mettre sur sa tête. Atlas y ayant consenti, posa les pommes à terre, et reprit le ciel ; alors Hercule s'empara des pommes et s'en alla. D'autres disent que ce ne fut pas Atlas qui les lui donna, mais qu'il les cueillit lui-même dans le jardin des Hespérides, après avoir tué le serpent qui les gardait. Il les porta à Eurysthée qui lui en fît présent ; Hercule les donna à Minerve qui les reporta dans le jardin, car il n'était pas permis qu'elles fussent placées ailleurs.(Apollodore, biblio II, site de M. Remacle, traduction E.Clavier). Dans cette version, c'est le serpent qui garde les fruits, dans une autre version, c'est un dragon. Est-ce le plateau de la Serre dans lequel les Arvernes voyaient un serpent, ou même une sorte de dragon ? Dans mon montage ci-dessus, j'ai voulu montrer comment les Arvernes s'imaginaient, qu'un jour, le dragon de leurs sculptures allait se réveiller de la montagne de la Serre. Ci-dessus, au Puy-en-Velay, Atlas soutient la voûte du ciel de la voûte d'entrée. En dessous, terres cuites décorées inspirées des chapiteaux de Gergovie.
Atlas donna à Hercule non seulement ce qu'il était venu chercher, mais encore il l'initia dans l'astronomie. Atlas avait bien approfondi cette science, et il avait construit avec art une sphère céleste ; c'est pourquoi on le supposait portant le monde sur ses épaules. Comme Hercule apporta le premier en Grèce la science de la sphère, il en retira une grande gloire ; c'est ce qui fit dire aux hommes, allégoriquement, qu'il avait reçu d'Atlas le fardeau du monde.(Diodore de Sicile IV, site de M. Remacle, traduction de l'abbé Terrasson).
Bref, tous ces mythes montrent bien l'intérêt qu'avait Platon à situer son Atlantide dans nos terres.
Et je pourrais ajouter le mythe des géants, celui des titans et, peut-être, d'autres encore... http://www.agoravox.fr/tribune-libr... Dans ces temps de disette, je ne comprends pas la position du ministère de la Culture et de ses services. Et pourtant, il faudra bien, un jour, se décider à montrer comment Gergovie a fait rayonner sur le monde une culture que, jusqu'à maintenant, on a attribuée à d'autres... Dieu est là, dans le vent qui se lève à la surface du lac. Ouvrez les yeux et vous le verrez dans les tourbillons de feuilles que le vent soulève. Voyez ses yeux, son nez, ses oreilles et ses cornes en feuilles de chêne...
Mais revenons à nos moutons pour expliquer, une fois de plus, pourquoi il faut situer l'Atlantide en grande partie imaginaire de Platon dans notre vieux pays.
Je propose l'interprétation suivante du texte de Platon.
Je propose d'interpréter le passage qui suit en essayant de raisonner dans l'esprit de Platon mais en identifiant à priori son île Atlantide à la Gaule. Pour la commodité de l'exposé, je conserverai ce nom de Gaule bien qu'il n'existait pas encore à cette époque. La traduction - en gras - est de M. Luc Brisson. Mes annotations sont indiquées en italiques.
C'est que, en ce temps-là (de même que la Grèce ancienne est géographiquement différente de la Grèce actuelle, de même en ce qui concerne l'île Atlantide qui a précédé géographiquement la Gaule. A noter que les capitales ne changent pas d'emplacement), on pouvait traverser cette mer lointaine (c'est-à-dire, longer les côtes ouest de la Gaule, comme le fera Pythéas). Une île s'y trouvait en effet (pouvant faciliter une traversée par cabotage) devant le détroit (la Gaule, facade ouest). Cette île était plus étendue que la Libye et l'Asie prises ensemble (plus tard, la carte de Peutinger donnera encore à la Gaule une étendue démesurée). A partir de cette île, les navigateurs de l'époque pouvaient atteindre les autres îles (Angleterre, Irlande ?), et de ces îles, ils pouvaient passer sur tout le continent situé en face, le continent qui entoure complètement cet océan, qui est le véritable océan (au temps de Platon, on pensait que le monde habité par les hommes était entouré de cet océan, lequel était entouré lui-même par un véritable continent mais différent du nôtre).
Car tout ce qui se trouve de ce côté-ci du détroit dont nous parlons, ressemble à un port au goulet resserré (il s'agit des côtes méditerranéennes qui sont à l'image d'une grande rade qui s'ouvre sur Marseille. Le goulet resserré s'explique par cette particularité qu'on ne pouvait y accéder que par un canal étroit, en raison des bancs qui en gênaient l'accès) ;
De l'autre côté, c'est réellement la mer (l'océan), et la terre qui entoure cette mer, c'est elle qui mérite véritablement de porter le nom de "continent" (Par contraste avec ce véritable continent précité, la Gaule ne mérite de n'être désignée que par le mot "île").
Or, dans cette île, l'Atlantide, s'était constitué un empire vaste et merveilleux, que gouvernaient des rois dont le pouvoir s'étendait non seulement sur cette île toute entière, mais aussi sur beaucoup d'autres îles et sur des parties du continent (Dans ce cas, il faudrait faire passer le fleuve océan par la Manche et considérer nos amis anglais comme appartenant à un autre monde). En outre, de ce côté-ci du détroit, ils régnaient encore sur la Libye (l'Afrique du Nord) jusqu'à l'Egypte (l'Asie Mineure), et sur l'Europe jusqu'à la Tyrrhénie (l'Etrurie, Italie occidentale).
Conclusion : Gaule côté ouest du détroit + Gaule côté est ->Gaule tout court.
Etonnant, ce texte de Platon qui nous oblige à réécrire notre histoire. On savait que les Gaulois s'étaient très impliqués dans les guerres puniques qui ont suivi. On savait même que des chefs gaulois commandaient des troupes à Carthage même, mais jamais on ne pouvait penser que c'est Gergovie qui commandait à la cité carthaginoise. De même, on savait que les Gaulois/Galates s'étaient portés jusqu'en Asie Mineure contre le royaume de Pergame au II ème siècle avant J.C., mais on ne pensait pas qu'ils s'y trouvaient déjà au temps de Platon. Quant à l'Etrurie, j'y trouve une confirmation pour dire, ce que j'ai déjà souvent dit, à savoir que ce ne sont pas les Etrusques qui ont apporté leur culture à la Gaule mais le contraire, par Gergovie et ses alliés.
Je remercie M. Luc Brisson pour les précisions qu'il m'a données concernant sa traduction du texte de Platon.
Références : Platon, oeuvres complètes, nouvelle traduction de M. Luc Brisson, 2008 et 2011.
L'Atlantide et la mythologie grecque de M. Pierre Sergent, 2006.
Histoire de Gergovie de E. Mourey, pseudonyme Jean, 1993.
Le monde selon le Critias et et le Timée : Luc Brisson et Guillaume Duprat.
Croquis et photos : E. Mourey