Le règne de Napoléon III a aujourd’hui mauvaise image : on en retient essentiellement la défaite de Sedan due à la guerre franco-prussienne et les récits qu’en ont fait Emile Zola, Victor Hugo et la Troisième République. Est-ce suffisant ?
On oublie que c’est sous le Second Empire que la France a accompli sa révolution industrielle, Napoléon III souhaitant en faire une puissance moderne à l’image de la Grande-Bretagne.
Cela se caractérise par le développement massif des chemins de fer, par la révolution bancaire (création du Crédit Immobilier des frères Pereire, de celle du Crédit Lyonnais et de la société générale), par la signature d’un traité de libre échange avec les Royaumes-Unis en 1860, le développement des grands magasins, le développement de la croissance (sidérurgie, mines de charbon, aciéries, textile…), les travaux de Haussmann- le préfet de la Seine- qui perce Paris de grand boulevards et de grandes avenues, qui fait édifier de grandes gares, le Palais de Justice et le Palais Garnier.
Ces transformations sont aussi accompagnées de travaux de salubrité publique : création d’un vaste réseau d’égout, construction de squares et d’espaces verts (Montsouris, Buttes-Chaumont, bois de Vincennes, bois de Boulogne).
La Culture n’est pas non plus en reste, le capitale accueille deux expositions universelles, celles de 1855 et 1867.
Concernant la politique étrangère, Napoléon III permit le rattachement de Nice et de la Savoie à la France et contribua à l’unification italienne, le Risorgimento.
Du point de vue social, on peut aussi considérer Napoléon III comme un souverain averti. Il s’est laissé séduire par les thèses de progrès économique et social lors de son exil a Londres. Ses écrits sont emprunts de ces idées. Dans Les idées Napoléoniennes (1839), il soutient l’idée d’une administration centralisée « plus nécessaire à un régime démocratique qu’aristocratique », où l’Etat serait « un facteur d’énergie salutaire pour tout organisme social » et où une économie centralisée serait au service des démunis.
Selon George Watson, Napoléon III a même contribué à créer un « climat où germent les idées socialistes de 1840-1855 ».
L’Extinction du Paupérisme est rédigé en 1844, alors que Napoléon III se trouve dans les geôles de Louis-Philippe 1er. Le livre contient des revendications sociales révolutionnaires pour l’époque, comme la distribution des terres en friche aux pauvres, aux frais du trésor public.
Mais ces revendications ne sont pas purement théoriques : le Second Empire crée aussi le premier système de retraite pour les ouvriers, les soupes populaires, le développement de l’éducation- notamment féminine- sous l’impulsion du ministre de l’Instruction Publique Victor Duruy. De plus, l’impératrice Eugénie soutient les travaux de Pasteur.
« L’impératrice est légitimiste, Morny est orléaniste, mon cousin Napoléon est républicain, moi je suis un peu socialiste… il n’y a que Presigny de bonapartiste, et il est fou », confia Napoléon III à un proche.
L’année 1864 voit naître les droits de grève et d’organisation des salariés. C’est aussi en 1864 que le sociologue Frédéric Le Play publie La réforme sociale en France, encouragé par l’empereur.
En conclusion, j’invite les lecteurs à s’intéresser davantage à cette période de l’Histoire de France, injustement caricaturée, et les laisse méditer sur cette citation de J. Sévillia :
« Le second Empire, régime d’ordre, rallie les notables. Mais à l’autre extrémité de l’échelle sociale, sa politique remporte une large adhésion, comme le montre l’étude du vote des circonscriptions ouvrières. Invitant ses préfets à jouer les conciliateurs dans les conflits du travail, le souverain pousse les patrons à accepter les augmentations salariales. […] L’historien Alain Plessis qualifie Napoléon III d’empereur socialiste. »
Bastien Nerre http://www.lebreviairedespatriotes.fr
Sources :
- 150 idées reçues sur l’Histoire, collectif, éditions First Histoire 2010
- La littérature oubliée du socialisme, essai sur une mémoire refoulée, George Watson, Nil éditions, 1999
- Historiquement Incorrect, Jean Sévillia, éditions Tempus, 2006