Robert C. Davis, Esclaves chrétiens, maîtres musulmans. L’esclavage blanc en Méditerranée (1500-1800), Editions Jacqueline Chambon, 2006.
Dans l’histoire du monde, l’esclavage a touché toutes les périodes et tous les peuples. Aujourd’hui, seuls les Européens, coupables éternels pour tous les crimes réels ou fantasmés de l’univers, sont culpabilisés à outrance en acceptant souvent de courber la tête devant leurs nombreux accusateurs. Effectivement, parlez au lambda d’esclavage, il vous citera tout de suite le cas du commerce triangulaire sans jamais évoquer d’autres cas, en tout cas pas ceux où les Européens furent touchés. Pourquoi ? Il n’en a jamais entendu parler et s’il en a eu l’occasion, son cerveau a bien vite fait le tri entre ce qui est politiquement correct ou non… Y-aurait-il un complot visant à empêcher nos peuples de redevenir fiers de leur passé en utilisant une histoire incomplète et/ou réécrite à des fins idéologiques ?
Non, les Africains n’ont pas été les seuls à souffrir de l’esclavage au cours de leur histoire. Les Européens, les Blancs, l’ont connu également. Robert C. Davis est un chercheur américain qui enseigne à l’université de Colombus, dans l’état de l’Ohio, et qui a fait de l’esclavage blanc en Méditerranée le pilier de ses recherches. Le présent ouvrage synthétise celles-ci et porte sur une longue période allant de 1492, date à laquelle les Maures sont définitivement chassés d’Espagne, à 1830, quand la France attaque et prend Alger.
Durant ces trois siècles, l’Europe mais surtout ses côtes méditerranéennes souffrirent de très nombreux raids et attaques menés par les pirates barbaresques dans le but de capturer des esclaves. La Méditerranée et ses côtes européennes devinrent rapidement des endroits dangereux pour les populations locales car les Etats de l’époque, en Italie surtout, étaient incapables de réellement contrer la nouvelle forme de guerre des pirates nord-africains : des raids innombrables, constants mais très rapides contre les villages du littoral, les ports et les embarcations de toute taille. Ces raids étaient organisés par les puissantes villes d’Alger, Tripoli ou Tunis et par des capitaines pirates privés. Le but était de capturer le maximum d’esclaves blancs afin de les vendre ou de les faire travailler. Durant la période mentionnée plus haut, plus d’un million de Blancs furent ainsi capturés par les pirates barbaresques. Robert C. Davis évalue le nombre de victimes à 1 250 000 ! On comprendra mieux ce nombre énorme à la lumière de deux faits :
1 – L’esclavage des Blancs était une réelle industrie pour les villes de la côte barbaresque (aujourd’hui, l’Afrique du Nord, de l’Algérie à la Lybie).
2 – Les pirates menaient des raids sur tous les littoraux européens. Même l’Islande fut attaquée à 2 reprises au XVIIème siècle. L’Angleterre, l’Irlande ou les Pays-Bas ne furent pas non plus épargnés.
Les esclaves étaient destinés pour la plupart aux galères ou à tout autre sort peu enviable. Ceux qui étaient riches ou venaient de familles puissantes pouvaient se voir libérés contre le paiement d’une rançon mais ils n’étaient pas majoritaires… On recherchait énormément les captifs habiles tels les constructeurs de navires. Les autres esclaves « de bonne qualité » devenaient serviteurs ou étaient vendus sur les marchés aux esclaves, énormes à Alger ou Tunis. Les juifs, qui étaient acceptés par les villes barbaresques comme citoyens de seconde classe, occupaient souvent de hautes fonctions dans ces marchés. Les acheteurs venaient de très loin, d’Afrique Noire par exemple. Inutile de dire qu’un Blanc valait sur ces marchés autant qu’une tête de bétail…
Les esclaves étaient si nombreux que, dans une ville comme Alger, ils représentaient une grosse partie de la population. Au sommet de sa puissance, la ville comptait en effet un quart de population servile, population d’origine européenne. Les Blanches étaient très recherchées par les riches qui les faisaient entrer dans leur harem, ce qui impliqua nécessairement la naissance de beaucoup d’enfants ayant une partie de sang européen dans les veines, ce qui s’en ressentit forcément sur l’apparence des habitants jugés à la fin du XVIIIème siècle comme de « complexion assez claire ». Alger était la ville métisse par excellence : « parfait amalgame, à une époque, d’esclaves européens, de janissaires, de renégats, de Maures, de Berbères et de Juifs ».
Il convient également de mentionner que « l’apport européen » aux villes barbaresques ne s’arrêtait pas là. Ces villes acceptèrent d’accueillir entre leurs murs de nombreux hors-la-loi ayant fui l’Europe pour des raisons très diverses (religion, justice…). Beaucoup de ces personnages se convertirent à l’Islam, fondèrent une famille sur place et devinrent eux-mêmes des corsaires attaquant les côtes de leur continent d’origine. Ces renégats se taillèrent souvent une bonne place dans la société et, pour reprendre le cas d’Alger, ils constituaient au XVIIème siècle plus de la moitié des capitaines de navires corsaires.
Les conséquences de cet esclavage blanc dont nous avons évoqué les chiffres très élevés plus haut furent désastreuses pour les Etats européens tels l’Espagne, la France ou l’Italie. Incapable de défendre les côtes, la population abandonna le littoral, les villages et les ports en de nombreux endroits à cause de l’insécurité constante représentée par la proximité avec la mer. Ce fut au XVIIème siècle que la pression des pirates fut la plus importante. Les conséquences furent très importantes dans les domaines de la démographie, de l’économie, du développement des régions abandonnées par les populations. Les Etats eux-mêmes furent affaiblis par la constante pression des pirates barbaresques et il faudra attendre le début du XIXème siècle et l’attaque française contre Alger pour voir la fin de ce sombre épisode de l’histoire européenne.
Rüdiger http://cerclenonconforme.hautetfort.com
Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.