Par Jérôme Bourbon.
Le 11 février, à la surprise générale, Benoît XVI a annoncé aux cardinaux lors d’un consistoire qu’il renonçait à occuper le siège de Pierre : « Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien. Je suis bien conscient que ce ministère, de par son essence spirituelle, doit être accompli non seulement par les œuvres et par la parole, mais aussi, et pas moins, par la souffrance et par la prière. Cependant, dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l’Evangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié. C’est pourquoi, bien conscient de la gravité de cet acte, en pleine liberté, je déclare renoncer au ministère d’Evêque de Rome, Successeur de saint Pierre, qui m’a été confié par les mains des cardinaux le 19 avril 2005, de telle sorte que, à partir du 28 février 2013 à vingt heures, le Siège de Rome, le Siège de saint Pierre, sera vacant et le conclave pour l’élection du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué par ceux à qui il appartient de le faire. »
UN UNANIMISME SOVIETOÏDE
Aussitôt cette décision a été saluée unanimement. Par les media qui ont loué ce geste témoignant d’une grande modernité. Par le monde politique, de la gauche à la droite nationale. Par les dignitaires des diverses religions et confessions, les organisations juives se montrant particulièrement élogieuses. On retiendra notamment le communiqué du Congrès juif mondial, dithyrambique : « Aucun pape avant lui n’avait visité autant de synagogues. Il a rencontré des représentants de la communauté juive à chaque fois qu’il s’est rendu à l’étranger. Aucun pape avant lui n’avait fait autant d’efforts pour améliorer les relations avec les juifs, sur autant de niveaux. » Le Conseil représentatif des institutions juives de France n’est pas en reste (voir ci-dessous son communiqué), non plus que le grand rabbin d’Israël qui se dit « reconnaissant envers le pape Benoît XVI pour tout ce qu’il a fait pour renforcer les liens entre les religions et promouvoir la paix interconfessionnelle » Il faut dire que Josef Ratzinger a maintes fois répété que l’Ancienne Alliance n’a jamais été abrogée, que l’interprétation juive de la Bible est parfaitement possible, qu’il a décoré moult rabbins, reçu plusieurs fois au Vatican le B’nai B’rith (en 2006 et 2011), condamné à maintes reprises le révisionnisme (sans jamais dénoncer les peines de prison infligés en Occident aux chercheurs et historiens ne croyant pas en l’“Holocauste”), visité nombre de synagogues de Rome à Cologne. On s’explique ainsi aisément l’hommage universel qui lui est rendu. Nous reviendrons plus longuement la semaine prochaine sur le bilan de ses quelque huit ans de règne.
LES RAISONS D’UN DEPART
Reste à s’interroger sur les raisons de cette renonciation. La raison officielle est son état de santé. Il ne tiendrait pas à finir comme son prédécesseur dont le délabrement et l’agonie très médiatisés se sont éternisés. Nous ne savons évidemment rien des éventuels problèmes de santé de Benoît XVI mais il ne semble pas en tout cas que ses capacités intellectuelles soient altérées puisque deux jours avant cette annonce il méditait quasiment sans notes la première épître de saint Pierre avec les séminaristes de Rome ! Ce qui est sûr en revanche, c’est que cette décision contribue à désacraliser la fonction qu’il affirme incarner. En 1964 Paul VI avait déjà déposé la tiare, ce qui était un geste fort. Celui de Benoît XVI en ce mois de février 2013 est tout aussi significatif. De même que depuis Vatican II les curés et les évêques doivent prendre leur retraite à 75 ans et que les cardinaux sont privés de droit de vote à partir de 80 ans révolus, l’occupant du siège de Pierre prend désormais sa retraite tel un vulgaire PDG ! Les conséquences de cette décision seront innombrables : dès que son successeur tiendra des propos controversés, dès qu’il vieillira, on l’incitera à démissionner. A terme, au rythme où vont les choses, on pourrait même envisager des mandats limités dans le temps comme cela se fait dans les démocraties pour les différents élus, de la mairie à la présidence de la République. Ce serait pousser la logique démocratique et la collégialité conciliaire à leur paroxysme.
Certains observateurs pensent que cette subite renonciation pourrait être liée à l’affaire VatiLeaks, le majordome particulier de Benoît XVI, Paolo Gabriele, ayant dérobé des documents confidentiels faisant notamment état de corruption, de malversations, de népotisme et de favoritisme dans la gestion des biens immobiliers de la cité vaticane. D’aucuns affirment que la décision de Benoît XVI s’expliquerait en grande partie par l’échec, au moins temporaire, des pourparlers avec la Fraternité Saint-Pie X. Depuis son élection le 19 avril 2005, Josef Ratzinger avait entrepris de “normaliser” l’œuvre fondée par Mgr Lefebvre. En recevant son supérieur général Mgr Fellay à Castel Gandolfo en août 2005. En promulguant en juillet 2007 le Motu Proprio Summorum Pontificum faisant de la messe tridentine (cependant modifiée par les réformes de Jean XXIII) une « forme extraordinaire » du rite romain. En levant en janvier 2009 les excommunications des quatre évêques sacrés par le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X. En organisant des colloques doctrinaux avec les “lefebvristes” entre 2009 et 2011. En proposant la signature d’un préambule doctrinal en échange de l’octroi d’une prélature personnelle pour Mgr Fellay.
Ces efforts qui ont failli être couronnés de succès en juin 2012 ont finalement été vains. Tout comme, semble-t-il, la dernière lettre de Mgr Di Noia envoyée en janvier par l’entremise de Menzingen à tous les prêtres de la FSSPX. Les dirigeants de la commission Ecclesia Dei, Müller et Di Noia, auraient d’ailleurs fixé un ultimatum au 22 février, soit quelques jours seulement avant le départ de Benoît XVI (étrange coïncidence !) pour que Mgr Fellay acceptât le préambule doctrinal du 13 juin 2012. Cet échec est une défaite cinglante pour Benoît XVI qui avait mis au centre de ses préoccupations et de son action la résolution du « problème FSSPX ». […]
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