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Retraites : la fin de l’âge d’or… les retraités ont mangé leur pain blanc

Patronat et syndicats avaliseront-ils la désindexation des retraites complémentaires par rapport aux prix lors de leur prochaine et théoriquement dernière – séance de négociation le 7 mars prochain ? Cette quasi-première ouvrirait une nouvelle période de baisse de pouvoir d’achat pour les retraites. Une rupture par rapport à la tendance du passé où l’on a vu le niveau de vie des retraités se hisser – en moyenne – à celui des actifs. Une performance que le système par répartition ne peut assurer qu’en période de croissance économique. Les années de vaches maigres ne laissent pas d’autre choix que d’opérer des révisions déchirantes

Plus rien ne sera comme avant pour les retraités qui ont vécu leurs plus belles années – Ah, la fameuse “lune de miel” des retraités ! Et les futurs inactifs qui persistent à croire que le statu quo actuel est tenable vont déchanter. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Placé devant le mur du financement – selon les dernières projections du Conseil d’orientation des retraites ( COR) -, le système de retraite fera face à un besoin de financement de 1 % du PIB (soit 20 milliards d’euros) à l’horizon 2020 et jusqu’à près de 2,5 % dans la pire des hypothèses à l’horizon 2040. Des perspectives qui signent inéluctablement la fin prochaine de l’âge d’or des retraites en France.

Le système français de retraites par répartition , l’un des plus généreux au monde, est parvenu à hisser le revenu des retraités quasiment à la parité de celui des actifs. Année après année, le niveau des pensions progresse de l’ordre de 3 à 4 % car les nouveaux retraités ont des carrières plus complètes et mieux payées. Question : une telle performance réalisable en période d’expansion est-elle, ne serait-ce que viable, en période de stagnation ?

Sous la pression financière

De gré ou de force, c’est sous la pression financière qu’il faudra fournir la réponse. Et cette dernière sera tranchée dans le vif. Le dossier des retraites, un temps oublié, fait un retour bien plus rapide que prévu.

Sous la double menace comptable et bruxelloise, le gouvernement accélère la cadence. La réforme de 2010 était pourtant censée laisser le dossier tranquille au moins jusqu’en 2018. Las, la récession est passée par là et le creusement du besoin de financement ne laisse pas d’autre choix aux autorités que d’intervenir pour enrayer la dérive. Cette année ou l’année prochaine ? L’exécutif hésite encore sur le bon timing pour traiter ce délicat dossier.

Fidèle à sa méthode de concertation, il installe cette semaine un comité des sages, présidé par Mme Yannick Moreau, chargé d’indiquer les différentes mesures possibles – et souhaitables – pour assurer la “pérennité” du système avant de convoquer une nouvelle conférence sociale au début de l’été. Son espoir ? Que d’ici là, une décantation se réalise du côté des solutions car il n’existe pas trente-six moyens mais seulement trois paramètres sur lesquels, en l’état actuel du système, les gestionnaires peuvent agir pour rétablir l’équilibre : le niveau des cotisations, l’âge de la retraite ou le niveau des pensions.

La désindexation à l’ordre du jour

Voilà un hasard du calendrier qui arrange bien les affaires du gouvernement qui ne veut pas assumer le premier le mauvais rôle : ce sont les gestionnaires des retraites complémentaires (Arrco pour les employés et ouvriers, Agirc pour les cadres) – le “deuxième étage” des retraites selon l’expression consacrée (le régime de l’assurance vieillesse de base constituant le premier étage) – qui doivent résoudre la difficile équation financement/prestations.

Les régimes qui étaient encore excédentaires font face à un déficit d’environ 4,5 milliards d’euros et avec une telle hémorragie, les réserves financières seront épuisées dès 2017 pour l’Agirc et 2020 pour l’Arrco. Or il n’y a pas d’échappatoire. La règle veut que les régimes couvrent leurs besoins par leurs ressources propres sans recourir à l’endettement. Ce qui les oblige à trouver des solutions d’urgence si possible d’ici le 1er avril prochain, date à laquelle les paramètres du régime sont traditionnellement chaque année révisés. Avec à la clé une possible désindexation des retraites.

Nous sommes d’accord pour prendre des mesures conservatoires à la condition que ces dernières soient équilibrées. La désindexation ne pourrait être que provisoire et ne peut pas en tout état cause concerner le régime général qui constitue le socle des retraites”, déclare Jean-Marie Toulisse, secrétaire confédéral à la CFDT en charge des retraites.

Cette mesure sans précédent, si elle est avalisée par les syndicats et le patronat, pourrait inspirer le gouvernement, ce dernier pouvant alors se risquer à son tour à l’appliquer aux retraites de base. “Les partenaires sociaux ne sont pas dupes de la manoeuvre. Cette partie de go devrait trouver son épilogue le 7 mars prochain, date de l’utlime réunion de négociation pour les régimes complémentaires”, analyse Philippe Crevel, directeur du Cercle des épargnants. La désindexation est l’une des mesures les plus radicales. Une sous-indexation d’un point par rapport à l’inflation fait réaliser une économie de 4 milliards d’euros. Les Allemands l’ont fait depuis 2004, ce qui a conduit à une perte de pouvoir d’achat de plus de 10 % en huit ans.

Mais “ce serait écorner un acquis majeur des systèmes de sécurité sociale” écrit Bertrand Fragonard, magistrat à la Cour des comptes et auteur de Vive la protection sociale ! (éditions Odile Jacob).

Appliquée de façon durable, la sous-indexation conduirait à une baisse marquée du niveau de vie des retraités les plus âgés (un point sur vingt ans de durée de service d’une pension diminue son pouvoir d’achat en dernière année de 18 %).

L’âge de la retraite en question

On n’est certes pas obligé d’imaginer une séquence aussi longue. Et à court terme, la tentation de la désindexation a ses adeptes au sein même de l’exécutif ; cela éviterait au gouvernement d’avoir à “jouer” sur l’âge du départ à la retraite, une option qui fait figure de tabou à gauche. “Le report de l’âge légal fait l’objet d’un blocage à gauche, celle-ci ne voulant pas se déjuger après sa vive opposition à la réforme de 2010. Personne ne croit François Hollande capable d’annoncer un passage de l’âge de la retraite à 63 ou 64 ans après 62 ans. Et il aura du mal à assumer un allongement de la durée d’assurance”, analyse Philippe Crevel.

Bémol supplémentaire : le piétinement récent de l’espérance de vie au cours de la dernière période pourrait ralentir l’allongement mécanique de la durée d’assurance (selon la règle 2/3- 1/3 calée sur un partage constant de la vie humaine entre activité – en moyenne 40 ans – et retraite – vingt ans). La voie est étroite.

Si l’on veut écarter l’option de désindexation, il n’y a pas d’autre choix que d’accélérer l’augmentation de la durée d’assurance ou de différer l’âge de la retraite pour atteindre 64-65 ans aux alentours de 2030. C’est ce qu’ont fait les Allemands qui ont programmé la hausse de l’âge de la retraite à 67 ans jusqu’à l’horizon 2030.

Dans une société où l’on vit plus longtemps, ce n’est pas une régression sociale que de travailler plus longtemps si – et c’est un chantier immense – on améliore les conditions d’emploi des seniors. C’est vraisemblablement la condition à remplir pour ne pas avoir à subir de régression du niveau de vie des retraités”, reprend Bertrand Fragonard. Confrontés à ces choix, les Français l’entendront-ils de cette oreille ? La réforme de 2010 accouchée dans la douleur – 4 mois de manifestations, trois journées de grèves – montre que cela n’a rien d’évident.

La fin de l’âge d’or

Quelle que soit la voie choisie, la situation des futurs retraités est appelée à connaître un net décrochage par rapport aux actifs. Selon les travaux du COR, le montant de la pension moyenne rapporté au revenu moyen d’activité est appelé à diminuer entre 5 et 10 % d’ici 2030 et de 10 à 25 % d’ici 2060 selon les hypothèses.

Et, encore, ce chiffrage ne prend en compte que le cas des carrières pleines or on sait qu’avec le développement de l’instabilité professionnelle, ces cas feront figure à l’avenir d’exception. “Jusqu’ici les réformes ont été quasi neutres pour les salariés ayant eu des carrières linéaires. En revanche, ceux qui ont des carrières heurtées ont subi une baisse de leur retraite. C’est un facteur d’inégalité”, déplore Jean-Louis Toulisse.

Les travaux du COR donnent toute la mesure des ajustements nécessaires pour atteindre l’équilibre du système de retraite. A l’horizon 2040, par exemple, cet équilibre supposerait une hausse de 2 points des prélèvements à la charge des actifs, un recul de l’âge effectif moyen de départ à la retraite d’environ 2 ans et une diminution relative des pensions par rapport au revenu d’activité d’environ 12 %. Mais quelle que soit la combinaison retenue, une certitude : il faudra agir sur tous les paramètres en même temps. Les retraités ont mangé leur pain blanc.

le Nouvel Economiste

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