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Soigner ou éliminer les récidivistes

L'Institut pour la justice fait-il fausse route ?
L'Institut pour la justice a été fondé la même année que celle où la jeune Anne-Lorraine Schmitt a été assassinée dans le RER par un récidiviste. Le général Schmitt, père de la victime, a rejoint cette association et lui a donné une voix qui a porté, et c'est pourquoi nous écoutons toujours avec sympathie les prises de position de l'Institut pour la justice.
Cependant celui-ci semble amputer son action d'un élément fondamental en tenant pour définitivement acquise l'abrogation de la peine de mort que Jacques Chirac a voulu faire inscrire dans la Constitution de 1958.
Cette position est une erreur qui obère son action par ailleurs louable. Car c'est ignorer que les règles européennes imposées interdisent aussi les peines d'enfermement perpétuelles.
Et c'est pourquoi le communiqué de l'Institut du 10 février 2011 est plutôt injuste car il impute la responsabilité du meurtre de Laetitia pour une part aux magistrats, et il conclut que leur grève est indécente et irresponsable.
Pourtant c'est bien le législateur qui a prévu que toutes les peines d'emprisonnement seraient aménagées, c'est-à-dire raccourcies ou changées (sauf quelques exceptions que nous verrons plus loin), et en tout cas, toutes les peines ayant une fin, il est inéluctable que les condamnés sortent un jour.
Rappelons pour mémoire que c'est le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy qui a voulu que les délinquants étrangers restent sur notre sol après l'exécution de leur peine, en faisant voter la loi du 26 novembre 2003 qui a considérablement restreint le cas où l'étranger criminel pouvait être expulsé.
Qui est laxiste, de la magistrature ou du législateur ?
Les magistrats sont chargés d'appliquer la loi et il est malvenu que le gouvernement les accuse d'un laxisme qui se trouve dans la loi qu'ils appliquent. Nous n'entrerons pas dans la querelle de la prétendue séparation des pouvoirs qui semble hors de propos ; de même nous laisserons de côté la question de savoir s'il est loisible et opportun de critiquer les magistrats et les décisions de justice.
Il est évident que Sarkozy dès 2003, avec sa loi contre la prétendue double peine, a fait preuve de démagogie et de la volonté de plaire à une gauche inspiratrice des médias, et dont l'idéologie sévit partout au sommet de l'État. L'Institut pour la justice appelle cette attitude « compassionnelle » et la stigmatise en ce qu'elle oublie constamment les victimes au bénéfice des condamnés qui ont droit à toutes les attentions de la Justice et en particulier de la Chancellerie.
Le point que semble ignorer l'Institut est qu'en vertu d'une règle non écrite mais souvent rappelée, les institutions européennes excluent l'emprisonnement à vie ; ainsi la Cour européenne des droits de l'homme a par un arrêt du 12 février 2008 distingué les peines d'emprisonnement perpétuelles (qui sont admises) des peines perpétuelles incompressibles (qui sont prohibées) [Kafkaris c. Chypre].
C'est pourquoi un système extrêmement compliqué a été mis en place pour tenter de maintenir de longues peines et des mesures de sûreté sans tomber sous la censure de la CEDH.
L'impossible peine perpétuelle
Ne cherchons pas plus loin que dans les règles pénitentiaires européennes qui ont été élaborées en 1973 par le Comité européen de coopération pénologie et révisées à plusieurs reprises sur mandat du Comité des ministres du Conseil de l'Europe ; le 11 janvier 2006 le Comité des ministres a adopté la dernière révision sous la forme d'une recommandation.
La règle n° 6 des principes fondamentaux confirme qu'il ne saurait y avoir de peine perpétuelle car chaque détenu doit un jour « réintégrer la société libre » et la vie en prison doit être organisée dans cette perspective.
Nous ne contesterons pas que la prison perpétuelle est un enfer ; cf. Prisons françaises ? L'état des lieux, Ed. Atelier Fol'Fer.
Mais que faire des criminels dangereux et récidivistes ?
Pour tourner les injonctions européennes, le législateur français pétri d'incohérence (il s'agit de « la femme sans tête » stigmatisée par Maurras, à moins que ce ne soit l'hydre de Lerne qui étouffe notre France agonisante) a choisi plusieurs voies.
- Les lois sur la récidive. Ces dernières années il y en eut quatre :
—Loi du 9 mars 2004 dite Perben II ;
—Loi du 12 décembre 2005 sur la récidive ;
Loi du 10 août 2007 sur la récidive des majeurs et des mineurs ;
Et la dernière loi du 10 mars 2010 sur la récidive.
Plus ou moins appliquées (et applicables) ces lois n'ont pas changé le cours de l'Histoire ou celui de la Justice, car des causes plus profondes poussent à la récidive, dans une société hédoniste et matérialiste, où tout s'effondre à commencer par la famille, pilier de la société.
• D'autres lois ont visé à mettre hors d'état de nuire les criminels les plus dangereux en les maintenant plus longtemps derrière les barreaux avec la période de sûreté ; instaurée en 1977 elle avait été réduite à 22 ans par le nouveau Code pénal de 1992.
Par la loi 94-89 du 1er février 1994 dite de « perpétuité réelle ou incompressible » on a étendu la période de sûreté à 30 ans « lorsque la victime est un mineur de 15 ans et que l'assassinat a été accompagné de tortures ou d'actes de barbarie » (articles 221-3 et 221-4 du Code pénal).
Toutefois l'article 720-4 du Code de procédure pénale permet au Tribunal de l'application des peines de faire bénéficier le condamné qui a purgé 20 ans d'emprisonnement des mesures d'aménagement qui lui avaient été refusées par la cour d'assises. Mais cela est subordonné à une expertise médicale réalisée par un collège de trois experts.
- La rétention de sûreté prévue par la loi 2008-174 du 25 février 2008 a pour but de maintenir enfermés en fin de peine les condamnés qui « présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive en raison d'un trouble grave de la personnalité » : des « centres médico-socio-judiciaires de sûreté » leur sont destinés.
De la même façon des expertises médicales sont prévues ainsi qu'une période d'observation.
Cependant l'article 706-53-16 prévoit que la décision de rétention de sûreté, qui est reconductible, n'est valable qu'un an et l'article suivant prévoit qu'elle peut être remise en cause par le détenu tous les 3 mois.
- Lorsque, inéluctablement, le condamné est remis en liberté, soit en libération conditionnelle soit en fin de peine, il lui est appliqué la surveillance judiciaire ou le suivi socio-judiciaire (loi 2010-242 du 10 mars 2010). La première mesure est décidée par le Tribunal de l'application des peines tandis que la seconde est de la compétence de la juridiction de jugement (tribunal correctionnel ou cour d'assises) et peut atteindre 30 ans. Elles sont toutes deux exécutées sous le contrôle du juge de l'application des peines et du Service pénitentiaire d'insertion et de probation.
Enfin lorsque la rétention de sûreté a pris fin, et si le condamné présente toujours des risques de récidive, la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut placer celui-ci sous surveillance de sûreté pour une durée de 2 ans.
Toutes ces mesures sont essentiellement fondées sur des soins médico-psychologiques ou psychiatriques, sur les contrôles des agents de probation et le cas échéant sur l'efficacité du bracelet électronique.
L'expertise psychiatrique et les malades mentaux
Avec les progrès de la chimiothérapie, et en particulier l'usage de neuroleptiques très puissants et efficaces, les médecins psychiatres se sont persuadés qu'ils avaient trouvé les moyens de soigner et même de guérir des malades mentaux jusque-là enfermés dans des asiles ou des hôpitaux psychiatriques.
Le vrai problème est que l'efficacité de ces produits cesse dès que le malade ne les absorbe plus et il est de plus en plus difficile de suivre ces malades, faute de personnel suffisant et aussi très souvent parce que le patient refuse d'être traité et tente d'échapper à la surveillance du personnel médical.
C'est ce qui rend particulièrement dangereuse pour l'ordre public et la sécurité des personnes la médecine ambulatoire des malades mentaux qui sont libérés précocement alors qu'auparavant ils demeuraient internés.
Le même problème se pose en prison où les malades mentaux à divers stades de leurs maladies sont nombreux.
Pour eux la question posée à la Justice est celle du degré de leur responsabilité ou de leur irresponsabilité. Ils ne seront évidemment pas traités de la même façon selon l'un ou l'autre cas.
L'enfermement des criminels récidivistes
La prison n'est pas une panacée. D'abord parce que les gardiens y risquent leur vie et même la perdent, compte tenu de la dangerosité de certains détenus.
En outre s'il existait une véritable peine d'enfermement à vie, certaines catégories de prisonniers n'hésiteraient pas à risquer le tout pour le tout et mettraient en danger toute la prison.
Le reproche le plus couramment fait à la prison est que c'est l'école du crime. C'est en grande partie vrai. C'est aussi un lieu de délinquance parce qu'on a abaissé l'autorité du personnel pénitentiaire et qu'il est de plus en plus difficile d'y maintenir la discipline.
Certains condamnés peuvent être soignés et réadaptés tels les alcooliques, plus difficilement les drogués et les malades mentaux.
Mais certains pervers sexuels sont malheureusement irrécupérables. Quelques-uns sont conscients du problème et demandent à subir la castration. Précisons que comme pour les malades mentaux, la castration chimique n'a d'effet qu'aussi longtemps que le traitement est suivi. Dès qu'il est interrompu (et quel personnel peut le contrôler ?) la dangerosité est à nouveau entière.
Alors la castration chirurgicale est peut-être la solution envisageable si elle est volontaire.
Enfin après avoir démontré que les peines d'emprisonnement perpétuelles sont actuellement exclues par le législateur et de toute façon très difficiles à mettre en œuvre, il faut reposer la question de la peine de mort pour les crimes les plus graves et les récidivistes dangereux car Salus populi est suprema lex.


Custos Présent du 25 février 2011

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