L'homme contemporain va davantage se transformer dans les trente prochaines années que durant les deux millénaires nous précédant. Les choses évoluent bien plus vite que l'on ne l'imagine. Tout l'avenir se dirige vers une sorte d'humanité normalisée faite de robots androïdes. Plusieurs axes se développent. Et la prospective n'est nullement difficile à faire même si le citoyen moyen n'a pas envie d'y penser et l'assimile à de la science-fiction.
De l'homme formaté à l'homme « biologique »
Le premier d'entre eux est l'homme sociétal, c'est-à-dire normalisé par la société. C'est le politiquement correct, la pensée unique et clonée. Le citoyen moyen ne s'intéresse plus qu'à ses besoins élémentaires et à ses loisirs. Métro, boulot, dodo, repos. Un abrutissement par le sport et les médias.
C'est le conditionnement pavlovien, les réflexes conditionnés : à chaque fois que je passe devant mon bocal de poissons rouges, ils se précipitent vers moi, même si je ne leur donne rien à manger. Les lecteurs de Présent reçoivent jour après jour le vaccin et l'antidote de cette mise en condition ; ceci afin d'échapper au nivellement des intelligences, des mœurs et des coeurs voulu par Big Brother.
Puis vient l'homme biologique créé artificiellement par la fécondation in vitro et élevé en couveuses. La procréation naturelle doit être ainsi remplacée par les éprouvettes et ; séparée complètement de la sexualité. Développer la FIV fait partie du programme proposé par le parti socialiste : la maternité est aliénante, place à la machinerie biologique. Il y a aussi le clonage. Nous avons très largement dessiné les contours de cet « homme nouveau » dans nos articles précédents.
L'homme génétique
Il en est de même de l'homme génétique. Notre organisme est formé de cellules qui contiennent un noyau. Celui-ci renferme les chromosomes. Modifier les chromosomes est létal, c'est-à-dire entraîne la mort cellulaire. Le professeur Lejeune en son temps avait fente de supprimer le fameux chromosome 21 responsable de la trisomie. Les divisions cellulaires ont cessé de se faire. Il en sera de même avec les cellules reproductrices. Le sexe de l'homme est lié au chromosome XY ; XX chez la femme. Vouloir faire un garçon d'une fille et inversement est une véritable folie contraire à la nature.
L'homme génétique se profile aussi. Dans les chromosomes se trouvent les gènes. L'ensemble de ceux-ci se nomme le génome. Quand ils sont porteurs de maladies, l'idée est de les remplacer par des gènes sains. C'est à ce jour l'échec quasi total : l'Association de lutte contre la Myopathie s'est positionnée sur ce créneau depuis 30 ans sans obtenir le moindre succès. Les gènes, sans entrer dans les détails, sont formés de chaînes d'acides désoxyribonucléiques ou ADN. Ce sont des longs filaments de quatre acides aminés mélangés entre eux : Adénite, Thymine, Cytosine, Cuanidine. Il est possible d'agir à ce niveau par le séquençage de l'ADN sur une zone donnée, et de pronostiquer de nombreuses maladies mais surtout leurs potentialités d'apparition. La possibilité de changer des séquences malades est possible : c'est la fameuse « chirurgie du gène ». L'ADN induit la formation des protéines de l'organisme dites de transcription. Celles-ci permettent la synthèse des tissus. Il est possible de modifier le message donné. Un changement minime de ces protéines peut aboutir à des cellules intestinales ou des neurones. En pratique il sera possible de développer à la demande le volume cérébral ou musculaire. En clair : développer des surdoués ou des Monsieur Muscles. Ceci conjointement aux fécondations in vitro usant de gamètes sélectionnés.
Parallèlement, il est possible d'acheter sur internet des spermatozoïdes, de Schwarzenegger par exemple - ce qui donnera après le croisement de beaux bébés probablement musclés mais sans plus d'intelligence. De même il est possible d'acheter des embryons « à la carte ». Voici donc un pas important vers l'homme parfait appelé de leurs vœux par certains et progressivement obtenu par manipulations biologiques très simples.
Mieux encore, Venter a réussi à transposer des génomes entiers de cellules d'organismes - en pratique des bactéries ou des vers - pour les insérer dans d'autres organismes. Plus encore, il a réussi à séparer l'un de l'autre chacun des acides aminés ATGC comme s'il avait enlevé des milliards de perles d'un collier de 3 mètres de long. Puis il les a réenfilées, si on peut dire, pour faire un autre collier tout aussi long mais différent. Il a ainsi réalisé un nouveau génome inconnu à ce jour créant par là un organisme nouveau, une nouvelle bactérie, un nouvel être vivant surnommé Synthia. Il se fait fort de remonter dans l'échelle des êtres vivants pour aboutir à l'homme lui-même soit en créant des gamètes (ovules et spermatozoïdes), soit des embryons.
Le cerveau, un organe qui évolue
Il est possible désormais de supprimer la mémoire des souris puis de la leur faire revenir. Il en est de même des souvenirs agréables et désagréables que ce rongeur peut avoir et a pu avoir par le passé, en pratique des automatismes. Apparemment dans cette affaire, il y a un effet seuil. Autrement dit, ces petits rongeurs n'auront jamais une mémoire d'éléphant. Tout ceci repose sur la plasticité du cerveau. C'est d'ailleurs à ce niveau que se situe la justification scientifique de l'idéologie du gender. Toute idéologie se doit d'inventer son Lyssenko. L'idée est simple. Élevez une fille comme un garçon, son cerveau se transformera et il deviendra un garçon. Les encéphales de deux nouveau-nés de sexes différents à la naissance seraient très proches et peu sensibles aux modifications hormonales (ce qui reste à prouver et va à l'encontre du message génétique).
Le cerveau de l'homme pèse 1,4 kg environ. Nous n'en exploiterions qu'un dixième. Ce qui explique que par l'IRM (imagerie par résonance magnétique) des personnes alcooliques chroniques ayant un comportement normal peuvent avoir le cerveau littéralement atrophié. Mais il existe aussi des appareillages qui descendent au niveau des neurones constituant le cerveau ; ce qui peut être utile par exemple pour limiter les dégâts de l'ablation d'une tumeur cérébrale. Chaque neurone a un long prolongement appelé axone, sorte de câblage qui va jusqu'à l'extrémité du corps. Il se termine par des zones de jonction appelées synapses. Une seule cellule neuronale peut comporter jusqu'à 20 000 synapses entrant en contact avec les synapses d'autres cellules. Leur nombre total est estimé entre dix et cent milliards. Et chaque synapse peut envoyer jusqu'à 40 000 informations par secondes. Or le nombre de synapses diminuerait de 30 millions chaque seconde, bien plus qu'il ne s'en crée. Ce qui tend à prouver qu'à chaque seconde le cerveau a tendance, globalement, à involuer. Il se détruit très régulièrement y compris au niveau de l'espèce. C'est l'avis du Pr Marc Jeannerod, neurophysiologiste, membre de l'Académie des Sciences, fondateur de l'Institut des Sciences cognitives. « Il n'y a pas de néo-neurogénèse », écrit-il (in Sciences et Avenir, sept. 2007). Quoi qu'il en soit, la complexité du cerveau laisse à penser qu'il est impossible de réaliser un tel ensemble par la simple biologie. C'est alors qu'intervient l'informatique.
Nous avons tous constaté que le moindre ordinateur bon marché a une puissance bien supérieure à celle de l'homme ; il intègre des milliards d'informations, des dizaines de dictionnaires de traduction par exemple. Disons que pour le moins, il est capable de mémoriser, de dialoguer, de stocker, d'analyser en quelques secondes plus d'éléments que l'homme ne le fera dans toute une vie.
Le projet SyNapse
IBM entend prouver que les PC de demain pourront réfléchir et réagir de manière plus humaine que l'homme lui-même et veut réaliser un ordinateur capable de faire un tel exploit. Les ingénieurs du géant américain de l'informatique basé à New York ont annoncé avoir réussi à mettre au point le prototype d'une nouvelle génération de puces informatiques « cognitives ». Particularité de celles-ci : elles fonctionnent comme un cerveau. Une perspective qui rendrait possible une multitude de nouvelles applications pour ces machines faites de circuits et transistors. Par exemple, nous savons déjà que les banques font appel à des ordinateurs hautement programmés qui décident de vendre ou d'acheter des actions en bourse. Certes, souvent ils se trompent. Mais l'homme encore plus. IBM a appelé du nom SyNapse (1) le projet visant à réaliser ce que les synapses font chez les humains. Il s'agit ni plus ni moins que de fabriquer un cerveau artificiel capable de raisonner comme un humain. Par comparaison, les simples jeux d'échecs informatisés achetés 30 euros fonctionnent selon le même principe : il est impossible de les battre. De même, nos voitures ont des robots parlants qui prévoient les bouchons de la circulation par système global de positionnement (GPS).
Toutes les parties de SyNapse portent les mêmes noms que ceux utilisés en neurologie. L'arrivée sur le marché de tels appareils intelligents est prévue pour 2015. À quoi ceci peut-il servir ? À la même chose que le cerveau humain. Prévoir le temps qu'il fera, régler les problèmes mécaniques, biologiques ou sentimentaux.
Y aura-t-il encore des hommes demain ?
Conjointement la médecine a fait des progrès étonnants. Il est désormais possible de numériser les rêves et visualiser les pensées sur écran informatique. Ceci se nomme « l'imagerie interne », qui permettra par exemple de regarder ce que pense un homme dans le coma. À ce jour la vision oculaire a été numérisée. En pratique il s'agit de consigner ce qui se passe dans la tête. Des chercheurs de Berkeley en enregistrant l'activité cérébrale par imagerie médicale ont mis au point un logiciel qui apprend à reconnaître les formes et les couleurs que perçoivent les individus testés. Il est capable de reconstruire un contenu une vidéo complète de l'activité cérébrale. L'image numérisée peut bien sûr être transposée en données informatiques classiques. C'est la porte grande ouverte à l'enregistrement des pensées et à la compréhension du fonctionnement cérébral. Ceci se nomme « l'interface cerveau-machine ». Ce mot suppose l'inter-réaction entre l'homme et la machine. Et à terme la possibilité par retour de modifier les pensées.
Dans quelques années il sera possible d'imaginer que le projet SyNapse pourra bénéficier de telles découvertes. Les pensées seront littéralement injectées dans un ordinateur qui lui-même a déjà des possibilités infinies de réflexion grâce à SyNapse. En pratique le fonctionnement de l'intelligence humaine sera numérisé et stocké sur des microprocesseurs. Nous rejoignons alors les thèses de Nick Bostrôm qui dirige l'« Institut pour le futur de l'humanité » de l'Université d'Oxford. Les transhumanistes vont plus loin encore. Ils affirment qu'avec la miniaturisation exponentielle des microprocesseurs, tous les cerveaux de l'espèce humaine pourraient se concentrer dans une valise. Ce qui est certainement faux car les microprocesseurs ne sont pas indéfiniment réductibles.
Les robots pensants
Existent déjà au Japon des robots capables de répondre à un certain nombre de demandes et d'effectuer quelques actes courants de la vie comme préparer le thé. Paris Match a présenté un homme qui vivait avec une femme robot. Il pouvait échanger quelques mots avec elle, lui faire effectuer quelques actes courants et « elle » était capable de le satisfaire sexuellement. Mais disons que pour aller au-delà il faudrait que la mécanique se perfectionne. Des robots joueurs de billard ou violonistes ont été mis au point. Mais ceux-ci sont incapables de se débrouiller si leur environnement change et ils sont inaptes à avoir d'autres activités. Au Japon, Self Organizing Incrémental Neural Network (SOBVN) est un robot capable de s'adapter, de trier ce qui lui est demandé. Il devient de plus en plus intelligent car il se réfère à des expériences antérieures pour effectuer des actes qu'il n'a pas encore appris. Il est même capable de se mettre en contact avec d'autres robots pour demander des conseils qu'il intégrera dans sa mémoire. Si par exemple il est incapable de préparer le thé, il répondra qu'il ne sait pas mais va l'apprendre. Il se branchera de lui-même sur le Web et prendra contact avec un autre robot sachant effectuer une telle action et il l'apprendra. Exactement comme on apprend à un enfant à ranger ses jouets ou la table de multiplication. Il crée en lui-même un véritable réseau neuronal qui lui permet de s'adapter à l'environnement.
iCub est un petit robot ressemblant à un enfant de trois ans et demi. Il a été mis au point par une vingtaine d'universités conjointes car le projet est ouvert librement au monde entier. Il aurait actuellement l'intelligence d'un enfant de son âge. Il est capable de voir, d'apprendre, de réagir au toucher et même connaît l'anglais. C'est un être humain artificiel. Mais présentement la mécanique n'est pas encore au point car il ne marche qu'à quatre pattes. À quoi sert-il ? À apprendre comment la pensée se développe.
Fantôme d'humains
L'aéroport d'Orly est en train de s'équiper d'hologrammes. De quoi s'agit-il ? Vous cherchez la plateforme d'embarquement de votre avion. Une charmante personne vous répondra avec précision et politesse. En réalité vous avez devant vous un personnage virtuel qui vous accueille. Il n'est qu'une sorte de robot- image sans consistance, un fantôme. Il semble vrai, et le sera plus encore quand il sera réalisé en trois dimensions. Voilà qui est certes fort amusant. Dans la saga de La guerre des étoiles, Ben Kénobi apparaît de cette manière plusieurs fois. Cela se nomme téléportation sans dématérialisation du modèle. Avantages de l'hologramme humain d'Orly : économie de personnel et pas d'agression possible. Il est impossible de tuer une telle image virtuelle.
L'homme bionique
Pourquoi parler de la robotique et de l'hologramme ? La séquence est la suivante. SyNapse, le superordinateur à intelligence humaine, intègre les pensées et l'intelligence des hommes grâce à la numérisation de l'IRM. Le tout collecté sur un microprocesseur. Ce dernier a déjà des capacités programmées considérables. Il est implanté sur notre robot japonais SOINN possédant déjà des masses de données informatiques. SyNapse peut être aussi intégré à des hologrammes. À quoi arriverons-nous ? À un androïde infiniment plus intelligent que l'homme lui-même. Ce dernier sera littéralement largué par sa création et il pourra, s'il n'y prend garde, en devenir l'esclave ; mais surtout il sera devenu inutile. Un temps viendra où les hommes ne seront plus faits d'une âme d'une chair et de sang comme Dieu l'a voulu mais de métaux et de circuits informatiques. Ce sera la fin de notre humanité devenue virtuelle. Et peut-être même les cerveaux qui la dirigent. La réalité dépassera la science-fiction. Même Aldous Huxley ne l'avait pas prévu.
Reste à savoir qui tiendra le manche de la valise rassemblant toute l'humanité que certains veulent voir disparaître : Dieu ou un homme.
Jean-Pierre Dickès Présent du 22 octobre 2011
Président de l'Association catholique des Infirmières et Médecins
www.acimps.org
(1) SyNapse : Systems ofNeuromorphic Adaptive Plastic Scalable Electronics.