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L'Opinion

L'opinion, la doxa en grec, s'oppose aux deux autres façons de penser à celle de la science (epistemé) et celle de la philosophie. Elle est considérée comme un savoir malpropre donc méprisée. Elle peut passer pour être l'expression d'une subjectivité alors qu'elle ne fait souvent que répéter ce que dit un groupe social, la collectivité....L'opinion a pourtant son mode de fonctionnement venant de la tradition, des mythes, de la religion, d'une mentalité collective.
Elle est sociologiquement celle de la masse ou du peuple par opposition à « ceux qui savent », les experts, les diplômés, ceux qui ont fait des études. Elle exprime un rapport social.
Les élites ont donc le plus grand mépris pour ceux qui ne savent pas et ne font que répéter l'opinion du peuple, c'est à dire celle du café du commerce.
Dans les sondages ont met souvent en exergue la catégorie des diplômés et celle des non diplômés.
L « opinion » des non diplômés étant présentée de façon plus ou moins sournoise comme celle de la bêtise, des incultes. On trouve souvent l'expression « plus les personnes sont diplômées, plus elles pensent ceci », ce qui sous-entend que la pensée contraire (ou différente) est celle des imbéciles. Bref l'opinion serait à l'opposé d'un savoir « vrai ».
La destruction de l'opinion par la philosophie
La philosophie s'est construite contre l'opinion. Dans la République Platon s'attaque à l'homme de l'opinion qui est un aveugle, un prisonnier, un malade. Toute l'histoire de la philosophie est liée à une dévalorisation de l'opinion. Si pour certains toutes les opinions se valent Platon rétorque que si toute opinion est vraie alors on a aussi l'opinion que l'opinion est fausse.
On retrouvera cette condamnation chez Bachelard dans la formation de l'esprit scientifique : « la science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion. S'il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion ; de sorte que l'opinion a en droit, toujours tort. L'opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l'opinion : il faut d'abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter ». On a là de façon presque caricaturale le point de vue de la Science qui rejoint celui de la philosophie avec Descartes dans le discours de la méthode lorsqu'il énonce les quatre principes de la méthode : « le premier étant de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connaisse évidemment être telle... ». Ce principe s'oppose bien sur à l'opinion comme à la tradition et l'autorité.
Husserl où la doxa réhabilitée
Face à la science, la doxa était honteuse. La doxa n'était qu'une somme de lieux communs (qui dort dîne...) ou de préjugés. Avec Socrate et son questionnement et l'élève Platon, la raison s'est construite jusqu'au système cartésien. L'opinion était fondée sur le quotidien de l'existence. Husserl a vu dans la doxa le monde de la vie premier. La doxa est donc réhabilité comme ce qui nous donne les premières explications de notre vécu. Le monde de la quotidienneté n'a en général que faire de la version scientifique du monde. Quand j'ai chaud je n'ai pas besoin de connaître la thermodynamique.
La doxa pour Husserl a fondé les constructions postérieures de la Science. Mais la science n'a fait que désenchanter le monde premier de la quotidienneté. Elle a substitué des constructions logiques faites d'idéalités au monde de la vie. On peut dire que la phénoménologie à la différence de la Science a redonné sa place à la doxa.
Heidegger
Pour le philosophe I' « être-jeté » est l'affectivité du Dasein (être-là). Le Dasein est dans la quotidienneté c'est à dire qu'il se trouve dans un contexte historico-social. L'être-là est un « être-avec » donc il comprend le monde selon l'opinion de tous ce que Heidegger appelle le « on » anonyme. « On » se scandalise comme tout le monde. L'opinion du Dasein ne fait que partager l'opinion commune.
Le philosophe parlera de dictature du « on ». L'existence est à l'origine inauthentique. L'être-là ne peut jamais se soustraire à cette interprétation quotidienne dans laquelle il a d'abord grandi. C'est en elle, à partir d'elle et contre elle que s'accomplit toute compréhension authentique. Heidegger comme Husserl réhabilite la doxa comme compréhension originaire.
L'authenticité consiste à sortir de l'opinion commune. Le monde du « on » est une pré-compréhension.
L'opinion chez Heidegger s'appelle aussi bavardage qui parle de tout. Le Dasein pour être authentique doit se détacher du « on ».
À partir de l'opinion on retrouve la problématique de la vérité et de sa construction, L'homme a souvent la fatuité de croire que « son » opinion vient de lui alors qu'elle n'est que le produit de son milieu social, de l'école, de la société, des médias, des faiseurs d'opinion...
Notre société est ambivalente car elle se veut technico-scientifique donc ne donnant de valeur qu'à la science et dans le même temps par ses sondages incessants elle donne une valeur immense à l'opinion publique où toutes les opinions se valent de l'imbécile ou « savant », ce terme maintenant comprenant par exemple des prix Nobel ou autres.
Si l'opinion en mathématiques n'a guère de sens elle refait son apparition même dans des domaines comme la Science, la physique où il existe différentes interprétations et la biologie.
L'opinion politique étant une conviction elle paraît donc hors du vrai ou du faux. Cette « opinion » politique se retrouve pourtant dans ce qu'on appelle les « sciences humaines ».
L'opinion comme toute connaissance â sa part de métaphysique.
PATRICE GROS-SUAUDEAU

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