Made to break (fait pour casser) dit le canadien Giles Slade dans son livre sur l’obsolescence dont s’est inspiré Serge Latouche. On le sait : des défaillances techniques sont introduites volontairement dans nombre de produits manufacturés. Objectif : qu’ils ne durent pas « trop » longtemps. C’est cela, l’obsolescence programmée. Un moyen de faire acheter un nouveau produit le plus vite possible. « Le point de départ de l’obsolescence programmée c’est l’addiction de notre système productif à la croissance. » L’obsolescence programmée est un moyen d’éviter une crise des débouchés. En cas d’insuffisance du pouvoir d’achat, les crédits y pourvoient.
Notre système repose sur l’addiction à la croissance
Günther Anders avait bien résumé le principe du consumérisme : « Apprends à avoir besoin de ce qui t’est offert. (…) Le refus d’acheter est considéré comme un véritable sabotage des ventes. » Les sybarites ont ainsi remplacé les spartiates. L’acte d’achat est ce qui reste du civisme.
Les primes à la casse participent de ce système : il s’agit de jeter pour acheter du nouveau, quand bien même l’ancien produit donnerait encore toute satisfaction. L’obsolescence artificielle s’appuie sur le culte de la nouveauté. Le comble de l’obsolescence programmée, c’est le concept du jetable. On a développé ainsi, aux Etats-Unis, le concept de « maison jetable ».
Pour une société durable
Les limites de ces projets ont toutefois été atteintes. La plasticité de l’homme n’est pas encore illimitée. Il y a une prise de conscience de la nécessité d’une économie circulaire, qui, comme la nature, recycle systématiquement ses productions. C’est le concept de développement durable.
Mais il atteint lui-même ses limites si on ne remet pas en cause l’impératif de croissance. « La construction d’une société de décroissance, nécessaire si nous voulons que l’humanité ait un avenir, implique un changement radical de nos manières de produire, de consommer et surtout de penser. En particulier, nous devons substituer à l’obsolescence systématique la durabilité, la réparabilité et le recyclage programmé des produits afin de réduire notre empreinte écologique et de revenir à un niveau soutenable de prélèvement des ressources naturelles. (…)».
Il y a dans l’économie des choses à développer et d’autres à restreindre. C’est l’économie qui doit être durable. Dans certains domaines, ce qu’il faut développer c’est… la décroissance. Avant même l’économie durable, l’impératif premier doit être celui d’une société durable.
- Serge Latouche, Bon pour la casse. Les déraisons de l’obsolescence programmée, Les Liens qui Libèrent, 144 p., 13 €.
Pierre Le Vigan http://fr.novopress.info/
Source : Metamag.