En ce mois de juin 2013 à Rome, le pape pouvait ainsi réaffirmer : « le principe de laïcité qui gouverne les relations entre l’État français et les différentes confessions religieuses ne doit pas signifier en soi une hostilité à la réalité religieuse, ou une exclusion des religions du champ social et des débats qui l’animent. »
Quelle meilleure introduction au livre d’Émile Flourens ? (1)⇓
Ce petit volume répond, en effet, à un certain nombre de légendes. Et l’auteur y développe, de manière souvent prophétique, tout ce que les défenseurs de la liberté religieuse considéraient à l’époque comme inacceptable dans la loi de séparation de 1905 et dans la loi sur l’exercice public des cultes de 1907.
La crise appelée en France « séparation de l’Église et de l’État » est supposée avoir été durablement résolue par le vote de la loi de 1905 : on la présente aujourd’hui comme irénique, bienfaisante, réconciliatrice et pratiquement intangible.
On entend dire également qu’il conviendrait de ne jamais la modifier. En un siècle, cependant, elle a subi de nombreuses transformations. Le lecteur pourra vérifier en consultant le texte et ses modifications.
Ce document fut produit par la volonté unilatérale des gouvernements radicaux-socialistes appuyés sur la majorité de 1902. On le présente comme l’acte de naissance consensuel d’une république laïque. Cette épithète figurait dans l’article 1er de la constitution de 1946, recopié textuellement en 1958. Entouré des qualificatifs, tout aussi généralistes, de « démocratique » et de « social », précédé d’une affirmation « d’indivisibilité » il ne veut pas dire grand-chose sinon des vœux pieux.
Aujourd’hui, l’actualité du dossier ne devrait échapper à personne. On pourrait presque parler de son urgence.
C’est en effet au nom de cette laïcité factice que la plupart de nos politiques entendent combattre l’islamisme. Confrontés à ses formes les plus extrêmes, les Occidentaux ne veulent pas considérer le phénomène d’ensemble.
D’un article publié par Nouvelles de France le 13 juin 2013, l’auteur déplorait « qu’en France, les catholiques se retrouvent souvent prisonniers de l’ornière 'séparation de l’Église et de l’État', et peinent à se défendre du caractère apolitique de leurs combats. »
Certes, un tel complexe ne risque pas d’atteindre les militants de la prédication mahométane. Au regard de celle-ci l’idée d’une coupure entre le spirituel et le temporel ne peut même pas s’inscrire dans les distinctions opérées en occident par l’héritage scolastique du moyen âge.
Le mot « laïcité » lui-même ne figure pas dans la loi de 1905 et on ne peut pas dire qu’il aurait jamais reçu une définition vraiment intangible.
Les étudiants en Droit apprenaient autrefois religieusement, si l’on ose dire, l’arrêt abbé Bouteyre du Conseil d’État en date du 10 mai 1912. Au nom de la « laïcité », – de l’enseignement – le ministre de l’instruction publique pouvait refuser d’admettre un prêtre catholique à concourir à l’agrégation de philosophie. On l’étendit à toutes les fonctions publiques. Les ministres d’alors, les Viviani, Briand et Clemenceau allaient tous diriger le pays pendant la Première guerre mondiale. Le même laïcisme leur commanda d’imposer aux prêtres, moines et séminaristes des obligations militaires que, dans les pays civilisés, on jugeait jusqu’alors contraires à leur état.
Devant la Commission des lois, le 29 mai, Mme Colette Capdevielle députée PS des Pyrénées-Atlantiques ira, quant à elle, jusqu’à parler d’un « dogme de la laïcité ». En tant que tel ce dogme n’a jamais été vraiment défini et il ne saurait l’être, pas plus d’ailleurs que le fameux, mais mystérieux pacte républicain, que personne n’a jamais lu ni jamais signé, mais que l’on présente si couramment pour un ciment de notre société.
Dans la pratique les « bouffeurs de curés » et autres héritiers du « petit père Combes » savent à quoi s’en tenir. Ils n’ont jamais désarmé, dans leur « laïcisme » acharné à détruire les racines chrétiennes de l’Europe.
On a récemment débattu dans les instances parlementaires d’une proposition de loi n° 998, déposée par l’UMP et qui souhaite étendre la laïcité aux entreprises et aux associations. Le représentant de la Conférence des évêques de France s’est inquiété du fait que la proposition de loi constituerait « une nouvelle étape de la laïcisation de la société française. Celle-ci conduirait à ce que l’expression religieuse se trouve confinée dans la seule sphère privée, sans possibilité d’expression publique. «
Imaginant endiguer la poussée islamique, ce sont l’ensemble des forces politiques françaises qui surenchérissent sur un thème qui autrefois appartenait essentiellement aux partis de gauche. Parmi les députés, le discord entre UMP et parti socialiste portait sur l’intensité et sur l’opportunité des mesures, à peine sur la méthode. Proposées en l’occurrence par la droite, elles s’exposaient aux critiques des socialistes et des écologistes. Mais les représentants de la majorité gouvernementale leur reprochaient surtout de faire double emploi, concurrence déloyale, avec la création d’un Observatoire de la laïcité le 8 avril où l’opposition est représentée par 2 (deux) membres sur 23. M. Gilbert Collard est allé encore plus loin, – dans le même sens : « il faut pacifier ce pays, a-t-il dit, et le seul moyen, c’est de demander aux cornettes, aux voiles et aux croix de ne plus s’exhiber, de manière que nous puissions vivre ensemble. » Le déplacement de la cible des mesures laïcistes et le changement de nature de celle-ci, passant du catholicisme à l’islamisme, n’est pas évoqué.
Émile Flourens s’engage ici courageusement dans la lutte contre les diverses étapes de la législation laïciste.
La loi de séparation fut adoptée par la chambre du Bloc des gauches victorieux lors des élections législatives de 1902. Elle avait été préparée par la loi de 1901 sur les associations dans le moule desquelles on prétendait enfermer l’Église, les congrégations et la vie des diocèses et paroisses.
L’Église ne capitula pas : face au caractère liberticide des mesures adoptées en 1905 et 1907, qui allaient si largement contribuer à la déchristianisation du pays, le Pontife romain répondit par trois encycliques, publiées de février 1906 à janvier 1907 : Vehementer Nos, Gravissimo et Une fois encore qui, toutes, récusent la législation laïciste spoliatrice et persécutrice.
La grande guerre passa. Ce n’est qu’en 1924, par l’encyclique Maximam gravissimamque de Pie XI, qu’un compromis bancal régularisa les associations diocésaines, créées pour résister à une loi inique.
JG Malliarakis http://www.insolent.fr/Apostilles
- cf. Le Laïcisme contre la liberté par Émile Flourens.⇑