L'annonce a fait l'effet d'un coup de tonnerre : après le premier tour qui avait vu l'éviction du candidat socialiste (au grand dam des bien-pensants de gauche comme de droite), l'élection législative partielle de Villeneuve-sur-Lot s'est, certes, soldée par la victoire du candidat UMP. Mais Jean-Louis Costes ne l'emporte qu'avec 53,76 % des suffrages, laissant 46,24 % des voix à son jeune challenger Front national : Etienne Bousquet-Cassagne. Deux voix pour une en quelques jours, puisque l'entre-deux-tours le voyait passer de 8 522 voix à 15 647 !
Les réactions de stupéfaction, voire d'inquiétude, ont immédiatement fusé, la classe politico-médiatique peinant à comprendre les raisons de cette progression FN entre les deux tours. Incapables d'y parvenir, droite et gauche se renvoyaient, par médias interposés, la responsabilité d'un état de fait qui, malgré le score électoral, est une victoire en soi. Ainsi le patron du PS reprochait-il à l'UMP son « inacceptable ambiguïté vis-à-vis de l'extrême droite ». Pauvre Harlem Désir ! Devenir responsable de parti ne l'a pas fait plus fin analyste politique...
Pour l'heure, du haut de citadelles moins imprenables qu'ils ne le croyaient, les caciques de droite comme de gauche veulent donc croire que la victoire psychologique du Front national ne serait que le fruit de dissensions plus ou moins irréductibles entre eux.
Un « très gros coup de semonce politique », affirme le ministre du Logement Cécile Duflot. Un « avertissement », claironnent en chœur - si ! - Jean-François Copé et François Fillon.
On pourrait multiplier les citations, pour constater que, droite ou gauche, ils sont incapables d'admettre les raisons de leur échec, à l'instar d'Arnaud Montebourg accusant le président de la Commission européenne José-Manuel Barroso d'être « le carburant du Front national ».
On a beau y assister, on a quelque mal à croire : en la réalité de ce mauvais vaudeville...
Front républicain
Plus perspicaces, certains se sont tout de même interrogés sur l'avenir du front républicain. Interpellés sans doute par Marine Le Pen qui, au soir du scrutin, en publiait l’avis de décès, repris en boucle par un certain nombre de médias. En effet, il n'y a guère encore, le Front national ne parvenait qu'avec difficulté au second tour. Et surtout, lorsqu'il y parvenait, il ne disposait d'aucune réserve de voix... Dans le Lot-et-Garonne, le FN a sans doute profité, au second tour, des abstentionnistes du premier. Mais manifestement aussi, d'électeurs de gauche lassés de se porter au secours de l'UMP, et avant lui du RPR. L'élection, en 2002, de Jacques Chirac n'a toujours pas été digérée...
Après mûre réflexion, Alain Juppé déclare donc : « Je ne suis pas sûr que faire du « front républicain » une stratégie nationale soit une bonne idée ; je me demande même si ça n'alimente pas, d'une certaine manière, la propagande du Front national qui veut mettre l'UMP et le PS dans le même sac - le "touspourris" - pour s'en dissocier. » Si c'est le meilleur d'entre eux qui le dit...
Pour François Hollande, la situation est encore plus tragique. Aussi affirme-t-il qu'il faut « tirer les leçons du premier tour et du second tour » de cette élection.
Mais il ne suffit pas, pour cela, de reconnaître la victoire du candidat UMP, tout en accusant l'opposition d'être responsable de la situation, selon « la psychologie de canapé » dénoncée par Marine Le Pen.
Il ne suffit pas non plus de reconnaître que le front républicain a vécu.
Il ne suffirait même pas d'admettre que le FN est devenu un parti de gouvernement, et que, à 51 %, selon un sondage paru deux jours avant le scrutin, ses électeurs affirment adhérer à ses idées politiques. Fini donc la simple tentation du rejet.
Désobéissance civile
S'en tenir là, ce serait ignorer une réalité affirmée de plus en plus haut, de plus en fort, dans la rue, par des Français de plus en plus nombreux, par des millions de Français : celle de la désobéissance civile, qui a son berceau dans l'imposition par la force du pseudo-mariage pour tous. Une force qui a déjà fait plus d'un millier d'interpellations, six cents gardes à vue. Et un prisonnier politique.
Dans ce rejet, les Français, on l'a vu dans le Lot-et-Garonne, englobent le PS et l'UMP. Dépassant le front républicain, ils ne veulent plus d'un système qui a usé, trahi notre pays.
Et, s'ils ont mis un certain temps à se décider, ils ne sont manifestement pas prêts à lâcher !
Olivier Figueras monde & vie . 2 juillet 2013