Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La bibliothèque de Camille Galic (arch 1988)

Fascinée par l'histoire des civilisations et la linguistique, Camille Galic voudrait savoir jouer de toutes les langues (ancienne élève des Langues Orientales, elle en parle quatre et en lit près d'une dizaine) et affirme ne s'intéresser à la politique que parce que la politique s'est toujours trop intéressée à elle. Française d'Algérie de la sixième génération, on la trouve en mai 58 - l'année du bac - sur le forum d'Alger - pour l'armée, mais contre De Gaulle - et, en mai 68, à la Sorbonne, mais cette fois comme journaliste, à Rivarol. Camille Galic, qui avait choisi le métier de journaliste pour voyager, a bourlingué de l'Albanie au Zimbabwe - qui reste pour elle la Rhodésie. Depuis qu'elle a succédé à Maurice Gaït - qui, avec Lucien Rebatet, lui a « tout appris » comme directrice, rédactrice en chef et éditorialiste de l'hebdomadaire d'opposition nationale et européenne », elle ne quitte plus guère son « placard » des Marais.
Il était une fois... j'avais à la fois une bibliothèque et le temps d'y flemmarder, m'abîmant pour trois jours et trois nuits dans les « Deux Etendards » de Rebatet, à mes yeux le plus grand roman du XXe siècle, et qui devra bien être reconnu pour tel un jour. ou fréquentant dans la même soirée la « Négresse blonde » (« Bérénice, la belle Youtresse ... ») de Georges Fourest, le « Roi Pausole », de l'exquis Pierre Louys et « Trois Hommes dans un bateau », de Jérôme K. Jerôme, tous de très vieux amis.
Fini. J'ai toujours la bibliothèque, mais mes soirées sont occupées par la lecture des quotidiens et des hebdos.
Ma bibliothèque relevant donc du passé (et peut-être de l'avenir), restent les piliers de la table de chevet, ceux qu'on peut abandonner après quelques pages et retrouver avec le même bonheur le lendemain. D'abord, pour les soirs où l'on est vanné, les « livres-cocons », où l'on a l'impression d'avoir appris à lire. Dans mon cas, « Les histoires comme ça » de Kipling, « Les contes du chat perché » ou la « Belle image » de Marcel Aymé, les « Contes d'Andersen », les « Mille et une nuits » (traduction Galland), et la Bible, dont on fuira comme la peste les traductions récentes, privées de toute poésie et illisibles à force de cuistrerie.
Vivent les pamphlets et l'évasion !
À portée de la main, les « Choses vues » du père Hugo et «Hugothérapie» de Cousteau pour dégonfler le mythe du dit Hugo, le «Cyrano» de Rostand et le théâtre de Corneille. Pour se débarrasser des scories laissées par une journée de rewriting, un retour aux sources de la langue s'impose avec « Jacques le fataliste » ou le Gobineau des « Nouvelles asiatiques ». Pour oublier les soucis du lendemain, s'endormir avec « The Inimitable Jeeves », de Sir P.G. Wodehouse, inimitable inventeur d'un univers euphorisant où les membres de la Chambre des Lords se ruinent, non pas pour des danseuses, ce qui serait d'un commun ! mais pour « L'Impératrice de Blandings », « le plus beau cochon du monde » ou pour une vache porte-crème (du Devon). Pour se réveiller gonflé à bloc, en revanche, je conseillerai les «Contre» (« la Bourgeoisie », « la Plèbe », « L'Amour »). où l'essayiste Robert Poulet cède la place au pamphlétaire incisif et, bien sûr. « Les Décombres » : autant Céline me paraît maladif, plaintif, révulsif, autant Rebatet est, pour moi, synonyme de santé, de pétulance ravageuse. Une déferlante !...
S'il arrivait que je me retrouvasse au chômage, ou au contraire embastillée pour overdose de travail, moi qui suis paresseuse comme une couleuvre, je m'évaderais volontiers vers le Vieux Sud en relisant « Autant en emporte le vent », de Margaret Mitchell et, dans la foulée, « Le blanc soleil des vaincus » où Dominique Venner démonte les causes économiques, et non pas humanitaires comme on voulut le faire croire, de l'agression nordiste contre le Dixie. Evasion aussi avec la série des «Rêves» de Benoist-Méchin et, en compagnie de Michel Peissel, vers les royaumes tibétains «Mustang», «Ladakh» ou de t'Serstevens, merveilleux «inviteur» au voyage.
Autre relecture espérée : « Le Seigneur des Anneaux », où J.R.R. Tolkien, né en Afrique du Sud, a créé, à partir des mythes nordiques et celtiques, une cosmogonie fascisante. Et morale : les bons - les Elfes - y sont beaux et blonds, les méchants - Orques ou Goblins - noirs et laids. On devrait distribuer le «Seigneur» dans tous les carnavals des potes, comme, en mai 68, on aurait dû distribuer « L'éducation sentimentale » de Flaubert à tous les «enragés» pour leur faire mesurer le ridicule des révolutions bourgeoises.
Beaucoup plus sensible au style d'un écrivain qu'à ses bonnes intentions ou à l'intrigue de son roman, je confesse un grand faible pour Anatole France : « L'Ile des dauphins », « La révolte des anges » sont pour moi des maîtres-livres, comme « L'Europe buissonnière » de Blondin «( quand Supervielle vit un nègre, il sut qu'il était à Paris» : ça date de 1953 !), « L'été finit sous les tilleuls », de Kléber Haedens ou « Le petit canard », de Jacques Laurent, petits ouvrages parfaits comme des œufs : on ne pourrait rien en retrancher, rien y ajouter. Une mention spéciale aussi au « Roman Branchu » de Pierre Gripari, chef-d'œuvre de funambulisme littéraire, et aux « derniers feux » de Monteilhet, sur l'Inquisition.
L'excellent Monsieur Grévisse
Sur l'Occupation, le roman qui m'a le plus émue reste « Mon royaume pour un cheval », de Michel Mohrt. Le grand roman sur l'Algérie reste à écrire, mais il est difficile de garder les yeux secs en lisant « Je ne regrette rien » (sur feu le 1" REP), de Sergent.
Et puis, relire les grands Anglais. Fielding «Tom Jones », Jane Austen, Thackeray (« La foire aux vanités », et le cruel et délicieux « Livre des Snobs ») et, bien sûr, Gibbon et Toynbee.
Voilà. Ayant fait le tour de cette bibliothèque si longtemps désertée que certains rayons m'ont sans doute échappé, je m'avise que je garde en mémoire bien peu de livres politiques, et aussi fort peu d'« ouvrages de dames », ce qui est un comble pour une femme. Pour me faire pardonner ce sexisme, j'ajouterai donc que Dame Agatha Christie est ma tasse de thé (quand je prendrai ma retraite, j'aimerais bien faire un mémoire d'anglais sur la hiérarchie raciale dans l'univers christien), que la seule bande dessinée que j'aie jamais été fichue de lire est « Au fil de l'Achéron » de Pscharr - autrement dit Chard, la meilleure dessinatrice et caricaturiste politique - pardon, cher Pinatel ! - à l'heure actuelle ; et que les romans de Geneviève Dormann réservent souvent d'excellentes surprises.
Mais je donnerais tout Yourcenar pour une encyclopédie Larousse, tout Giroud pour le « Who's Who » (encore une Bible), tout Desforges pour les grammaires de Grévisse et de Géorgin, et tout Duras pour les «Dictionnaires» d'Henry Coston. Bon, revoilà la politique !
National Hebdo du 16 au 22 juin 1988

Les commentaires sont fermés.