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Clause de conscience relative à l’IVG : ce droit bientôt sacrifié ?

Pexels
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Lorsqu’il fut question d’inscrire dans la Constitution la liberté d’avoir recours à l’IVG, on jura que cela ne remettrait nullement en cause la clause de conscience des professionnels de santé. Droit fondamental pour certains, ultime barrière éthique pour d’autres, ce dispositif permet encore aujourd’hui à un médecin, une sage-femme ou un soignant de refuser de pratiquer un avortement. Mais à peine plus d’un an après la réforme constitutionnelle, l’avis rendu par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), favorable à la suppression de cette clause, sonne les prémices d’une bataille qui s’annonçait évidente.

Un droit redondant… ou dérangeant ?

Le 20 juin dernier, le CNGOF prenait position « à l’unanimité » pour la suppression de cette clause de conscience spécifique. En invoquant les « évolutions sociétales », dans un communiqué rendu public le 18 juillet dernier, le Collège amorce une offensive que certains redoutaient.

C’est en invoquant la « stigmatisation » que serait cette clause pour les femmes qui souhaitent avorter que le CNGOF exige sa suppression. Elle n’aurait pour effet que de « rappeler à la société que recourir à cet acte n’est pas anodin, qu’il s’agit d’une décision grave ». Un rappel de trop, selon ses auteurs, dans un contexte où l’avortement est censé devenir un soin comme un autre.

Derrière l’argumentaire juridique, le glissement s’opère insidieusement. Le Collège affirme que cette clause est « redondante », puisque le Code de déontologie médicale autorise déjà tout médecin à refuser un acte, sauf en cas d’urgence ou de manquement à ses devoirs d’humanité. Pourquoi donc maintenir une clause spécifique à l’IVG, si le droit commun suffit ? Justement parce que ce droit, s’il est théoriquement garanti, reste en pratique fragile. Supprimer la clause spécifique, c’est effacer l’expression explicite d’un refus moral, et politiquement incorrect.

Vers un droit à soigner sans conscience ?

« Cela soulagera sûrement de la culpabilité que l'on observe beaucoup chez les femmes qui sont en demande d'avortement », déclarait Sarah Durocher, présidente du Planning familial, sur France Info. Et d’ajouter : « L’avortement devient un acte comme les autres. » Mais si l’IVG devient un acte banal (ce qu’il est déjà largement), que restera-t-il de la liberté pour ceux qui, précisément, le jugent grave ?

Car c’est bien là tout l’enjeu : pourra-t-on encore affirmer librement son refus de pratiquer une IVG sans devoir s’en excuser, sans être sommé de le taire ou de le camoufler derrière des contorsions juridiques ? Pourra-t-on encore dire non sans être accusé d’hostilité envers la loi ou accusé de réaction religieuse ?

Du droit à l’IVG à l’obligation de le pratiquer

Certes, le droit commun permet encore à un praticien de décliner un acte médical. Mais demain ? Dans une France où les déserts médicaux s’étendent, que pèsera ce droit face aux exigences de l’administration ou des associations militantes ? Et si une patiente se trouve proche de la limite légale, la simple évocation d’un transfert vers un confrère sera-t-elle seulement possible, ou interprétée comme un refus illégitime ?

Inscrire l’IVG dans la Constitution ne suffisait donc pas. Il faut désormais taire tout ce qui pourrait troubler sa célébration. Interdire, à terme, qu’un professionnel puisse simplement dire : « Je ne veux pas. » Et substituer à la conscience un devoir d’exécution. Et alors que l’inscription de l’IVG dans la Constitution n’a suscité que 72 oppositions sur 780 votants, faut-il vraiment s’attendre à un sursaut pour défendre le droit d’y être réticent ?

Alienor de Pompignan

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