L’enracinement est un concept fréquemment utilisé par les différents mouvements nationalistes ou identitaires et désignant l’attachement à une terre ou le fait d’avoir des racines sur un territoire dans lequel on vit.
L’enracinement est également proclamé comme étant une condition au bien être de l’homme comme c’est le cas pour la philosophe Simone Weil qui écrira un ouvrage traitant (entre autre) de ce sujet et sobrement intitulé L’enracinement. Elle y traite aussi du déracinement dans ses différents aspects (Déracinement ouvrier, déracinement paysan, déracinement et nation). Bien sur dans la mouvance nationale, c’est plutôt Barrès qui est mis en avant avec par exemple son ouvrage Les Déracinés.
A une époque marquée par l’apologie du nomadisme et du village global, une telle idée suscite souvent deux types de réactions. Soit l’enracinement semble quelque chose de profondément « réactionnaire », contraire au « sens de l’histoire » et à « l’évolution du monde », soit l’enracinement apparaît comme le concept clef autour duquel peut s’organiser la résistance au mondialisme. D’un côté les nomades sans racines, de l’autre les sédentaires enracinés.
Autour de cette opposition se greffent des discours plus politiques que réellement philosophiques ou sociologiques. Cette opposition est particulièrement clivante au sein de la jeunesse entre d’un côté des jeunes très versés dans le sans-frontiérisme gauchiste ou la mondialisation capitalisme « heureuse » et de l’autre des jeunes attachés à leurs pays, leur identité ou leur religion. Cela touche absolument tous les jeunes, quelque soit leurs origines.
L’enracinement apparait pourtant comme un concept beaucoup plus problématique qu’il en a l’air lorsqu'il est associé à un identitarisme caricatural. Il est pour certain un moyen de revendiquer une identité particulière, d’affirmer sa différence pour elle-même, valorisant le culte du moi et l’égo. L’enracinement peut parfois conduire à des formes de clanisme ou de tribalisme entre gens se reconnaissant des mêmes identités lorsqu'il est envisagé de façon restrictive. L’enracinement est en effet bien souvent une construction individuelle comme on le voit chez les jeunes musulmans persuadés de puiser une identité authentique dans un islam salafiste totalement différent de l’islam traditionnel de leurs ancêtres ou ces militants politiques se revendiquant d’identités dont ils ne parlent pas la langue et connaissent souvent mal la culture qui devient alors très vite du folklore. Il s’agit alors plus d’une affirmation de soi par le biais d’une identité enracinée fantasmée que d’un véritable enracinement, vécu et non théorisé, au sein d‘une région dans laquelle on compte ses ancêtres et dont on est capable de cultiver la terre. Enfin l’enracinement est une comparaison à l’arbre qui plonge ses racines dans le sol pour s’élever vers le ciel, mais l’arbre est solitaire et n’implique pas de dynamique collective. L’arbre ne renvoie pas philosophiquement aux mêmes concepts et au même symbolisme que la forêt.
Comme l’avait dit Laurent Ozon au cours d’une conférence à Lille « nous ne sommes pas des arbres ». Ce qui fait le fond de l’âme européenne c’est l’esprit de conquête et d’aventure. L’Européen va de l’avant. L’Europe est une terre d’aventuriers, de savants, de guerriers, de pèlerins, de poètes qui sans jamais abdiquer ce qu’ils étaient, leur appartenance à leur cité, à leur pagus, étaient animés par un élan vital, par une volonté.
Ainsi pas plus qu’il n’existe d’homme seul mais des communautés et des systèmes holistiques, l’arbre prend sa véritable force au sein de la forêt. La forêt progresse, elle s’étend, et s’impose aux hommes qui y sont sensibles. Elle peut effrayer, mais elle est aussi le territoire de cette faune que le chasseur tente d’attraper pour nourrir son foyer. L’arbre n’est rien de tout cela.
Dans une forêt, c’est la multitude qui prend son importance et non l’arbre pris dans son individualité.
L’enracinement est une base sur laquelle s’appuyer et grandir. L’arbre seul est un axe vertical, un lien entre la terre et le ciel, c’est l’Axis Mundi ou l’Irminsul des Saxons, celui autour duquel peut s’organiser le clan. La forêt quant à elle implique l’horizontalité. Une forêt qui avance, peut être un signe que la civilisation, frappée par Nemesis, a disparu au profit du monde sauvage et de sa beauté qui ne doit rien à l’homme. La forêt est un temple de la Nature. Songeons à Brocéliande ou aux temples antiques décorés de motifs floraux. La forêt est une société en elle-même, elle se compose d’arbres qui abritent un biotope, favorisent la vie et des écosystèmes particuliers, ce qu’un arbre seul ne peut pas faire avec autant d’ampleur.
Rappeler qu’une forêt se compose d’arbres est bien plus qu’une simple évidence, c'est affirmer que pour vivre en société et se projeter dans l'espace, il faut un ensemble d'individus enracinés. L’enracinement ne doit donc pas être considéré comme étant le concept autour duquel doit se greffer notre combat, il doit être vu comme le socle sur lequel nous reposons mais dans le but non pas de flatter notre égo ou de croître sans autre perspective que croître mais de constituer d’authentiques sociétés vitalistes et volontaristes. L’enracinement est un moyen, et non une fin.
Reste l’essentiel, où sont plongées les racines des individus ? Lorsqu’un arbre croît, cela peut prendre des dizaines d’années et certains arbres peuvent demeurer à la même place pendant des siècles, ce qui est autant signe d’immobilisme, que du fait qu’un enracinement se fait progressivement. L’enracinement se fait du bas vers le haut. Or chez beaucoup d’individu, nous assistons à un faux enracinement qui s‘effectue du haut vers le bas. C’est l’individu qui décide de s’implanter. La réalité est que nous sommes pour la plupart des déracinés, nous vivons bien souvent dans des régions qui ne nous ont pas vu naître ou dont nos parents ou grands-parents ne sont pas originaires et n’ont jamais cultivés le sol. Nos identités sont multiples et ne peuvent se réduire à des localités, des régions ou des nations. Le retour à la terre n’est pas un enracinement, de même que la pratique d’une langue régionale que n’ont jamais pratiquée nos aïeux n’est pas de l’enracinement, c’est une démarche personnelle d’intégration dans une culture particulière ou sur un territoire particulier. C’est une recherche personnelle de racines ou de ce qui est perçu comme un territoire authentique. Cela explique que le Moi devienne le centre de la plupart des démarches identitaires.
Un jeune maghrébin se perçoit comme un arabe en Occident et peut se sentir proche d’un palestinien luttant contre Israël. Un individu qui apprécie de forniquer avec une personne du même sexe va parfois être amené à définir son identité selon son orientation sexuelle (on parle d'ailleurs d'identité sexuelle ou de transidentité). Un français de souche européenne peut se sentir comme étant un « blanc » et résumer son identité à sa pigmentation, ce qui explique le développement des mouvements suprématistes blancs comme des mouvements suprématistes noirs. Phénomènes qui se sont développés sur cette terre de déracinés que sont les Etats-Unis d’Amérique et qui se développent en Europe où les autochtones sont paradoxalement à peu près autant déracinés que les allochtones. Les enfants d’immigrés européens vont se revendiquer du pouvoir blanc là où les descendants d’immigrés africains peuvent se revendiquer du pouvoir noir et du communautarisme noir mélangeant même des antillais et des africains, certains allant jusqu’à se convertir à l’islam salafiste, signe du gloubi-boulga identitaire et du sac de nœud induit par la mondialisation et le nomadisme généralisé. Et ce à toutes les échelles.
Pour résoudre l’équation, peut-être qu’il faut suivre les conseils éclairés de Dominique Venner et se ressourcer dans le seul héritage qu’il nous reste en dehors, pour ceux qui ont de la chance, d’un véritable enracinement régional familial. Celui forgé par notre longue mémoire européenne. Notre enracinement doit être dans un premier temps un enracinement de l’esprit dans les mythes anciens avant d’être poursuivi par un enracinement physique sur un territoire à l’échelle locale ou régionale. Ensuite vient le temps de la fondation d‘une communauté autour d’un esprit commun sur un territoire partagé, c’est alors que commence à rayonner la communauté qui peut raisonnablement songer à devenir puissante.
Jean http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2013/09/09/l-enracinement-5135236.html