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Sahel : une guerre islamiste très algérienne (arch 2010)

LES otages français du Sahel - dont une vidéo censée attester qu'ils sont toujours en vie, a été diffusée le 30 septembre par Al Jezirah et aussitôt reprise par toutes les télévisions - sont des pierres qui cachent l'étendue du désert. En réalité des pays, qui furent d'anciennes colonies de Paris, sont jugés faibles par une mouvance islamique se réclamant d'Al Qaïda. Cette déstabilisation se heurte aux intérêts énergétiques de la France, notre nucléaire ayant besoin de l'uranium de cette région et donc de régimes amis. Il y a bien objectivement conflit d'intérêts.
LA CRÉATION D'UN CALIFAT DES SABLES
Le tout compliqué par des trafics et peut-être l'arrière-pensée des islamistes de créer un califat des sables leur permettant de partir à la conquête du pays d'où ils ont été partiellement chassés, l'Algérie, tout en continuant leur guerre contre le roumi haï.
Ces islamistes sont liés à l'Algérie, leur guerre au Sahel est contre les intérêts français et elle est destinée à se donner les moyens de revenir en force sur le théâtre algérien. Une sorte de guerre islamiste d'Algérie exportée au Sahel sur fond d'uranium et de participations à la lutte américaine contre la nébuleuse terroriste islamiste. La France est devenue le gendarme auxiliaire américain de cette région de l'Afrique.
Dans la nuit du 15 au 16 septembre, cinq Français dont un Antillais, un Togolais et un Malgache, collaborateurs des sociétés françaises Areva et Satom (groupe Vinci), ont été enlevés à leur domicile à Arlit, dans le nord du Niger. L'enlèvement a été par la suite revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui a précisé qu'elle ferait parvenir ultérieurement des « demandes légitimes » à la France. Le ministre français de la Défense Hervé Morin a ouvert la porte dès le jeudi 23 septembre à une forme de négociation, déclarant que la France espérait « pouvoir entrer en contact avec Al-Qaïda ». La France avait déjà privilégié, malgré des critiques, la voie de la négociation, directe ou indirecte, dans l'affaire de l'enlèvement d'un otage français au Mali, Pierre Camatte, relâché fin février par Aqmi qui avait obtenu la remise en liberté par Bamako de quatre islamistes. Mais cette stratégie n'avait pas été possible, selon les autorités françaises, pour l'ingénieur septuagénaire Michel Germaneau, dont Aqmi a annoncé l'exécution fin juillet, en représailles à un raid franco-mauritanien au Mali, au cours duquel sept djihadistes avaient été tués.
Le groupe nucléaire français Areva est au centre de la tempête des sables. Il a fini par obtenir gain de cause au Niger. Début janvier 2009, il a signé avec le gouvernement de Niamey une convention lui permettant d'exploiter le gisement d'uranium d'Imouraren, le plus grand d'Afrique et le deuxième au monde (le premier est celui de Olympic Dam en Australie).
PRISES D'OTAGE ET MENACES SONT MONNAIE COURANTE
Le Niger est incapable de garantir sa souveraineté nationale et partant d'assurer l'exploitation des gisements d'Arlit face aux coups de boutoir répétés des islamistes d'Al Qaïda au Maghreb. D'où l'appel à des sociétés de sécurité privées mais apparemment ces dernières recrutent sur place des éléments infiltrés ou peu sûrs. Des prises d'otages et des menaces en tout genre se répètent épisodiquement donc dans cette 'zone de non-droit. Certains y voient, notamment en Algérie, la main de la France et un prétexte pour intervenir plus directement.
Et revoilà la France accusée de s' immiscer dans les affaires intérieures d'un pays, le Niger, voire le Mali ou cette fois l'allié mauritanien, qui constituent stratégiquement le ventre mou d'une immense région aux ressources fabuleuses devenues également un enjeu stratégique. Les enlèvements fourniraient donc à la France le prétexte d'intervenir militairement dans cette zone et de protéger ainsi son accès aux mines d'uranium, la majorité des réacteurs nucléaires français étant alimentés par l'uranium du Niger.
Il semble bien que la nébuleuse tente de profiter de la présence énergétique française pour tenter de recruter. Mais cette nébuleuse qui a ses racines historiques en Algérie est très difficile à cerner, à évaluer et semble pour le moins divisée.
UN PERSONNAGE CLÉ : L"'ÉMIR" ABDELHAMID ABOU ZEID
Abdelhamid Abou Zeid, qui a indiqué le 22 septembre qu'il avait dirigé l'enlèvement de cinq Français la semaine précédente au Niger, est un nom cité dans toutes les affaires de rapt d'Occidentaux au Sahel depuis trois ans. Le parcours de cet "émir" de 44 ans illustre bien l'évolution de la guérilla islamiste en Algérie depuis l'arrivée au pouvoir du président Bouteflika en 1999. Natif du Sud-est algérien, frontalier de la Tunisie, connu pour sa tradition rigoriste, il a rejoint le maquis dès les premières années de l'insurrection islamiste armée en 1992. En 2000, il évolue sous les ordres d'un chef islamiste déjà fameux, Abderezak El Para, au sein du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC).
Cette organisation refuse alors la concorde civile, offre de grâce amnistiante, négociée et acceptée par la principale guérilla, l'Armée islamique du salut (AIS). Son objectif resterait cependant l'Algérie. Contrairement à ce que pensent trop vite des analystes étrangers, le renforcement du GSPC dans sa zone 9, le sud de l'Algérie, ne vise pas à déstabiliser le Sahel. Il s'agit de résoudre un problème de logistique : lever de l'argent et acheminer des armes. Selon des milieux proches des services algériens, le GSPC, devenu Aqmi début 2007, « sous-traite politiquement le Sahel pour AI-Qaida ». Mais il n'a jamais abandonné son objectif de départ : installer un régime islamiste à Alger. C'est ici qu'intervient l'acteur historique de l'islamisme armé dans le Sahara algérien : Mokhtar Ben Mokhtar. Il est aussi le grand parrain de trafics en tous genres entre les pays du Sahel et l'Algérie : tabac, denrées diverses et acheminement de clandestins. Il reste puissant dans la région et son conflit ouvert avec Abou Zeid pourrait précipiter la chute de ce dernier et fausser les plans d'Aqmi.
La situation est mouvante comme les dunes. Entre fantasmes de néocolonialisme et d'islamisme radical, il est sûr que les pays concernés ont des raisons de s'inquiéter et pas seulement de la baisse des touristes. Quant à la France, la voilà à nouveau au contact d'une guerre sinon d'Algérie, du moins très algérienne.
Pierre-Patrice BELESTA. Rivarol du 8 octobre 2010

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