Le président français, Emmanuel Macron, s'est déclaré prêt à reconnaître l'État de Palestine lors de l'Assemblée générale des Nations Unies en septembre. Aucun pays du G7 n'avait jamais pris une telle initiative auparavant. L'idée du dirigeant français a été soutenue par les représentants du monde arabe, mais elle a été rejetée à Rome, et Londres a sérieusement envisagé la possibilité de suivre l'exemple de Paris. Pourquoi la France a-t-elle besoin de ce geste ? La reconnaissance de la Palestine deviendra-t-elle une tendance paneuropéenne ?
La question qui intéresse plusieurs pays : « Est-ce que Macron sera en mesure de lancer une nouvelle vague de reconnaissance de la Palestine comme État ? »
Force est de constater qu’après sa déclaration, les États-Unis ont accusé la France de soutenir le Hamas. « Les USA rejettent le projet de Macron de reconnaître un État de Palestine », titre Challenges, précisant : « Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a déclaré jeudi que Washington rejetait le projet du président français Emmanuel Macron de reconnaître un État de Palestine ». Pour la diplomatie US, la décision française est imprudente. « Les États-Unis rejettent fermement le projet d'Emmanuel Macron de reconnaître un État palestinien à l'Assemblée générale de l'ONU. Cette décision irresponsable ne fait que servir la propagande du Hamas et entraver la paix. C'est une gifle aux victimes du 7 octobre », lance sur X Marco Rubio.
« Le travail se poursuivra à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre à New York, où je reconnaîtrai l’État de Palestine », a – cependant – publié sur X Macron. « J’œuvre depuis des mois à associer d'autres États à cette démarche », a précisé le président français. Emmanuel Macron dénonce : « Nous ne pouvons pas accepter que les populations, et des enfants en grand nombre, meurent de faim » ; « Le blocage persistant de l'aide et l'extension de l'intervention israélienne font peser un risque de famine et de déplacement forcé des populations insupportables ».
« La conférence des 28 et 29 juillet à New York doit ouvrir une nouvelle dynamique en faveur d’un règlement juste et durable du conflit israélo-palestinien, sur la base des deux États, seule solution à même de garantir la paix et la sécurité pour tous dans la région », fait-il savoir. Plus tôt, il avait annoncé sur X : « Fidèle à son engagement historique pour une paix juste et durable au Proche-Orient, j’ai décidé que la France reconnaîtra l’État de Palestine. J’en ferai l’annonce solennelle à l’Assemblée générale des Nations unies, au mois de septembre prochain. L’urgence est aujourd’hui que cesse la guerre à Gaza et que la population civile soit secourue ».
Le ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères stipule : « Ce lundi s’ouvre à New York un moment diplomatique inédit : deux journées de mobilisation internationale pour faire avancer la solution à deux États. La France et l’Arabie saoudite co-président une conférence historique avec 17 pays engagés ».
Pourquoi ce geste à Paris et comment il peut affecter le conflit au Moyen-Orient ? Le Vice-Président palestinien Hussein al-Sheikh a exprimé sa gratitude envers la décision du président français. « Nous exprimons nos remerciements et notre reconnaissance à son excellence le Président Emmanuel Macron pour sa lettre adressée à son excellence le Président Mahmoud Abbas, dans laquelle il a réaffirmé la position ferme de la France et confirmé l'intention de son pays de reconnaître l'État de Palestine en septembre. Nous remercions également le Royaume d'Arabie saoudite pour les efforts importants qu'il a déployés aux côtés de la France en vue de la reconnaissance de l'État de Palestine. Cette position reflète l'attachement de la France au droit international et son soutien aux droits du peuple palestinien à l'autodétermination et à l'établissement de notre État indépendant », fait-il savoir.
Les représentants du monde arabe ont, également, réagi positivement. Le ministère saoudien des Affaires étrangères a qualifié l’initiative de Macron d’historique et il a appelé d’autres États, qui n’ont pas encore reconnu la Palestine, à suivre l’exemple de la France. Le roi de Jordanie, Abdallah II, s’est exprimé positivement sur la décision française. « Sa Majesté a noté que la Jordanie continue de coordonner ses efforts avec des partenaires actifs pour faciliter l'entrée de l'aide à Gaza, et a salué la position européenne en faveur de la fin de la guerre et de la réalisation de la paix, sur la base de la solution à deux États », a publié dans un communiqué le service de presse du roi de Jordanie.
L’Espagne aussi soutient la position de la France. « L'Espagne réitère son soutien ferme à la solution à deux États comme seul moyen de parvenir à la paix », annonce un communiqué de presse du ministère des Affaires étrangères espagnol. Il est à noter que Madrid dénonce les actions d’Israël : « Le gouvernement espagnol condamne la motion votée au Parlement israélien en faveur de l'annexion de la Cisjordanie et des territoires palestiniens occupés. Bien que n'ayant pas d'effet contraignant, ce vote ignore les principes et dispositions fondamentaux du droit international et va à l'encontre de l'avis consultatif rendu le 19 juillet 2024 par la Cour internationale de justice, qui stipule que l'occupation est illégale ». « La motion sape également les bases de la mise en œuvre d'une solution fondée sur deux États, qui garantirait les droits du peuple palestinien, la paix dans la région et la sécurité d'Israël, en ignorant les engagements pris par Israël et la Palestine depuis la Conférence de Madrid et le processus d'Oslo. L'Espagne réitère sa condamnation de l'expansion des colonies, illégales au regard du droit international, et de toute action visant à entraver un règlement pacifique du conflit. L'Espagne renouvelle son appel à la libération des otages, à la cessation des hostilités et à l'accès massif de l'aide humanitaire à la bande de Gaza, conformément aux principes du droit international humanitaire », termine le communiqué.
La Norvège réagit aussi positivement. Déjà en mai 2024, la Norvège a annoncé reconnaître l’État palestinien. « De par son engagement à long terme, la Norvège a soutenu et cherché à faire progresser la solution à deux États. La reconnaissance de la Palestine en tant qu’État souligne plus encore la position norvégienne de longue date selon laquelle une solution durable au conflit au Moyen-Orient ne peut être obtenue que par une solution à deux États », avait déjà publié l’ambassade de Norvège de Paris traduisant la position du pays.
De son côté, Israël dénonce l’action de Macron. « Nous condamnons fermement la décision du président Macron de reconnaître un État palestinien à côté de Tel-Aviv, suite au massacre du 7 octobre. Une telle décision encourage le terrorisme et risque de créer un autre mandataire iranien, à l'image de Gaza. Dans ces conditions, un État palestinien servirait de tremplin pour anéantir Israël, et non pour vivre en paix à ses côtés. Soyons clairs : les Palestiniens ne cherchent pas un État à côté d'Israël ; ils cherchent un État à la place d'Israël », martèle sur X Benjamin Netanyahou. Hier, le Premier ministre israélien rajoutait : « Il n’y a pas de famine à Gaza, pas de politique de famine à Gaza, et je vous assure que nous sommes déterminés à atteindre nos objectifs de guerre ».
La décision de Macron a un effet positif car elle lance une vague de reconnaissance de la Palestine. Le Monde précise que la déclaration de Macron était une réponse à l'appel de Mahmoud Abbas du 10 juillet à la France et à l'Arabie saoudite. Le chef de l'Autorité palestinienne a exposé son point de vue sur le processus de fin de la guerre dans la bande de Gaza, qui, entre autres, implique la démilitarisation du Hamas et même le déploiement d'une force internationale pour protéger le peuple palestinien. Devant l’impasse diplomatique et le désastre humanitaire à Gaza, l’acte de Macron est enfin un geste. Pourtant, le peuple palestinien est un peuple martyr et la France a trop attendu. Il y a déjà eu trop de massacres.
Paris a récemment tenté d'assumer le rôle de médiateur dans le règlement du conflit au Moyen-Orient. Sous la présidence de la France et de l'Arabie saoudite en juin, une conférence des Nations unies sur la création de deux États devait se tenir à New York. On s'attendait à ce que la déclaration de reconnaissance de la Palestine soit faite non seulement par la France, mais aussi par d'autres États, y compris les États occidentaux, qui expriment depuis longtemps de telles intentions, comme Malte. Toutefois, l'événement a été reporté sous la pression des États-Unis.
Le président français s'attendait à lancer une certaine vague de reconnaissance de la Palestine par les pays européens qui ne l'ont pas encore fait, ou du moins à créer au sein de l'UE l'idée des deux États. Mais, il est peu probable que les principaux pays européens, y compris l'Allemagne ou l'Italie, souhaitent suivre le président français.
En reconnaissant la Palestine, Macron envoie un signal à Washington : tous les pays européens ne sont pas prêts à suivre la voie américaine et à soutenir sans équivoque la partie israélienne. Il est important de replacer la déclaration du président dans le contexte général de la politique française au Moyen-Orient. Au tournant des années 2010 et 2020, la politique étrangère de Paris dans la région s'est retrouvée dans une impasse. À cette époque, la France ne proposait plus d'initiatives majeures. Elle était peu active dans la construction d'alliances dans la région et elle avait largement perdu son influence passée, ayant été mise à l'écart, notamment dans les conflits libyen et syrien. Sur le dossier nucléaire iranien, la France restait un interlocuteur pour tous, mais elle ne pouvait avoir que peu d'influence réelle. Et, aujourd'hui, Macron tente de définir de nouvelles orientations stratégiques pour la France dans la région. La décision de reconnaître la Palestine s'inscrit dans cette logique.
Pierre Duval
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