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La droite saura-t-elle profiter des mouvements contestataires ?

De Guillaume Bernard sur Atlantico :

"L’orientation globale des campagnes de Nicolas Sarkozy a été la conséquence de la « droitisation » du pays et non l’inverse. Les récents mouvements de « la manif pour tous » ou des « bonnets rouges » ne sont que des manifestations d’une évolution plus ancienne et plus profonde, ce que j’ai proposé d’appeler le « mouvement dextrogyre » qui s’enracine dans trois causes : l’effondrement du régime soviétique, la multiplication des attentats islamistes et l’emballement incontrôlé de la mondialisation. Les partis politiques sont touchés par le dextrogisme mais ils n’en sont pas la cause même s’ils peuvent, naturellement, l’accompagner voire l’accélérer. [...]

La « droite forte » est une des illustrations de la radicalisation des esprits ; le fait que cette motion soit arrivée en tête lors des élections internes à l’UMP est l’une des illustrations du mouvement dextrogyre. Cependant, la force de ce que l’on peut appeler, pour l’instant, la « droite contestataire » vient de ce qu’elle réunit des personnes qui considèrent que, désormais, leurs différences ne doivent plus les empêcher de s’allier. Cela dépasse donc les partis politiques. Les « bonnets rouges » réunissent des catégories sociales considérées jusqu’à présent comme antagonistes (patrons et salariés, ouvriers et agriculteurs) ; « la manif pour tous » rassemble des personnes aux options partisanes différentes (des électeurs allant de la démocratie chrétienne au Front national). L’écœurement et la colère les conduisent à se rapprocher.  [...]

Il est assez logique que les mouvements de contestation favorisent l’opposition au détriment de la majorité gouvernementale et qu’ils poussent à l’alternance. Cela dit, étant donné qu’aucun parti ni groupe d’influence ne canalise l’actuel mouvement d’indignation, il est assez probable que la droite ne pourra en profiter électoralement qu’à la condition que ses candidats (à la présidentielle, aux législatives, etc.) fasse l’effort d’incarner ces idées et ces aspirations avec une certaine netteté et fidélité. Nombre d’électeurs de droite ont été enthousiasmés par la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 et ont, ensuite, été frustrés par le décalage entre le discours et les actes.

Avec la crispation des enjeux politiques, un grand nombre d’électeurs se sont rendus compte d’une distorsion (parfois très profonde) entre leurs convictions et celles de leurs élus (y compris pour ceux pour lesquels ils s’étaient prononcés, faisant confiance à une « étiquette »). Beaucoup ne le tolèrent plus. Il est assez probable que pour éviter une progression de la défiance des citoyens envers les partis politiques, ceux-ci devront renouveler une partie non négligeable de leurs cadres et des personnes qu’ils investissent."

La droite ne tire pas profit des mauvais sondages de l’exécutif parce qu’elle fait une mauvaise analyse de la situation en se complaisant dans la segmentation du discours et la quête d’une addition d’électorats distincts au détriment d’un discours global sur l’intérêt national. Il est en effet tentant de mettre en exergue que chacun des actuels mouvements de contestation axe son discours sur des thèmes différents (fiscalité, mœurs) et que leurs revendications sont disparates. Il n’y aurait donc aucune homogénéité mais seulement une juxtaposition de contestations. Il est vrai qu’il n’existe pas (encore ?) d’unité organisationnelle à ces différents combats. Mais il existe cependant un fond « doctrinal » commun (même s’il n’est pas explicitement formulé) : que cela se traduise par une dénonciation de la mondialisation ou du progressisme social, il y a une même demande de repères identitaires stables pour redevenir maître de son destin. Il s’agit, là, d’une droite qui est bien plus que « contestataire » et nullement réductible au « conservatisme » : la droite qui est en train de (re)naître et de se (re)constituer peu à peu, c’est une droite réactionnaire qui n’est, aujourd’hui, incarnée par aucun parti politique à lui seul puisqu’elle est présente, à divers degrés, dans plusieurs d’entre eux."

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