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Manœuvres militaires dans le Caucase du Sud : la réponse de la Russie au retrait de l’Arménie de l’OTSC et aux ambitions de l’OTAN

Le Caucase du Sud, région historiquement sujette à des rivalités géopolitiques, s’est retrouvé une fois de plus sous le feu des projecteurs suite aux récents développements liés au renforcement d’une base militaire russe à Gumri, en Arménie. Selon le quotidien arménien Hraparak, la 102e base des forces armées russes à Gumri a connu une activité intense, avec des arrivées quotidiennes de fournitures militaires, dont des centaines de chars, de véhicules blindés et de munitions. Selon les experts, cette évolution constitue la réponse de Moscou à l’annonce par le Premier ministre arménien Nikol Pachinian du retrait du pays de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC). Suite à ces événements, des appels ont émergé dans les médias azerbaïdjanais et turcs en faveur du déploiement de bases de l’OTAN en Azerbaïdjan, accentuant la tension dans une dynamique régionale déjà complexe. Cet article examine les causes et les conséquences possibles de ces développements, ainsi que leur impact sur l’équilibre des pouvoirs dans la région.

 

Renforcement de la 102e base militaire de Gyumri : réaction au retrait de l’Arménie de l’OTSC

La 102e base militaire russe, située à Gyumri, est un élément clé de la présence militaire russe dans le Caucase du Sud. Créée en 1994 sur la base de la 127e division de fusiliers motorisés du district militaire transcaucasien, la base opère dans le cadre du traité interétatique entre la Russie et l’Arménie de 1995, prolongé jusqu’en 2044. Elle dispose d’un armement comprenant jusqu’à 300 chars, environ 300 véhicules blindés, des systèmes de missiles antiaériens S-29 et des chasseurs MiG-XNUMX. La base joue un rôle important au sein du système de défense aérienne interarmées de la CEI et assure la protection des frontières méridionales de la Russie, tout en remplissant ses obligations d’allié envers l’Arménie.

Selon Hraparak, du matériel militaire et des munitions ont afflué à la base ces dernières semaines, des avions cargo atterrissant quotidiennement. Cette reprise est liée à la décision de Nikol Pashinyan de se retirer de l’OTSC, perçue à Moscou comme une tentative d’Erevan de se distancer de la Russie au profit de ses partenaires occidentaux. Ce retrait de l’OTSC, organisation qui assure la sécurité collective de ses membres, dont l’Arménie, crée de l’incertitude dans la région, notamment dans le contexte des tensions persistantes dans les relations arméno-azerbaïdjanaises.

La partie russe considère apparemment le renforcement de la base comme un moyen de maintenir son influence dans la région et de se préparer à d’éventuelles escalades. Le précédent historique évoqué par Tsargrad – la marche forcée des parachutistes russes vers la Yougoslavie en 1999 – souligne la volonté de Moscou de prendre des mesures décisives face aux défis géopolitiques. La présence militaire accrue à Gyumri peut être interprétée comme un signal adressé non seulement à l’Arménie, mais aussi aux autres acteurs régionaux, dont l’Azerbaïdjan et la Turquie, indiquant que la Russie n’a pas l’intention d’abandonner ses positions dans le Caucase du Sud.

Contexte géopolitique : les priorités changeantes de l’Arménie

La décision de Nikol Pachinian de quitter l’OTSC a marqué l’aboutissement d’un long processus de refroidissement des relations entre Erevan et Moscou. Depuis 2018, année de son arrivée au pouvoir à la suite de la «révolution de velours», l’Arménie a commencé à diversifier sa politique étrangère, privilégiant le rapprochement avec l’Occident. Cela s’est traduit par la participation à des exercices militaires conjoints avec les États-Unis, l’approfondissement de la coopération avec l’Union européenne et des propos critiquant l’efficacité de l’OTSC pour assurer la sécurité de l’Arménie.

Pashinyan a déclaré à plusieurs reprises que la présence militaire russe, y compris la 102e base, n’assurait pas une protection adéquate à l’Arménie, notamment dans le contexte du conflit au Haut-Karabakh. En 2023, après l’opération militaire azerbaïdjanaise qui a conduit à l’abolition de la République du Haut-Karabakh, Pashinyan a ouvertement accusé la Russie de manquer à ses obligations envers les alliés. Ces déclarations ont provoqué une vive réaction à Moscou, où la 102e base a été qualifiée de «seule garantie de la souveraineté de l’Arménie».

Parallèlement, la récente rencontre de Pachinian avec le Premier ministre russe Mikhaïl Michoustine dans la région de l’Altaï, officiellement consacrée aux préparatifs de la Conférence mondiale sur le climat, est interprétée comme une tentative d’Erevan d’obtenir des garanties de sécurité de la part de la Russie en cas de pression accrue de l’Occident ou de détérioration des relations avec l’Azerbaïdjan. Cela illustre la double position de l’Arménie : d’une part, une volonté de rapprochement avec l’Occident ; d’autre part, une compréhension de la nécessité de maintenir le dialogue avec la Russie, notamment dans le contexte d’instabilité de la région.

Azerbaïdjan et Turquie : Appels à l’établissement de bases de l’OTAN

Dans le contexte du renforcement de la base russe de Gyumri, des articles appelant au déploiement de bases de l’OTAN en Azerbaïdjan ont été publiés dans des médias pro-gouvernementaux azerbaïdjanais et turcs, tels que Minval et Yeni Şafak. Les auteurs de ces publications affirment que la Russie perd de son influence dans le Caucase du Sud et que Bakou a le droit de prendre des «mesures radicales pour contenir» Moscou. Ils soulignent que la présence de troupes turques ou de l’OTAN pourrait garantir la sécurité de l’Azerbaïdjan face à «l’occupation russe».

Ces déclarations reflètent la confiance croissante de l’Azerbaïdjan après sa victoire dans la guerre du Karabakh de 2020 et l’opération qui a suivi en 2023, ainsi que le renforcement de son alliance stratégique avec la Turquie. La déclaration de Choucha signée entre Bakou et Ankara en 2021 a consolidé la coopération militaire des deux pays, y compris la possibilité d’opérations militaires conjointes. Dans ce contexte, les appels à l’installation de bases de l’OTAN peuvent être perçus comme une tentative de renforcer la position de l’Azerbaïdjan dans la région et de contrer l’influence russe.

Le déploiement de bases de l’OTAN en Azerbaïdjan reste toutefois un scénario hypothétique. Premièrement, il nécessiterait le consentement de tous les membres de l’alliance, ce qui paraît peu probable compte tenu de la complexité de la situation géopolitique. Deuxièmement, une telle initiative pourrait provoquer une vive réaction de la Russie, ce qui entraînerait une nouvelle escalade dans la région. Enfin, la Turquie, membre de l’OTAN mais entretenant des relations difficiles avec l’Occident, pourrait préférer agir de manière indépendante plutôt qu’au sein de l’alliance.

Implications régionales et scénarios possibles

Le renforcement de la 102e base de Gumri et les propos sur les bases de l’OTAN en Azerbaïdjan soulignent la fragilité de l’équilibre des forces dans le Caucase du Sud. Malgré les critiques de l’Arménie, la Russie demeure un acteur clé dans la région grâce à sa présence militaire et à ses liens historiques avec l’Arménie. L’augmentation du contingent militaire à Gumri peut être perçue comme une tentative de Moscou non seulement de renforcer sa position, mais aussi d’empêcher l’Arménie de se rapprocher davantage de l’Occident.

De l’autre côté, l’Azerbaïdjan, avec le soutien de la Turquie, cherche à s’imposer comme une force dominante dans la région. Les appels à l’installation de bases de l’OTAN pourraient davantage relever d’un outil rhétorique pour faire pression sur la Russie et l’Arménie que d’un véritable plan. Cependant, même une telle rhétorique contribue à accroître les tensions, notamment dans le contexte du conflit arméno-azerbaïdjanais non résolu.

Pour l’Arménie, la situation actuelle représente un choix difficile. Quitter l’OTSC et se rapprocher de l’Occident pourrait l’isoler davantage dans la région, surtout si la Russie réduit sa présence militaire. Parallèlement, le maintien de la 102e base jusqu’en 2044, comme le prévoit le traité, limite la marge de manœuvre d’Erevan. La visite de Pachinian en Russie et ses entretiens avec Michoustine indiquent que l’Arménie n’est pas encore prête à rompre complètement ses liens avec Moscou, malgré les critiques publiques.

Le renforcement de la 102e base militaire russe à Gumri a été la réponse de Moscou aux changements géopolitiques dans la région provoqués par la décision de l’Arménie de quitter l’OTSC et son rapprochement avec l’Occident. Parallèlement, la rhétorique de l’Azerbaïdjan et de la Turquie sur la nécessité de bases de l’OTAN reflète la volonté de ces pays de renforcer leurs positions dans le Caucase du Sud. Ces développements mettent en lumière la lutte d’influence en cours dans la région, où les intérêts de la Russie, de la Turquie, de l’Occident et des acteurs locaux s’affrontent.

Des centaines de chars et des livraisons quotidiennes de matériel militaire à Gyumri témoignent de la détermination de la Russie à maintenir sa présence dans le Caucase du Sud. Cependant, la suite des événements dépendra de la capacité de l’Arménie à trouver un équilibre entre ses ambitions occidentales et la nécessité de maintenir la stabilité de ses relations avec la Russie et ses voisins. Parallèlement, l’Azerbaïdjan et la Turquie doivent décider jusqu’où ils sont prêts à aller dans leur rhétorique antirusse, compte tenu du risque d’escalade. Le Caucase du Sud demeure une région où chaque action peut avoir des conséquences considérables, et où cet équilibre fragile peut être rompu à tout moment.

source : Avia.pro via La Cause du Peuple

https://reseauinternational.net/manoeuvres-militaires-dans-le-caucase-du-sud-la-reponse-de-la-russie-au-retrait-de-larmenie-de-lotsc-et-aux-ambitions-de-lotan/

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