La première confrontation gallo-germanique
Entré en Gaule en 58 avant J.-c. au titre d'une simple opération de police contre les Helvètes, César n'en repartira pas avant de l'avoir entièrement soumise.
L'EXODE DES HELVÈTES
Avec ses six légions, César se dirige vers le mont Beuvray, en territoire éduen, les fidèles alliés des Romains. C'est à proximité de Bibracte qu'il livre la terrible bataille que nos lecteurs connaissent bien. Déployés en tortue, à l'imitation des légions, les Helvètes sont dispersés par un flux continu de longs javelots qui les clouent sur place. Dès lors, ils choisissent de combattre à découvert, jetant leurs boucliers. Ils sont alors massacrés, ainsi qu'une bonne partie des femmes et des enfants qui les accompagnent. Quant aux survivants, plusieurs dizaines de milliers, ils sont renvoyés en Helvétie ou autorisés à s'installer en Gaule, en des endroits que César leur impose.
LA MENACE D'ARIOVISTE
Le roi germain Arioviste, le chef des Suèves est un remarquable meneur d'hommes. Il s'est implanté vers 75 avant J.-C. entre les vallées de l'Elbe et celle du Main. Il profite d'un conflit entre Éduens et Séquanes (un peuple gaulois installé entre Seine et Jura, avec pour capitale Vesontio, l'actuelle Besançon) pour venir au secours de ces derniers. Arioviste franchit donc le Rhin et bat les Éduens. Puis, rêvant de la constitution d'un empire gallo-germanique, il menace les Gaulois qui s'unissent contre lui. Mais en -61, il les bat à Magetobriga. Puis, il occupe le tiers du territoire des Séquanes, se faisant livrer des otages, et menaçant d'annexer l'ensemble des terres de ses anciens alliés gaulois.
Avec habileté, en -59, il se fait reconnaître le titre d'ami du peuple romain par le Sénat. Cependant, l'assemblée des Gaules demande à Rome de protéger la Gaule des ambitions du Suève. Alors, César, saisissant cette opportunité exceptionnelle, vient leur porter secours :
NÉGOCIATIONS AVEC ARIOVISTE
César tente d'abord de négocier avec Arioviste. Prudent, il fait converger ses légions vers Vesontio, lesquelles ne sont guère rassurées par l'exceptionnelle réputation de chef de guerre du Germain. Ce dernier, fait alors porter son effort militaire dans la plaine d'Alsace, entre Cernay et Aspach. César accompagné de plusieurs légions vient à sa rencontre, propose des pourparlers. Après bien des tergiversations, en particulier liées à des problèmes de préséance, César et Arioviste parviennent à se rencontrer. Avec hauteur, le chef germain affirme qu'il n'occupe une portion de la Gaule qu'en raison de la demande Séquane et refuse les propositions de César qui a bien caché ses intentions futures, assurant n'être venu en Gaule que pour protéger ses frontières nord et est des Helvètes et des Suèves.
LA BATAILLE DE LA PLAINE D' ALSACE
Devant l'impasse diplomatique, la bataille ne tarde guère à s'engager. Les Germains subissent alors une sévère défaite et les voilà contraints de repasser le Rhin. Arioviste ne s'en tire que d'extrême justesse : il trouvera la mort l'année suivante, semble-t-il. Alors, son empire se disloque. Aussitôt, César répète à l'envi qu'il a sauvé la Gaule d'une invasion germanique. Ce qui n'est guère exact, car il n'existe aucune concentration réelle des peuples germains. L'autoritaire Arioviste n'est parvenu qu'à fédérer des peuples disparates, alors que nombre de hordes germaniques sont demeurées en dehors de sa coalition, préservant jalousement leur indépendance. On peut citer, en particulier, les Hermondures et les Marcomans qui sont pourtant des Suèves, par leurs origines. Paradoxe, on trouve de nombreux Gaulois dans les troupes d'Arioviste : des Némètes de Spire et des Triboques de Strasbourg …
Comme on le voit, la bataille de la plaine d'Alsace est loin d'être une grande confrontation entre Gaulois et Germains, contrairement à ce que l'Histoire nous a enseigné. En vérité, des légions romaines y repoussent un assemblage de tribus gallo-germaniques! Il s'agit bien de la confrontation de deux ambitions personnelles opposées: celle de César venu soumettre la Gaule à Rome et celle d'Arioviste, décidé à constituer un puissant empire gallo-germanique.
Philippe Valode : Dossier d'actualité d'histoire