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[Édito AF 2878] L’étau se resserre

Alors que sa conférence de presse, outre les incertitudes pesant sur notre action en Centrafrique, devait être essentiellement technique, dans le dessein de valoriser le « pacte de responsabilité » annoncé lors de ses vœux aux Français le 31 décembre dernier et plébiscité par 69 % d’entre eux, si on en croit un récent sondage,...

...François Hollande aura joué de malchance. L’étalement de sa vie privée — qu’il a été le premier à autoriser en désignant sa simple compagne comme « première dame de France », un statut par ailleurs inexistant dans le droit français — a pollué non seulement sa troisième rencontre avec les journalistes mais surtout sa rentrée politique. Pourtant, le pays va mal, notamment sur les plans économique et social. Certes, il convient de rester prudent sur les signes de redémarrage de la zone euro, chaque pays réagissant en fonction des potentialités de son économie et un mieux ne pouvant être assimilé à une sortie d’affaire. Rien ne dit par exemple que les pays du Sud de l’Europe voient enfin le bout du tunnel. Les peuples des Etats les plus éprouvés par les conséquences de la crise financière qui a éclaté en 2007, et que seuls les optimistes béats pensent terminée, ne perçoivent toujours pas les effets de cette amélioration dont on les serine : l’euro freine la relance de la plupart des pays qui l’ont adopté.

Toutefois, avec un PIB en recul au troisième trimestre de 0,1% et un déficit commercial qui a atteint 5,7 milliards d’euros en novembre, sous l’effet d’un net recul des exportations, alors que l’Allemagne enregistrait dans le même temps un excédent de 17,8 milliards, la France apparaît comme particulièrement mal en point. La Banque de France pratique-t-elle la méthode Coué en refusant de baisser sa prévision de croissance pour le quatrième trimestre de 2013, estimée à 0,5 % ? Nous le saurons sous peu, mais Bruxelles est aux aguets : c’est pourquoi le président de la république se voyait contraint sinon à agir, du moins à en donner l’impression non tant, du reste, aux Français, qu’aux « décideurs » internationaux.

Le pacte de responsabilité est avant tout de l’ordre de la communication. D’ailleurs, à lui seul, il ne saurait suffire à renverser une situation dont les causes sont structurelles. Qu’un allégement important des cotisations ne puisse nuire aux entreprises, nul n’en disconviendra. Que la promesse d’embauche en contrepartie restera purement verbale, nous en sommes déjà convaincus — une telle promesse a-t-elle d’ailleurs un sens économique ? Ce ne sont pas de slogans que les Français ont besoin : ils n’ont que faire d’un tournant « social-démocrate », voire « social-libéral », tant ces expressions ont perdu de signification dans un pays dont l’économie dépend de facteurs dont il a abandonné pour certains volontairement la maîtrise, ajoutant ainsi à ses faiblesses structurelles propres : monnaie et politique de change, protection raisonnée aux frontières, négociations des traités commerciaux. Comme le note l’économiste Hervé Juvin, le traité de libre-échange transatlantique actuellement discuté par Bruxelles avec les Etats-Unis « risque d’interdire aux Français et aux Européens d’exprimer leurs choix politiques en matière de services publics, de préférence locale ou nationale, de normes sanitaires ou environnementales » [1].

Oui, le pays va mal, très mal même au plan moral. Si bien qu’ « on peut se demander si, en France, nous ne vivons pas actuellement les prémices d’une guerre civile. » Ce n’est pas nous qui le disons, mais Jacques Sapir, dans un article récent [2]. Et d’ajouter : « L’année 2014 risque fort d’être marquée par une accumulation de mouvements sociaux dont la convergence mettrait directement en cause le pouvoir ».

Ce ne sont pas les résultats de la dernière enquête du CEVIPOF sur la confiance politique, dévoilés le 13 janvier, qui lui donneront tort. L’écart entre les Français et le pays légal se creuse à tel point que Pascal Perrineau, le directeur du CEVIPOF, a déclaré au Figaro le jour même : « Nous atteignons des niveaux vertigineux que nous n’avons jamais connus », observant l’apparition d’un sentiment inédit, mais clairement exprimé, « de dégoût [...]. Il y a deux exutoires possibles : soit le retrait boudeur sous la forme d’une abstention qui ne devra pas être perçue comme une forme d’indifférence mais comme une sorte de bras d’honneur, soit une protestation pure et simple de gens qui iront voter uniquement pour pousser un coup de gueule. »

Notre politologue, contrairement à Jacques Sapir qui, lui, n’exclut pas « un tour violent », se place dans la perspective rassurante, pour le pays légal, d’une récupération par les urnes de la colère du pays réel — il y a en 2014 deux échéances électorales importantes. Se fait-il des illusions, alors que, selon la même enquête, la seule institution que les Français plébiscitent encore (à 62 %) reste l’institution communale ? C’est-à-dire la seule où le pays légal — en l’occurrence la municipalité — est encore perçu comme susceptible d’être à l’écoute du pays réel ? La majorité en profitera-t-elle ?

Il faut comprendre au sens large du terme les « mouvements sociaux » évoqués par Jacques Sapir — La Manif pour tous était lui aussi un mouvement social au sens d’un mouvement de fond de la société. Ce dégoût, qui atteint le régime dans sa légitimité, n’est qu’une réaction immédiate au spectacle du pays légal, qui, dans sa volonté de division et de récupération, mériterait, à coup sûr, d’être censuré. Le pays réel s’en chargera-t-il ? La référence aux années 1930 vise surtout à diaboliser toute opposition véritable. Malgré la crise économique qui frappait alors et la pourriture du régime, les fondements de la société étaient encore solides. Aujourd’hui, aux causes du sursaut patriotique de l’époque, s’ajoutent les fissures d’une société minée dans sa cohésion — destruction légale du mariage et de la famille, immigration, communautarisme, insécurité. Quant au pays légal, il va jusqu’à discréditer de son propre fait les institutions de la république. Il en est ainsi du Conseil économique, social et environnemental dont, l’hiver dernier, la plupart de nos concitoyens ont appris en même temps l’existence et l’inutilité, du Conseil constitutionnel après « son inénarrable jurisprudence du 17 mai 2013 relative au mariage pour tous [3] » ou, désormais, du Conseil d’Etat, qui ne semble plus rien devoir refuser au ministre de l’intérieur.

La Ve République ne serait-elle plus qu’un champ de ruines ? Elle qui a été la première à inscrire le rôle des partis politiques dans la Constitution est emportée par leur rejet viscéral auprès du pays réel, ce qui devrait, d’ailleurs, faire réfléchir le FN, parfois tenté par une normalisation qui brouille son message et risque, à terme, de décevoir.

C’est que les Français veulent désormais autre chose : sortir de l’impasse dans laquelle la République les a plongés. Ils ne sont plus attachés au régime, mais plusieurs générations d’endoctrinement leur interdisent encore de renverser le système qui les opprime. L’Action française continuera avec d’autant plus d’ardeur à leur ouvrir les yeux que les événements lui donnent raison.

François Marcilhac - L’AF 2878

[1] Entretien dans Causeur de janvier 2014- [-2] « La Guerre civile froide », daté du 12 janvier 2014, sur http://russeurope.hypotheses.org/1907 - [3] dixit le constitutionnaliste Frédéric Rouvillois - http://www.causeur.fr/les-voeux-pas...

http://www.actionfrancaise.net/craf/?Edito-AF-2878-L-etau-se-resserre

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