Guillaume Bernard, sur Atlantico, montre le décalage entre l'UMP et LMPT :
"Il y avait effectivement peu de ténors de l’UMP ; il y en avait quelques uns : il est également possible de citer, par exemple, Henri Guaino. Cependant, il est vrai que l’UMP n’a pas officiellement appelé à manifester ; elle a comme déserté le terrain. Plusieurs raisons à cela. La première, c’est sans doute que ce parti n’avait pas anticipé la grande réussite de cette manifestation. Il est, tactiquement, resté à l’écart dans la crainte qu’il y ait une faible mobilisation (par essoufflement du mouvement de premier semestre 2013) et que cela ne ternisse son image. La seconde raison, plus importante, c’est que l’UMP est profondément divisée sur les questions « éthiques » et « sociétales » et ne voulait pas prendre le risque d’un déchirement à la veille d’élections.
Cela vient du processus historique par lequel la droite s’est constituée. Depuis la Révolution, la vie politique française a été marquée par le mouvement sinistrogyre (Albert Thibaudet) : les nouveaux courants sont venus par la gauche de l’échiquier politique et ont repoussé sur la droite ceux qui étaient nés antérieurement. Pendant deux siècles, la gauche a donc, petit à petit, intellectuellement colonisé presque toute la droite ; elle lui a imposé ses références et l’essentiel de ses valeurs. Puisque la droite s’est constituée par sédimentation, il existe inévitablement en son sein des incompatibilités entre les idées initialement de droite (disons, pour simplifier, conservatrices du point de vue des enjeux « moraux ») et celles classées à droite mais antérieurement de gauche (pour l’essentiel inspirées par le libéralisme). [...]
Il y a donc bien un malaise idéologique qui traverse tous les partis de droite. Le personnel politique n’a sans doute pas encore pris pleinement conscience des mouvements doctrinaux de fond. Qu’on l’approuve ou le déplore, la Manif pour tous, ce n’est pas le village gaulois assiégé qui résiste, c’est une illustration, parmi d’autres (en particulier le populisme), du nouveau mouvement des idées. Elle s’inscrit dans ce que j’ai proposé d’appeler le « mouvement dextrogyre ». Pour résumer, l’expansion des idées de gauche (même si elles restent encore très présentes dans le milieu politico-médiatique) a connu un arrêt brutal avec la chute du régime soviétique. Les idées de droite, qui avaient été comprimées par le sinistrisme, se redéploient, regagnent du terrain. Les concepts venus de la gauche sont en train d’y retourner, dégageant ainsi de l’espace politique pour les idées originairement de droite. Précisons que le mouvement dextrogyre vient par la droite de l’échiquier politique mais qu’il n’est pas le monopole de la droite radicale : il l’englobe et la dépasse. Qu’ils en approuvent ou non les conséquences, le mouvement dextrogyre met les hommes politiques devant une alternative : adapter leurs programmes pour maintenir leur créneau électoral (ligne Buisson) sur l’échiquier politique ou accepter de glisser sur leur gauche s’ils entendent maintenir leur discours (stratégie Fillon)."
"À la division doctrinale interne de l’actuel principal parti de droite, s’ajoute effectivement une distorsion entre une grande partie de ses électeurs et ses cadres. La « base » est, globalement, idéologiquement plus à droite que ceux qu’elle élit (sans vraiment les connaître mais parce qu’ils ont l’étiquette requise, celle dont elle se sent la plus proche). La prohibition du mandat impératif n’arrange, de ce point de vue, pas les choses. Sur les questions « sociétales », et à l’occasion de la question du mariage homosexuel, le peuple de droite a fait l’amère découverte que ceux qui le représentaient ne partageaient pas instinctivement ses valeurs…
De manière plus générale, les mouvements comme la Manif pour tous ou les Bonnets rouges illustrent la rupture de confiance entre le peuple et les politiques. Une défiance s’installe entre les citoyens et les élites. Pour preuve, il suffit de se rappeler, dans les tous derniers mois, le décalage entre le discours sinon « officiel » du moins « autorisé » et les réactions de l’opinion publique : la condamnation médiatique du bijoutier de Nice qui a tué la personne venue l’agresser et le voler n’a nullement empêché l’affirmation d’un immense soutien sur les réseaux sociaux ; la surenchère « sans-frontiériste » à l’occasion de l’affaire Léonarda a connu un échec total."
http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2014/02/le-malaise-id%C3%A9ologique-de-lump.html