Les "affaires" s’inscrivent dans une tradition inhérente à la République, qui favorise les arrivistes sans scrupule, des chefs de bande en col blanc à la solde des puissances financières.
Gérard Leclerc faisait remarquer dans France catholique que, malgré les bourrasques qui secouent la République, nous n’étions pas sous la IVe, et que les institutions de la Ve étaient suffisamment solides pour subir sans faillir une telle épreuve. Sans doute a-t-il raison. Le contexte est différent : en 1958, la guerre d’Algérie avait miné le pouvoir et, à l’heure des grandes décisions, l’opinion se tournait vers l’homme du 18 juin. Aujourd’hui, si ce qui reste de la Ve, grignotée par les réformes constitutionnelles, dont l’instauration du quinquennat, dispose d’une administration pléthorique, elle peut s’effondrer doucement, sans heurt et sans même que l’on s’en rende compte.
L’armée des fonctionnaires
Ce qui est frappant, c’est que les sollicitations populaires restent l’épreuve majeure de ce système, ou plutôt de ceux qui, le temps d’une mandature tiennent le pouvoir. Ceux ci, en s’appuyant sur une armée de fonctionnaires zélés, s’y entendent merveilleusement , alternance ou pas, pour faire en sorte que rien ne change, en dehors de la lente dégradation qu’ils préfèrent ignorer ou minimiser. Les élections, fréquentes dans notre pays, si elles sont l’occasion d’affrontements spectaculaires entre les différentes factions qui vivent du système et le nourrissent, ne semblent pas, même quand les urnes leur éclatent au nez, apporter d’enseignements, et ne peuvent en aucun cas modifier la feuille de route libérale. Ne parlons pas des pétitions d’initiative populaire, prévues par les textes mais systématiquement balayées d’un revers de main, que ce soit en France avec la Manif pour tous ou auprès de l’Union européenne avec l’association Un de nous.
Tout est bloqué et la course au pouvoir n’est plus qu’une affaire de carrière de politiciens professionnels. Au vrai, c’est le peuple qui gêne dans cette curieuse démocratie où tous les coups sont permis. Après les affaires DSK, Tapie, Cahuzac, voilà l’affaire Sarkozy maquillée en affaire Bygmalion. De temps en temps, on entend aussi parler de l’affaire Karachi, histoire de nous rappeler que ces transgressions s’inscrivent dans une tradition durable de la République, quelle que soit la bande placée au faîte de l’État. L’homme étant ce qu’il est, et la concurrence rude, on peut expliquer, sinon comprendre, ces faiblesses récurrentes d’un système fermé et occupé savamment par des oligarques qui maîtrisent les techniques, les réseaux et les règles du Monopoly politique.
On va nous rétorquer que notre propos est dangereux et qu’il favorise la montée des extrêmes. Mais nous ne disons pas "tous pourris", du moins pas seulement. Nous souhaitons souligner que le système, tel qu’il est conçu par nos énarques, favorise les seuls arrivistes sans scrupule, sans foi ni loi, qui sont en mesure de participer à cette compétition érigée en principe. Comment un honnête homme pourrait- il faire valoir des arguments de bien commun dans une telle foire d’empoigne ? Peu a peu, la République française, notre Marianne désincarnée, en s’adaptant aux règles intouchables du marché, favorise l’émergence d’aventuriers, de chefs de bande en col blanc, de nouveaux notables à la solde des puissances financières apatrides. Des gens fort intelligents au demeurant, qui auraient pu choisir d’être cadres supérieurs dans quelque société multinationale, mais qui ont choisi la politique, non par amour de la patrie, mais pour réussir dans la vie. « La vanité », dit Al Pacino dans L’Associé du diable, « c’est le pêché que je préfère, c’est lui qui fait marcher le monde ».
Laissons mourir la République !
C’est pourquoi, à l’Action française, il ne nous suffira pas de dénoncer Copé, Hollande ou Sarkozy, mais cette fumeuse République tenue à bout de bras par la fonction publique que nous tenons pour responsable de cet état de fait qui n’est que la partie visible d’un vaste pourrissement généralisé. Il faut mettre fin à l’acharnement thérapeutique, et arrêter les perfusions. Il semblerait que les Français prennent peu à peu conscience de cette nécessité. L’Action française doit jouer sa partition dans le frémissement de renaissance nationale que nous vivons aujourd’hui et faire comprendre à nos compatriotes que cette République n’est pas la France et que nous aurions tort de la sauver encore une fois, que ce soit en la restaurant ou bien en suscitant une VIe.
Je cherche un homme, disait Diogène avec sa lanterne. Un homme associé par sa famille à l’histoire de notre patrie commune, indépendant des factions et disposant d’une autorité légitime pour protéger le peuple contre le désir de puissance des féodaux d’aujourd’hui. Le temps est venu pour nos princes de se lever et de parler.
Olivier Perceval, Secrétaire général de l’Action française