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Le FN n’est pas le premier parti de France

Résultats des Européennes. Entre idées fausses et idées reçues, par Aristide Leucate

Avec 25% des suffrages et en dépit de près de 58% d’abstention, le Front national a suscité un emballement politico-médiatique comme on n’en vit plus depuis un certain 21 avril 2002, les hystérisantes manifestations de rues en moins.

 

Du « séisme » à « l’onde de choc », en passant par la « déroute » ou la « sanction » du PS et de l’UMP, chacun y est allé de son analyse pour conjecturer la nouvelle « tripolarisation » de la vie politique française, lorsque le FN lui-même exulte qu’il est désormais le « premier parti de France ». Petit tour d’horizon de ces idées reçues comme de ces idées fausses.

Les 10% réels du FN…

Le FN, premier parti de France ? Voire. C’est oublier, par paresse intellectuelle ou panurgisme médiatique, que l’abstentionnisme, malgré une baisse à 57%, voisine avec les 59% de 2009, la palme ayant été remportée par la circonscription Outre-mer dont l’abstention record de 83% (contre 77% en 2009) relègue le FN à la quatrième place, le privant de siège ultramarin. Que seulement 43% du corps électoral se soit déplacé pour aller voter doit fortement relativiser le triomphalisme du FN dont l’élection de ses députés ne repose guère sur le quorum minimal requis. Nous avons souvent écrit, dans ces colonnes et ailleurs, combien il était nécessaire d’intégrer dans l’analyse d’un résultat électoral, cette variable indispensable sans laquelle des élections professionnelles, ou des assemblées générales de sociétés commerciales ne seraient pas valides. Quasiment inconnue du droit électoral, la prise en compte de ce paramètre permet d’interpréter au plus près de la sociologie réelle des électeurs, des résultats sortis des urnes dont le caractère relatif est éminemment renforcé par une abstention chronique. Ajoutons encore les 2,78% de bulletins blancs et les 1,26% de bulletins nuls sur un nombre total de votants. Dès lors, si l’on ramène le vote FN au nombre d’électeurs inscrits (et non au nombre de votants), son score serait ainsi plus proche des 10 % (si l’on estime le nombre d’inscrits à 46 066 307, Le FN a obtenu 5,4 millions de voix, soit moins que les 6 421 426 obtenues à l’élection présidentielle de 2012). La même projection pourrait être faite à l’endroit des autres partis, dont les résultats, en valeur absolue, sont effectivement catastrophiques, notamment ceux du PS (« moins de 6% des Français en âge de voter ont choisi le parti du Président de la République et du Premier ministre… », ainsi que le relevait Éric Martin dans Nouvelles de France).

…contre ses 25% virtuels

Certes, on nous objectera qu’un sondage IFOP pour Valeurs actuelles réalisé avant les élections prédisait que, même si le vote était rendu obligatoire, le FN serait crédité de 24%, le plaçant en tête devant l’UMP (22%) et le PS (14%), Jérôme Fourquet, le directeur du département opinion de l’institut, allant jusqu’à en conclure que le FN disposerait, chez les abstentionnistes, « d’importantes réserves de voix ». Analyse discutable, quand on sait, d’une part, que les sondages se trompent assez souvent, ce qui accrédite d’autant plus la dimension virtuelle et spéculative de leurs augures, d’autre part, qu’un tel résultat est contingent à la fois du mode de scrutin et du type d’élection. La proportionnelle permet notoirement au FN de tirer confortablement son épingle du jeu. En revanche, les partis traditionnels continuent à cristalliser le « vote utile » du corps électoral à l’occasion des élections locales, ce, malgré – faut-il le reconnaître – l’avancée certaine du parti frontiste depuis deux ans. Bien que porteuse, la stratégie de dédiabolisation entamée par Marine Le Pen et ses cadres reste entravée par l’image délibérément négative que les médias omniprésents – notamment télévisuels – véhiculent, alors même, comme l’écrit Christian Combaz, que « le mot de réaction n’effraie même plus les classes populaires ».

Les européistes restent le premier parti de France

On mesure, dès lors, l’écart entre la réalité arithmétique et l’enflure médiatique provoquée par la talentueuse opération de communication politique du FN qui a magistralement anticipé son score (de façon hyperbolique) en imprimant des affiches idoines confirmant, une fois n’est pas coutume, les sondages. Cette baudruche se dégonfle rapidement lorsqu’on étudie les rapports de force combinés aux systèmes d’alliances partisanes. On s’aperçoit, alors, que le FN, s’il demeure, incontestablement, le premier parti souverainiste de France, ne peut prétendre politiquement, au rang de premier parti de France, eu égard, précisément, à un jeu d’alliances totalement fermé de part et d’autre de l’échiquier politique. Si les eurosceptiques de Debout la République (dont les près de 4% encalminent résolument le mouvement dans la confidentialité d’un club de boullistes), voire, dans une certaine proportion, du Front de gauche (6.34%), représentent près de 10%, il est aisément inimaginable que Marine Le Pen envisage de quelconques rapprochements tactiques avec ces derniers. Chez les franco-sceptiques, « si l’on compare avec les élections européennes de 1994, les partis européistes se trouvent confortés et les listes eurosceptiques sont en reflux. En effet, le total UMP-UDI-Modem-PS-Verts est légèrement supérieur au total des partis similaires d’il y a vingt ans » (soit 53,5% des voix), selon le politologue, Marc Crapez (Figarovox, 26 mai).

La tripolarisation improbable

C’est dire que la tripolarisation prophétisée, notamment par Éric Zemmour, n’est pas pour demain, le FN conservant, plus que jamais, le talon d’Achille de son incapacité structurelle à nouer des relations avec les partis de l’Etablissement, les deux plus grands partis, PS et UMP, pouvant compter sur leurs alliés respectifs pour maintenir le bipartisme. Par ailleurs, l’hypothèse est d’autant moins plausible que la dernière actualité de l’UMP montre que la démission de Jean-François Copé laisse place à une direction collégiale (certes provisoire, mais significative) composée des ectoplasmiques Juppé, Raffarin et Fillon, centristes patentés de ce mammouth de « droite », décidément gangréné par le relativisme idéologique du marais centriste de l’ancienne UDF. Et si l’attelage, récemment reformé des centristes UDI-Modem, refuse, notamment par la voix du député UDI, Philippe Vigier, la main tendue par Juppé, d’une « plateforme commune » avec l’UMP, c’est précisément dans l’attente prochaine de l’effondrement général de celle-ci et sa refondation sur des bases saines, c’est-à-dire purgées de ses éléments réputés les plus droitiers (ceux de la Droite forte, par exemple). Quand bien même un nouveau parti de droite sortirait des décombres, il pourrait continuer à s’appuyer sur ses alliés naturels du centre avec lesquels il partagerait les mêmes fondamentaux eurobéats et mondialistes. Le FN est donc condamné à faire cavalier seul, sauf à indexer son élargissement à tous les souverainistes déçus qu’il pourrait peu à peu débaucher à droite et à gauche. Le chemin est long et difficile, mais c’est toujours « le difficile qui est le chemin » nous enseigne Kierkegaard.

Aristide LeucateL’AF 2887 - lactionpolitique.hautetfort.com

http://www.actionfrancaise.net/craf/?Le-FN-n-est-pas-le-premier-parti

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