Décrypté par Vincent Trémolet de Villers :
"[...] Il est difficile de catégoriser ce bouleversement idéologique à droite tant il est désordonné. Mais, si on se risque à le faire, on y trouverait les enfants de Péguy qui promeuvent l'esprit plutôt que la matière, la limite sur la démesure, la verticalité sur la consommation: une forme d'écologie intégrale. Ceux de Barrès et de Clemenceau qui puisent dans le roman national l'énergie pour restaurer les vieilles formes politiques que sont la nation et la République. Ceux de Tocqueville et de Steve Jobs qui regardent de l'autre côté de la Manche et de l'océan pour rêver à de nouvelles organisations sociales avec moins d'État (Big Society) ou une croyance quasi religieuse dans l'innovation et le progrès (Google). Ces derniers ont abandonné l'État-nation et veulent une vie mobile, plurielle, dynamique, chic et pratique comme un iPad.
Toutes ces lignes se croisent, se confondent parfois, s'affrontent souvent (Figarovox, le site de débats et opinions du Figaro en témoigne) mais renouvellent en profondeur la vie des idées et donnent à la droite un imaginaire plus stimulant que les 3 % de déficit. Et pourtant! l'UMP, son principal parti, est étranger à toutes ces évolutions. Il n'en est ni le porte-voix, ni le contradicteur, ni le laboratoire. Hibernatus idéologique, il est comme saisi dans la glace des années 1990. Au séisme du 25 mai, dont l'une des causes était «sortez les tous!», ce parti répond par la prime aux anciens, la course au centre et la défense intransigeante de la construction européenne. Il nomme comme secrétaire général Luc Chatel, qui, ministre de l'Éducation nationale, a fait entrer dans les lycées (par ignorance ou par indifférence) les études de genre dont on sait ce qu'en pensent les électeurs de droite. Quant au mot «libéral», il semble tabou. Hormis pour quelques députés, il paraît plus urgent de s'interroger sur la situation des locaux, l'aspect glaçant des verrières, la beauté du logo, la pertinence du nom, la durée des mandats. Il ne manque que le prix des tickets-repas! Pourtant la droite est en passe de renverser la domination culturelle qu'elle subit depuis des années. Si les politiques qui la représentent ne profitent pas de ce mouvement de balancier, ces courants de pensée risquent de déserter définitivement la place au profit des homélies de la gauche morale et du manichéisme incantatoire du Front national."