Un accord prévoyant un cessez-le-feu durable et la levée du blocus sur la bande de Gaza aurait été trouvé. Après 50 jours de conflit meurtrier, Israéliens et Palestiniens ont donc réussi à se mettre d'accord sur une proposition égyptienne.
Quand, en juin 2014, trois jeunes israéliens furent séquestrés et assassinés en Cisjordanie, Benjamin Netanyahu accusa le Hamas alors que cette organisation le niait et que contrairement au Mossad, elle revendique toujours ses actions. Pire, le crime fut à l'époque revendiqué par d'autres organisations djihadistes (la nébuleuse ISIS). Cette accusation ne survenait pas dans n'importe quel contexte. Elle survenait exactement quelques semaines après que le Hamas ait signé un accord avec le Fatah (la principale organisation du gouvernement palestinien), accord qui donnait naissance à un gouvernement d'unité nationale dans les territoires occupés sous autonomie palestinienne, un accord décrié mais dont on a délibérément omis dans nos médias un article clef qui obligeait le Hamas à ne pas faire usage de la violence.
Ce qui rendait cet accord plausible et viable, c'est que le Hamas n'y souscrivait pas par conviction mais par nécessité. Au début de la guerre civile syrienne, le Hamas avait rompu son alliance avec les régimes syriens et iraniens et s'était tourné vers un nouveau partenaire, les Frères Musulmans d'Egypte. Peu de temps après, le gouvernement égyptien fut renversé par un coup d'Etat pro-américain ce qui isola encore plus le Hamas tant politiquement que géographiquement dans la bande de Gaza où l'encerclement israélien était toujours qualifié par l'ONU de « punition collective» et de «crime de guerre».
Il faut le souligner : le Hamas souscrivit l'accord d'unité nationale à partir d'une position de faiblesse. Or, il se retrouve aujourd'hui, après l'offensive meurtrière israélienne, en grand vainqueur. Cet accord fut dénoncé en son temps par tous les autres groupes radicaux de la région, tant palestiniens que régionaux. Analysant cette situation nouvelle, les deux parties en conflit (Israéliens et gouvernement palestinien) auraient dû tout faire pour éviter le sabotage de l'accord par les groupes ultras, sionistes comme islamistes mais Tel Aviv choisit tout le contraire et opta pour l'affrontement direct.
Israël aurait pu chercher les coupables de l'assassinat des trois israéliens évitant ainsi la surenchère extrémiste. Ce ne fut pas le cas parce qu'une des parties du gouvernement israélien partageait de manière explicite l'objectif de sabotage de l'accord, à savoir la rupture de l'accord entre le Hamas et le Fatah. Si la dissolution et l'affaiblissement du Fatah était alors l'objectif stratégique de l'offensive israélienne - et c'est bien ce qui semble avoir été le cas - , force est de constater que quelle que soit la destruction matérielle de Gaza, quels que soient le massacre des civils de Gaza, l'assassinat criminel et odieux d'enfants, le pilonnage et la destruction systématique des hôpitaux, cliniques et dispensaires, le non respect du protocole humanitaire de Genève, la destruction d'immeubles, la réquisition des terrains et des propriétés, le couvre-feu systématique, l'interdiction de circuler, le bombardement de toutes les infrastructures électriques (Gaza n'a pas de lumière le soir), Israël a perdu la guerre. Et qu'on ne s'y trompe pas, le repos viril des guerriers de Gaza et les ventres de leurs femmes auront relevés très vite le déficit démographique.
De manière totalement disproportionnée, l'offensive israélienne se voulut une réponse à l'assassinat des trois jeunes israéliens et au lancement des roquettes sur les colonies juives pourtant totalement illégales de la frontière. Mais n'oublions pas l'exaction israélienne : quelques jours avant, deux jeunes palestiniens avaient été eux-aussi assassinés par des soldats israéliens. D'où est donc venue la provocation ?
Israël a perdu la guerre car elle n'a pas osé aller au bout de sa logique. Israël aurait-elle cru qu'en intensifiant les massacres à des niveaux insupportables, elle gagnerait la guerre ? Dans ce cas, les militaires israéliens devraient revoir leur copie car que les cadavres palestiniens se comptent par milliers et les morts israéliens par dizaines, il n'y jamais de vainqueur dans une logique de destruction. Israël est maintenant totalement discrédité. Sa classe politique est divisée. Ses jeunes se tirent une balle dans le pied, feignent la folie ou désertent pour ne pas aller au conflit. Mauvais signes car signe de décadence future d'une jeunesse de moins en moins patriotique, dont les meilleurs éléments patriotiques se font tuer ou sont épuisés. Alors faudra-t-il tous les trois ou cinq ans nettoyer Gaza ? A l'opposé, la figure du Hamas reste et demeure héroïque, les jeunes du Hamas ne craignent pas le combat. Ils chantent en défilant. Ce sont les résistants.
L'extrême droite dirige en Israël
L'extrême droite israélienne fut derrière l'offensive estivale d'Israël car c'est elle qui avait cherché à boycotter tout accord avec le médiateur américain John Kerry, un accord qui était encore possible à l'été 2013. L'extrême-droite israélienne est muée par l'idéologie, cette utopie folle du « Grand Israël », de l'« Eretz Israël ». Or, ce rêve délirant implique de jeter à la mer ou d'envoyer en exil cinq millions de Palestiniens qui vivent à Gaza ou en Cisjordanie. Cet été, même les partis modérés israéliens se sont radicalisés face aux accusations internationales mais sans tenir aucune vision, sans défendre aucun plan viable pour l'avenir d'Israël. Que feront-ils en effet des territoires occupés même rasés, même anéantis ?
Gaza est un camp retranché, un camp d'occupation, un camp de concentration d'une population de 1 800 000 habitants. Dans les derniers combats, 475 000 Palestiniens ont été déplacés selon les chiffres de l'ONU. Ils ont rejoint les plus de un million de réfugiés qui survivent dans la misère des camps de réfugiés. Il est donc difficile de croire que la stratégie de Tel Aviv est d'envoyer en diaspora près de cinq millions de personnes. Tel Aviv aime-t-il à ce point la diaspora ?
Officiellement, le conflit aurait fait 2 100 morts du côté palestinien et 70 morts du côté israélien, chiffre sans doute minoré mais qui constitue tout de même les plus grandes pertes d'Israël depuis la guerre contre le Hezbollah libanais en 2006. Lorsque le cessez-le-feu est entré en vigueur, des tirs de joie ont résonné dans toute la ville de Gaza. Un officiel palestinien a confié à l'AFP que l'accord conclu prévoit la levée du blocus. Ce serait alors plus qu'une victoire, ce serait un triomphe. Alors au fait, c'était quoi la stratégie israélienne de l'opération Bordure protectrice puisque le Hamas malgré ses considérables pertes a toujours dominé le terrain ?
Michel Lhomme
source : Metamag