La déconnexion entre les événements géopolitiques et le sentiment des investisseurs est particulièrement forte : les événements en Russie, au Moyen-Orient ou en mer de Chine n’ont pas vraiment affecté les marchés d’actions. La mort de 200 000 Syriens depuis deux ans s’est accompagnée d’une hausse de ceux-ci. Les marchés seraient-ils donc myopes ? Bien sûr certains chocs géopolitiques inattendus provoquent une chute des marchés.
Mais celle-ci n’est en général que temporaire : que l’on songe aux événements du 11 septembre 2001 et la chute de 14 % du Dow Jones qui s’ensuivit. Cet indice, comme celui du Nasdaq, ne mit que deux mois pour retrouver son niveau précédent. En fait, le risque géopolitique n’a plus affecté durablement les marchés depuis le choc pétrolier des années 1970 qui suivit la guerre israélo-arabe de 1973 et la révolution iranienne de 1979.
Depuis cette époque, le monde a été caractérisé, non pas par le risque, mais par l’opportunité géopolitique.
La fin du maoïsme, la chute du mur de Berlin, la fin des dictatures latino-américaines ont provoqué l’ouverture d’immenses marchés à l’échange international, source de croissance.
Dans ce contexte d’opportunité géopolitique, le sentiment des investisseurs a été dirigé par l’économie et non par la politique : l’éclatement de la bulle Internet de 2000, la crise financière de 2008 et de l’euro, et les politiques monétaires accommodantes des banques centrales.
“Cependant, il est un facteur géopolitique auquel les investisseurs risquent d’être confrontés, c’est celui du renversement de la tendance générale à l’ouverture des marchés dans le monde”
Et c’est sans doute parce que les investisseurs sont davantage préoccupés par la politique monétaire que par les guerres que les marchés sont aussi hauts. Mais est-ce bien durable ?
Certes, les événements de Russie et du Moyen-Orient n’ont pas empêché le prix du pétrole de baisser, mais il y a de bonnes raisons à cela, notamment le développement de la production à grande échelle du gaz et du pétrole de schiste américains.
Cependant, il est un facteur géopolitique auquel les investisseurs risquent d’être confrontés, c’est celui du renversement de la tendance générale à l’ouverture des marchés dans le monde.
Les événements récents ont souligné le fait que la géopolitique pouvait aussi bien fermer les marchés que les ouvrir.
Ce qui se passe en Russie, ou entre le Japon et la Chine, est une version extrême d’un phénomène plus général : le retour du nationalisme politique qui émerge sous des formes différentes en Russie, et aussi en Inde, en Égypte, à Hong Kong, ou même en France, en Écosse ou en Catalogne.
Le nationalisme, l’investissement international et le commerce mondial n’ont jamais fait bon ménage.
Par Bertrand Jacquillat lenouveleconomiste.fr