Dans chaque numéro de Conflit , la page “polémiques” ouvre une réflexion sur un sujet controversé. Dans le numéro 3, Pierre Royer réagit à l’enseignement contemporain de l’Histoire, « muée en une discipline fourre-tout dont la vocation est essentiellement « citoyenne » et « morale » et non plus scientifique ou littéraire. » Consultez l’article et réagissez en ligne.
Si le débat public français ne manque pas de tintamarres conjoncturels ou récurrents, il y a un sujet qui n’a été salué que par un silence assourdissant : celui des commémorations du bicentenaire du Premier Empire, et notamment de ses victoires militaires.
On m’objectera qu’il est puéril et archaïque de mesurer la gloire d’une nation à un empilement de cadavres et d’estropiés et que le patriotisme consiste aujourd’hui à oublier ces ambitions hégémoniques pour se fondre dans l’ensemble européen. Cet argument, très condescendant pour nos voisins qui n’ont pas hésité à marquer le bicentenaire d’une victoire présentée comme le réveil de la nation allemande (Leipzig), oublie qu’on peut commémorer sans « célébrer » et qu’un anniversaire permet de faire œuvre pédagogique. Car il ne faut pas compter sur les programmes scolaires, d’où les conquêtes napoléoniennes ont quasiment disparu, frappées par un devoir d’amnésie, pour que les générations futures puissent un jour expliquer pourquoi des ponts de Paris portent le nom d’Austerlitz ou d’Iéna.
Que cette terre brûlée mémorielle ait été entérinée sous deux présidents censément gaullistes est encore plus consternant. Auraient-ils oublié la phrase des Mémoires de guerre du Général : « La France ne peut être la France sans la grandeur » ? Certes, la grandeur ne passe plus aujourd’hui par la puissance militaire (quoique… ce qui est vrai en Europe n’est pas forcément universel), mais oublier que tel n’était pas le cas auparavant nous expose à ne plus rien comprendre à l’histoire des siècles passés.
La première explication de ce fiasco est que, comme l’a diagnostiqué il y a dix ans Régis Debray, les élites françaises, ou qui se prétendent telles, n’aiment pas la France et, peut-être même, n’aiment pas les Français. Ce divorce justifie une tentative d’acculturation dont l’enseignement est un fer de lance. [ ;; ;
Pierre Royer
La suite dans Conflits