Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L’« islamofascisme » et l’« ennemi » par Claude BOURRINET

Le site Polémia, proposant aux lecteurs, bien souvent, des réflexion de très bonne qualité, a publié, récemment, une mise au clair « iconoclaste » (bien qu’à mon sens assez rebattue) en treize points  de Guillaume Faye, datant du 2 octobre 2014, au sujet de l’islam et de l’islamisme, le premier, pour lui, étant beaucoup plus dangereux que le second, car il s’appuie sur les bataillons lourds de l’immigration de peuplement (dont on ne niera pas la nuisance).

 

Est-il besoin de souligner combien il peut être périlleux, sinon insignifiant d’un point de vue réflexif, de se placer sur un terrain miné, en répondant à un simplisme (celui des médias) par un autre simplisme ?

 

Prenons par exemple le terme hyperbolique « islamofascisme », tant prisé par Riposte laïque. Son emploi supposerait, au moins, que l’on sache ce qu’est l’islam. L’usage immodéré que l’on fait de quelques citations coraniques, dont on pourrait trouver la même charge d’intolérance dans des passages de la Bible, ne remplace par une étude de fond, et le mot « djihad », dont l’équivalent chrétien est le mot « croisade » (utilisé par Bush) – lisons saint Bernard, qui parle de la croisade militaire, et de la croisade individuelle, intime, contre ses propres péchés – demande quelque exégèse un peu plus approfondie.

 

En fait, il existe plusieurs « islams ». N’existe-t-il pas plusieurs christianismes ? Comment confondre le catholicisme et l’évangélisme américains ? Il y a un abîme entre le salafisme des wahhabites, et l’islam des alaouites syriens, entre l’islam berbère, influencé par le soufisme, et la vision littérale du texte coranique, juridique et sans nuance, des takfiristes. Et ne parlons pas de la différence entre le sunnisme et le chiisme. Quelle ressemblance entre l’islam, tel qu’il est vécu dans l’Empire russe, et celui des tribus libyennes ? On n’évoquera pas non plus la dialectique vivifiante de l’exotérisme et de l’ésotérisme, de la lettre et de l’esprit, qui rend encore l’islam si riche en traditions spirituelles immémoriales, et en potentialités existentielles, quand le christianisme, du moins en Europe occidentale, donne l’impression de s’être desséché. Nuances qui échappent bizarrement à un penseur comme Guillaume Faye, pour qui l’islam est un « bloc ».

 

Le problème se pose aussi pour le terme « fascisme ». De quel « fascisme » parlons-nous ? Du nazisme ? Du fascisme italien ? Du mysticisme nationaliste de la Garde de fer roumaine ? Du pétainisme ? Du « pinochetisme » ? Sans entrer dans les détails, ce qui demanderait de longs développements, et sans rappeler que le « fascisme » est un pur produit occidental, on se souviendra que la connotation qui s’attache à ce régime organique est le fruit de la victoire des Alliés, et que les peuples qui l’ont connu étaient loin d’y voir ce que l’on a eu l’habitude d’y accoler. Une grande partie de la population italienne, actuellement, semble éprouver quelque nostalgie pour le Duce. Toutefois, sans entrer dans des polémiques stériles, on soulignera combien le terme, appréhendé péjorativement, a pu servir de faire valoir, comme le vocable « totalitarisme », aux démocraties occidentales qui, pourtant, si on les juge objectivement, et singulièrement leur modèle, les États-Unis d’Amérique, ont été au moins aussi coupables de destruction, de meurtres de masse, de terrorisme, d’atteintes aux droits de l’homme, de perversion et de mensonges, que leurs ennemis supposés. Les exemples récents de la Libye, de la Syrie, de l’Afghanistan, montrent combien, dans le cas de la « liberté », on ne s’embarrasse pas de scrupules, et que bombes placées au bon endroit, tirs de drones, manipulations de fanatiques, instrumentalisation de l’opinion par les mass media aux ordres, bombardement « ciblés », etc., n’ont rien à envier aux « fascistes ».

 

Il est vrai que des milliers de morts allogènes ne valent pas une goutte de sang d’un « Charlie ». Tout comme le sang juif est infiniment plus précieux que le sang palestinien. Les manifestations protestant contre le massacre de cinq cents enfants lors de la dernière opération dévastatrice de Tsahal ont provoqué des récriminations dans la presse et les milieux politiques. Bizarre. Et on aurait bien voulu que Guillaume Faye rappelât l’existence des assassinats ciblés, souvent mis sous silence par la presse et les chancelleries, quand ils ne sont pas hypocritement approuvés, et la tradition terroriste des sionistes, qui s’est illustrée, par exemple, dans l’immédiat après-guerre. Parlera-t-on de « judéo-fascisme » ? D’« occidentalo-fascisme » ? D’« américano-fascisme » ?

 

Last but not least, Guillaume Faye, met en garde, dans un style apocalyptique, emphatique et creux (car il faudrait s’interroger longuement sur ce que les mots employés veulent vraiment dire, en dehors de leurs effets ronflants) : « Beaucoup plus terrible est la perspective au cours du XXIe siècle de la disparition de la France, de son identité millénaire, de son être. »

 

Mais, Guillaume, la France, cela fait quelques lustres qu’elle a « disparu », la France, qu’elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, qu’elle ne se souvient même plus de son « identité » (autre que celle, fantasmée, que des ignorants, des incultes, assènent à tour de bras dans les petites sauteries identitaires), que son autonomie lui a été confisquée, et qu’elle n’est plus qu’un protectorat américain !

 

Ce n’est pas en invoquant Carl Schmitt (qu’on cite à tort et à travers, comme on invoquait, jadis, le dieu Marx) qu’on y verra plus clair. Il en va de lui comme de Nietzsche, ou d’Audiard : une citation ne fait pas la pensée. Certes, Schmitt a bien dit qu’il fallait désigner son ennemi, et il n’est pas nécessaire d’adopter celui que l’ennemi véritable arbore ostensiblement comme ennemi présumé. La stratégie qui consiste à susciter, par l’immigration massive, un antagoniste capital, est un leurre habituel des oligarchies. Pour moi, l’ennemi, c’est l’occidentalisme, la dégénérescence de l’Europe, sa perversion, incarnée dans les États-Unis, que Faye considère, et cela est logique, comme le « compétiteur », non l’ennemi. Tout un programme ! Faye, en tant qu’occidentaliste, soutient les U.S.A., dont la politique internationale montrerait à un aveugle même combien ils détruisent les identités, y compris celle de la France, déracinent les peuples avec leur libéralisme délirant, assassinent, massacrent, méprisent par ethnocentrisme bête et méchant, « fasciste », dirait-on. Et, justement, la stratégie des États-Unis d’Amérique est de fomenter des guerres civiles sanglantes dans les pays qu’ils veulent asservir. Guillaume Faye en étant, du reste, un héraut !

 

Pierre Hillard, à l’inverse, note, dans des analyses un peu plus originales et riches que celles, creuses, de Faye, combien un certain islam – non celui qui est montré par les événements et la presse, largement instrumentalisé par les puissances occidentalistes – peut s’avérer être un pôle de résistance au libéralisme mondialiste, au même titre que l’Orthodoxie des pays slaves ou balkaniques.

 

Claude Bourrinet

http://www.europemaxima.com/?p=4172

Les commentaires sont fermés.