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L’Etat censeur : lois scélérates et jurisprudences orientées qui étouffent la liberté d’expression

Texte n°7 (Rétablir la liberté d’expression – XXXe Université annuelle du Club de l’Horloge, les 15 et 16 novembre 2014)

♦  Francois Wagner, avocat à la cour.

« Certains objectent que si c’est bien l’histoire qui fait la vérité et si ce n’est pas à la loi de l’imposer, certains propos vont trop loin et il ne faut pas permettre de les exprimer. Mais c’est glisser insensiblement vers le délit politique et vers le délit d’opinion. Donc, sur le fond, il y a dans ces dispositions un très grand danger de principe. Par conséquent, sur le principe, l’article 24 bis représente, à mon avis, une très grave erreur politique et juridique » (Jacques Toubon, lors du vote de la loi dite Gayssot, député communiste)

Les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté d’expression sont définies par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette loi a été votée à la fin d’un siècle marqué par une lutte intense en faveur de la liberté d’expression. En fixant un cadre rénové à la liberté d’opinion, elle épurait par là même une suite de dispositions répressives.


Près d’un siècle auparavant, l’Assemblée constituante avait voté la loi du 14 septembre 1791 qui empruntait son contenu à la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 et énonçait dans son article 3 du Titre Premier : « La Constitution garantit à tout homme la liberté d’écrire, d’imprimer et de publier ses pensées sans que ses écrits puissent être soumis à aucune censure ni inspection avant leur publication ». L’article 10 précisait : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions pourvus que leurs manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la loi ». Aux termes des décrets des 29 et 31 mars 1793, la Convention décida de punir de mort les auteurs d’écrits considérés comme séditieux à l’encontre du régime alors en place. Succédant à la période révolutionnaire, le Premier Empire fut prohibitif quant à la liberté d’écrire. Cette liberté fut certes rétablie par la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 mais une loi du 21 octobre suivant instaurait la censure. Malgré quelques assouplissements passagers dont la loi du 17 mai 1819, le dispositif demeura en l’état jusqu’à la loi du 18 juillet 1828 qui abrogea à nouveau la censure. Celle-ci fut restaurée par les ordonnances du 25 juillet 1830. La Monarchie de Juillet, née des Trois Glorieuses, se montra restrictive vis-à-vis de la liberté de la presse tout en étant relativement libérale envers la publication des livres.

Après l’avènement de la Seconde République et les journées de juin qui suivirent, un décret du 11 août 1848 fixa les sanctions relatives aux délits de presse. Le texte spécifie, notamment, que  : « Toute attaque par l’un des moyens énoncés en l’article 1er de la loi du 17 mai 1819 contre les droits et l’autorité de l’Assemblée nationale, contre les droits et l’autorité que les membres du pouvoir exécutif tiennent des décrets de l’Assemblée, contre les institutions républicaines et la Constitution, contre le principe de la souveraineté du peuple et du suffrage universel, sera punie d’un emprisonnement de trois mois à cinq ans, et d’une amende de trois cent francs à six mille francs ». En fait, ce décret qui instaure un délit d’outrage à l’encontre de la République et de la Constitution exprime un véritable mépris des citoyens.

Si le Second Empire n’a pas rétabli légalement la censure, en revanche différentes mesures coercitives comme le montant du cautionnement exigé pour la création d’un journal ou l’autorisation préalable nécessaire à ses dirigeants limitaient considérablement la liberté de la presse.

Par la loi du 29 juillet 1881, la IIIe République a doté le pays d’un dispositif profondément transformé. La loi stipule dans son article 1er : « L’imprimerie et la librairie sont libres ». La règle générale est la liberté assortie de restrictions. Il s’agit de prévenir les outrances dans les domaines suivants :

• la provocation au crime (l’on peut devenir complice d’un crime par ses écrits),

 • l’abus sans conséquences (l’incitation ou la provocation sans qu’elles soient suivies d’effets : l’appel au meurtre, au vol, au pillage…),

• les offenses au Chef de l’Etat français, aux Chefs d’Etat étrangers, aux ambassadeurs…

• la diffamation et les injures.

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