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Les deux faces du gauchisme grec

Par deux fois cette semaine le gouvernement de Tsipras, a pu éviter le pire. Ses négociateurs ont réussi à gagner in extremis, le 20 février dans la soirée, quatre mois de répit. Cela n'est encore arrêté que sur le principe. Car la négociation "concours financiers contre réformes intérieures" continuera face aux poids lourds des institutions européennes.

L'avant-veille, 18 février, plus durable, il avait réussi un joli tour de passe-passe sur le plan intérieur. La coalition gouvernementale est parvenue à élire un président de la république de droite, en la personne de Prokopis Pavlopoulos, désigné avec l'assentiment du parti de la nouvelle démocratie.

Ne nous y trompons pas cependant. Tout reste à faire, y compris quant à l'adoption des mesures sociales présentées à Athènes pour les plus urgentes, et considérées dans le nord de l'Europe comme les moins pertinentes. Si le gouvernement de Syriza ne fait pas, en partie, machine arrière l'accord esquissé à Bruxelles ne se concrétisera pas.

La crise la plus médiatisée en France reste celle du maintien de ce pays dans la zone euro. Le ministre en pointe dans ce dossier l'arrogant Varoufakis passe pour un économiste. En réalité, il s'agit surtout d'un spécialiste de la théorie des jeux. D'un tel point de vue il gagnerait à réétudier le point de vue de ses interlocuteurs.

Car, au bout de 5 ans, si les plus dogmatiques des intégrationnistes d'entre eux continuent encore de professer la doctrine initiale de Maastricht, selon laquelle l'union monétaire devait être tenue pour irrévocable, les pays sérieux y ont discrètement renoncé. Et ceci change considérablement la donne sur laquelle on travaille depuis 2010.

Pour beaucoup d'intervenants désormais, le "Grexit" ne constituerait pas pour l'Europe une catastrophe mais un soulagement. Depuis que Draghi a succédé à Trichet, on ne considère plus, à Francfort, qu'on viole les statuts européens : on les fait évoluer. Toute la politique monétaire de la banque centrale va désormais dans ce sens. La marginalisation du premier pays, comme celle des suivants, qui sortiront de la zone euro, entraînera, peut-être, – nul ne peut le prévoir vraiment, – des conséquences négatives pour lui, mais beaucoup moins pour les autres.

Champ d'expérimentation de la gouvernance internationale depuis un siècle et demi la Grèce payera le prix de la faiblesse de sa classe politique. Elle en a pris l'habitude. (1)⇓

 

À leur manière les gauchistes français ne s'y trompent pas. Une entrevue avait été demandée par Mélenchon à Hollande, le 4 février. Elle s'est déroulé le 17. À entendre le chef du front de gauche, l'entretien aurait conduit en partie le chef de l'État français à infléchir sa position. Le 16 février notre trotskiste national déclarait à ce sujet : « Je n'ai pas d'autres moyens que celui de la discussion, de convaincre » le président de la République « qu'il ne peut pas accepter que la Banque centrale européenne (BCE) coupe les vivres à ceux qui n'obéissent pas à la troïka, car demain c'est notre tour. » (2)⇓

 

Sur ce point essentiel, et tout en suggérant une tout autre sortie de crise, j'avoue ne pas écrire autre chose.

Derrière la crise grecque, se profile, et s'est toujours profilée, en effet une crise française. Les autorités parisiennes ont toujours voulu le dissimuler à l'opinion hexagonale, qui s'y laisse prendre d'ailleurs de moins en moins.

Il ne faut pas s'étonner ici de la convergence franco-grecque. La destruction de la Grèce a été fondamentalement accomplie, durant les années 1980-1990, à l'époque du PASOK d'Andréas Papandréou.

Cette pollution historique a transformé, artificiellement et provisoirement, un peuple de marins, d'esprits libres et d'entrepreneurs en une population de fonctionnaires, d'assistés et de subventionnaires. Ce parti socialiste a largement été formé à l'école parisienne dans les années d'exil, quand les colonels régnaient à Athènes. Ce fut le retour au pouvoir du PASOK vainqueur des élections législatives de 2009, sous la conduite du fils du fondateur, Georges Papandréou, ami (politique) de Strauss-Kahn, qui a déclenché la crise, aggréve par deux séries de mesures démagogiques, dès son arrivée au pouvoir en 2009, puis, en 2010 après un premier soutien financier international inconsidéré.

À partir de 2012 l'appareil gauchiste rassemblé autour de Tsipras, lui-même de formation communiste, sous l'étiquette de Syriza est parvenu à siphonner l'électorat du PASOK. Les restes de celui-ci, Evangelos Venizelos (3)⇓

ayant succédé fin 2011 à Georges Papandréou, s'étaient ralliés à l'union nationale. Le discours de Syriza n'a fait que prendre le relais des socialistes des années 1980. (4)⇓

 

 

Disons-le bien : les propositions démagogiques clamées par Mélenchon en France, Die Linke en Allemagne, Podemos en Espagne et Syriza en Grèce doivent être dénoncées comme ruineuses, d'abord pour les pays qui les appliqueraient, et en premier lieu pour les plus pauvres de leurs ressortissants.

Le seul espoir raisonnable résiderait malheureusement dans un accident de parcours assez rapide, mais pas trop catastrophique, pour que l'équipe Samaras puisse reprendre pacifiquement, avec l'assentiment d'une opinion beaucoup moins acquise à la gauche que ce que l'on nous assène, un programme de réformes allégeant aussi bien le marché du travail que les finances publiques. Ce chantier, dans l'intérêt de la nation et du peuple, ressemble fort à ce que les bons esprits présentent pour "humiliation", "ultra-libéralisme" voire, plus diabolique encore : "mondialisation néo-libérale".

On peut plutôt faire confiance aux gauchistes grecs pour échouer.

Ils ont réussi à tromper leur monde en présentant le visage, parfois souriant, faussement sympathique, de leur jeune chef. Déjà la démarche provocatrice du nouveau ministre des Finances fait mieux comprendre à qui on a affaire. Bientôt on reparlera de ce que représente l'insubmersible Manolis Glezos qui, certes en 1941, arracha le drapeau à Croix gammée de l'Acropole, bel exploit, mais qui, depuis n'a cessé d'incarner la cause communiste. Doyen de l'assemblée à l'âge de 92 ans il imagine rallumer un antagonisme intra-européen prolongeant les affrontements haineux de la guerre civile : ses premiers grognements ont porté contre l'élection du président de la république, trop unanimiste à ses yeux. 30 ans après la mort de son ami Enver Hodja il maintiendra donc jusqu’au bout, sous la casaque de Syriza, le flambeau destructeur du stalinisme dans les Balkans.

JG Malliarakis

Apostilles

  1.  cf. l'article "Jean-Luc Mélenchon à l’Élysée pour soutenir la Grèce" in Le Monde en ligne le 17 février.
  2.  Quand j'étais jeune je pensais qu'elle était dirigée par des sots. Je sais désormais que la plupart de ses maîtres sont des crapules ou des traîtres à la remorque des puissances étrangères.
  3.  Originaire de Théssalonique, aucune parenté avec l'homme d'État crétois Elefthéros Venizelos (1864-1936).
  4.  Y compris dans leur apparence "nationaliste". N'oublions pas qu'en 1981 le slogan du PASOK était "la Grèce aux Grecs".

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