On a connu en France, avec Daladier, le "taureau du Vaucluse", les taureaux à cornes d'escargot. Plus tard avec Gaston Defferre, on entendit le grand air "retenez-moi ou je fais un malheur", et on les a beaucoup retenus ces socialistes à tout casser.
Aujourd'hui, et surtout depuis 2012, on nous avait bassinés du mot "réforme". On ne le fait même plus au nom de la France, éternelle comme il se doit, mais au nom d'une Europe, en disant prudemment celle-ci "en construction" comme Céline disait de Dieu qu'il est "en réparation".
Comme nous le constations, en effet, dans notre chronique du 21 février (1)⇓, la négociation qui se déroule au grand jour avec l'État grec, fonctionne dans des termes équivalents, quoique sur un mode moins dramatique pour le moment, en direction des autorités hexagonales : ce n'est pas "pétrole contre nourriture", c'est "maintien dans l'euro contre réformes".
On continue d'ailleurs de réduire de la sorte l'Europe à son billet de banque. Ainsi donc, plus de 20 ans après la signature des accords de Maastricht, devenus traités, puis confirmés par le pacte d'Amsterdam de 1997, renforcés par le mécanisme européen de stabilité, l'illusoire comédie de la convergence à 3 % de déficit continue.
L'indispensable objectif européen en sort en lambeau. Les politiciens n'en ont cure. Les pires démagogues s'en emparent qui proposent des remèdes pires que le mal. L'expérience techno-monétaire, à laquelle on pouvait croire tant qu'elle ne s'était pas développée, a eu beau décevoir, sinon même avoir prouvé sa contre-productivité, on ne rectifie pas le tir. Impossible. Nos technocrates et nos sociaux-démocrates ne se trompent jamais. Interdit de rire. Interdit de pleurer.
Or, ces jours-ci ont été discrètement marqués par un nouveau tournant lexical mensonger. Il est apparu avec des déclarations ambiguës savamment distillées dans la presse et prêtées au chef du gouvernement.
Les "réformes" piétinent ? On prétend donc maintenant aller au-delà des "réformes".
Car de quel enfumage s'agit-il en effet quand nous entendons dire que celui-ci souhaiterait désormais l'instauration d'un "nouvel ordre social"?
Cette expression ne semble pas avoir été prononcée par lui, mais elle aura circulé dans la presse sur la base de sources anonymes :
Le 22 février le Journal du dimanche imprime : "Le Premier ministre recevra à Matignon le patronat et les syndicats pour lancer une "loi travail", prochain texte de réforme du gouvernement dans le champ social. L'exécutif reprend la main dans un dossier où les partenaires sociaux ont échoué à s'entendre en janvier. Il fera des "annonces précises", indique son entourage." L'idée de Matignon : avancer vers "un nouvel ordre social", selon l'expression utilisée dans l'entourage de Manuel Valls." Mais on ne nous dit pas qui prononce tout cela dans cet "entourage".
Même imprécision dans le Figaro qui titre : "Manuel Valls en faveur d'un nouvel ordre social." Mais le journal préféré de la droite ne fournit, lui non plus, aucune référence d'une déclaration du Premier ministre dans ce sens.
Dans Les Échos en ligne le 22 : "le ministre de l’Économie met en avant le projet de loi sur le dialogue social dont les grandes lignes doivent être dévoilées mercredi, la création de la 'prime d’activité', en lieu et place de la PPE et du RSA activité, et les nouvelles étapes de la simplification administrative. Un 'nouvel ordre social', selon les termes de Matignon." Encore une citation invérifiable. Et personne ne saura jamais qui est ce "Matignon" !
Il va donc avoir fort à faire, ce Premier ministre si, véritablement, il prétend instaurer en France un "nouvel ordre social", pas moinsse, autant dire "un ordre nouveau", et s'il compte l'instituer par l'entremise du parti socialiste, fût-il adossé à ses indispensables et tellement insignifiants alliés les radicaux de gauche.
C'est au pied du mur, dit la sagesse des nations, que l'on voit le maçon, qu'il soit franc ou qu'il ne le soit pas.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. "Les deux faces du gauchisme grec" in L'Insolent du 21 février.⇑