Un troisième texte de notre rubrique « Souvenez-vous de nos doctrines » est à retrouver aujourd’hui, de Charles Maurras cette fois…
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En tant qu’il gouverne, l’État doit laisser les compagnies et les corps s’administrer sous son contrôle par leurs délégations et représentations. En tant qu’il légifère, il doit consulter à tout propos et aussi souvent que possible ces délégations compétentes. Tout manquement fait par l’État à cette double règle est une faute qu’il commet contre lui-même. Il se charge, il se lie, il se diminue croyant s’agrandir et les citoyens dont il pense faire le bonheur en sont liés, changés et diminués avec lui.
En fait, nous sommes plus libéraux que les libéraux de doctrine. Nous sommes plus autoritaires que les autoritaires de profession. Et cela, sans nous contredire, en exposant notre pensée sous son double aspect naturel.
De nos deux séries de remarques au sujet de l’État, contre l’État et pour l’État, se dégagent deux conclusions assez directes :
I/- Il faut tendre à éliminer de la vie populaire tout élément démocratique, parlementaire et républicain de l’État politique d’un grand pays. Cet État politique doit être indépendant. Il y a des questions proprement régaliennes : le chef de l’État politique y doit être souverain.
II/- Il faut tendre à éliminer de la vie populaire l’élément État. Il faut constituer, organiser la France ou plutôt la laisser se constituer et s’organiser en une multitude de petits groupements naturels, autonomes, véritables républiques locales, professionnelles, morales ou religieuses, d’ailleurs compénétrées les unes par les autres et se gouvernant par leurs libres délibérations. Le parlementarisme expulsé de l’État central, maître de la diplomatie, des armées de terre et de mer, de la haute police, de la haute justice, pourvoie à ces fonctions d’intérêt général.
Qui ne voit que ces deux questions, très connexes, s’appellent mais se subordonnent. Il existe en France une vigoureuse tendance à former de ces petites républiques, vraiment autonomes et fortes : jamais un État électif, jamais un État faible, jamais un État parlementaire démocratique et républicain ne laissera se composer des centres de forces si redoutables pour lui et, s’il a la distraction de les laisser se former, ou bien leur répression vigoureuse s’imposera (souvenons-nous de la Gironde !) ou bien ils lui échapperont, ce sera la pure anarchie. Il faut un État politique très puissant, tant pour constituer que pour maintenir et protéger les républiques, mais si cet État très puissant se constitue, en bon français si la monarchie se fait, l’intérêt du prince soucieux de réserver l’indépendance et l’intégrité nécessaires de son pouvoir politique sera de seconder de toutes ses forces cette renaissance des républiques médiévales. En laissant prendre à celles-ci les pouvoirs et les libertés de leur compétence, il garantira les pouvoirs et les autorités qui n’appartiennent qu’à lui.
https://www.actionfrancaise.net/2025/08/16/pour-letat-et-contre-letat/