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Alain de Benoist. « Le FN aurait tout intérêt à abandonner ses positions jacobines »

En cette période d’entre-deux tours électoraux, nous avons voulu faire un tour d’horizon de l’actualité avec l’écrivain, essayiste, politologue et philosophe Alain de Benoist, principal théoricien de la Nouvelle Droite dans les années 70, dont l’immense bibliographie n’a d’égal que la méconnaissance que Manuel Valls, Premier ministre, y porte, comme en témoigne son récent accrochage avec Michel Onfray. 
 
Breizh-info.com : Que vous inspirent les résultats du premier tour des élections départementales en France ? 
Alain de Benoist : Il n’y a pas beaucoup de choses à dire. Le PS limite la casse, mais reste le grand perdant du scrutin (il est éliminé dans plus de 500 cantons et a d’ores et déjà perdu plusieurs de ses bastions historiques). L’UMP et ses alliés obtiennent de bons résultats, qui vont se confirmer au second tour. Le FN n’atteint pas les 30 % dont le créditaient les sondages, mais n’en réalise pas moins, avec plus de 25 % des suffrages, un score sans précédent, supérieur de 11 points aux cantonales de 2011. Il confirme son implantation locale, arrive en tête dans 43 départements (sur 102) et se qualifie pour le second tour dans plus de la moitié des cantons. Qu’il soit désormais le premier parti de France, ou seulement le second, n’a qu’un intérêt secondaire. 
 
Le fait important est que ce scrutin confirme la disparition du bipartisme au profit du tripartisme. C’est un fait essentiel, notamment dans la perspective de l’élection présidentielle. Jusqu’à présent, les deux grands partis de la classe dirigeante étaient assurés de se retrouver et de s’affronter au second tour. Ce n’est plus le cas. Si Marine Le Pen accède au second tour, l’un des deux autres n’y sera pas. Il leur faut donc modifier complètement leur tactique. 
 
J’ajouterai que le tripartisme actuel pourrait bien à terme céder la place à un autre. L’UMP englobe aujourd’hui deux partis différents : un parti centriste libéral et un parti souverainiste. Même situation au PS, où l’on retrouve également un parti centriste libéral, associé à un parti social-démocrate. Il ne me paraît impossible que les deux partis centristes libéraux finissent à terme par fusionner, tandis les souverainistes de l’UMP rejoindraient le FN, les sociaux-démocrates du PS s’agrégeant de leur côté à un nouveau bloc « de gauche ». On y gagnerait en logique et en clarté. 
 
Breizh-info.com : La stratégie de dédiabolisation entamée par le FN était-t-elle finalement utile ? En Bretagne, le parti cherche à s’implanter durablement avec pourtant un discours très centralisateur, très jacobin . N’est-ce pas voué à l’échec dans une terre aussi résistante au centralisme ? 
Alain de Benoist : L’époque de la diabolisation du FN est terminée. Personne n’y croit plus. C’est l’une des raisons pour lesquelles le parti de Marine Le Pen commence à s’enraciner dans des régions qui lui étaient auparavant plutôt inhospitalières. 
Cela vaut aussi pour la Bretagne, comme en témoigne l’exemple des Côtes-d’Armor. Je ne doute pas de l’hostilité des Bretons au centralisme, mais je ne suis pas sûr qu’aujourd’hui cette préoccupation l’emporte chez eux sur celles qui sont liées à l’immigration et au chômage. 
 
Cela dit, je suis de ceux qui trouvent détestables les positions jacobines, « nationales-républicaines » et « anti-communautaristes » du Front national. 
 
Le FN aurait à mon avis tout intérêt à les abandonner, mais il ne faut pas se faire d’illusions : le régionalisme n’est pas dans son logiciel. 
 
Breizh-info.com : Comment voyez-vous l’évolution de la France dans les années à venir ? 
Alain de Benoist : Je ne fais pas profession de lire l’avenir. La France est aujourd’hui un pays fatigué, démoralisé, comme vidé de son énergie. Les gens ne font confiance à personne et doutent de tout. Crise morale, dissolution des repères, disparition des liens qui libèrent, extinction des grandes passions collectives – on vit dans la misère spirituelle et matérielle, affective et sociale, mais sous l’horizon de la fatalité. 
 
Éclatent parfois des colères, mais qui ne durent pas et ne n’assortissent d’aucun véritable projet politique ou idéologique. J’ai eu l’occasion d’écrire récemment qu’il n’y a de perspective révolutionnaire que lorsqu’une reconstruction idéologique radicale rencontre un mouvement social réel. Il me semble qu’on en est encore loin. Tout ce que l’on peut constater, c’est la désagrégation progressive de tous les cadres institutionnels que nous a légués la modernité. 
 
Comme nous vivons à l’heure actuelle dans une ère de transition, l’histoire reste plus que jamais ouverte. Mon sentiment est que les choses ne bougeront vraiment en France que sous l’effet d’événement graves qui se dérouleront à une échelle bien supérieure à celle du cadre national. Et que ces événements seront d’une nature très différente que ce dont on parle aujourd’hui le plus. 
 
Breizh-info.com : L’acharnement de Manuel Valls contre une partie du peuple Français est-il le syndrôme d’une disparition programmée du PS ? Ou bien du basculement vers un totalitarisme de moins en moins caché ? 
Alain de Benoist : N’exagérons rien. A moins qu’il ne soit atteint de façon précoce d’une maladie neurologique, Manuel Valls s’agite dans le vide. En multipliant les coups de menton mussoliniens sur fond de gestuelle empruntée à Louis de Funès, il se rend tout simplement ridicule. Sa seule préoccupation, c’est d’être candidat à la présidentielle de 2017, de faire en sorte que le PS accède au second tour et, quoi qu’il en dise, que le FN y soit aussi. 
 
Breizh-info.com : Le mot « république » est omniprésent, dans tous les partis politiques. Qu’est-ce-que la République Française et ses fondements ? La démocratie ne doit-t-elle pas triompher de la République ? 
Alain de Benoist : Si le mot « république » est omniprésent, c’est qu’il ne veut plus rien dire. La classe dirigeante nous rebat les oreilles à propos des « valeurs républicaines », mais il n’y a pas de valeurs républicaines, il n’y a que des principes républicains. Encore faudrait-il préciser de quelle République on se réclame. De la Ière, celle de la loi des suspects, de la Terreur et du génocide vendéen ? De la IIIe, celle de la colonisation des « races inférieures » patronnée par Jules Ferry et les tenants de l’idéologie du progrès ? De la IVe, restée célèbre par son instabilité ? 
 
Je trouve pour ma part révélateur que la classe dirigeante préfère évoquer des « valeurs républicaines » plutôt que les valeurs démocratiques. Les premières renvoient principalement à l’État, tandis que les secondes privilégient le peuple (souveraineté étatique et souveraineté populaire ne sont pas la même chose). 
 
Or, le fossé séparant les peuples des élites mondialisées ne cesse de se creuser. Le peuple rejette spontanément les mots d’ordre de la Nouvelle Classe. La Nouvelle Classe se méfie du peuple, qui pense mal et ne vote jamais comme on lui dit de le faire. D’où les critiques contre le « populisme », manière élégante d’avouer qu’on méprise le peuple et qu’on aspire par-dessus tout à gouverner sans lui.
 

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