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Ukraine : une guerre mondialisée

Depuis l'entrée en vigueur du protocole de Minsk, le 5 septembre dernier, protocole censé organiser le cessez-le-feu en Ukraine, celui-ci a été violé à diverses reprises. Fin janvier, les combats ont cependant redoublé d'intensité. Une situation qui n'étonne apparemment personne : Minsk ne fut qu'un chiffon de papier, une décision d'ordre humanitaire, ne réglant - et ne voulant régler... - ni les questions de droit, ni les questions politiques. Comme si ce conflit n'était qu'un pion sur un échiquier plus vaste.

Du redoublement des combats, ces derniers jours, ces dernières semaines, en Ukraine, Moscou et Kiev se rejettent la responsabilité. « La lumière au bout du tunnel » entrevue à l'automne ne s'est pourtant pas éteinte; mais elle éclaire d'un jour différent la situation, selon qu'on l'observe d'un bout du monde ou de l'autre. La réalité, de fait, veut que la paix proposée il y a cinq mois n'en était pas une - tout juste une parenthèse humanitaire qui ne celait pas le fait que l'opposition demeurait entière. Tant en ce qui concerne la question immédiate de l'indépendance des régions pro-russes de l'Ukraine que de la toile de fond qui oppose chaque jour davantage, sur le plan politique, la Russie de Vladimir Poutine aux Occidentaux.

Le droit pour la guerre

Ceux-ci ont immédiatement brandi sous le nez de Moscou la menace de nouvelles sanctions, sans vouloir admettre que cette stratégie, largement dictée par les Etats-Unis, ne pouvait avoir l'effet escompté. Bien au contraire ! En étranglant davantage encore Vladimir Poutine, ce chantage, « absolument destructeur » selon le Kremlin, ne peut le pousser que davantage dans ses retranchements. Surtout que, de part et d'autre, on parle de bon droit - fort éloigné, au demeurant, de celui des Ukrainiens. Un argument qui, comme l'observait Péguy il y a plus d'un siècle, n'est pas générateur de paix, mais bien de guerre...

C'est la seule évidence de ce conflit : sur le terrain, le sang coule ! Que ce soit à Marioupol, que ce soit à Donetsk, les civils - les civils d'abord - paient le tribut du sang. Les morts s'ajoutent aux morts sans qu'on puisse arrêter un chiffre, avec une espèce de rage systématique. Sans surtout savoir pourquoi ils meurent...

Une raison anonyme de mourir...

Ni même par qui ils meurent. Car, de part et d'autre, on se renvoie la responsabilité du massacre. L'état-major de l'armée ukrainienne accuse bien sûr les « rebelles », assurant que ceux-ci ne veulent pas la paix : « Ils exécutent les ordre du Kremlin pour une escalade de la situation dans le Donbass. » Le secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense, Olexandre Tourtchnov, va plus loin en accusant Vladimir Poutine d'être personnellement responsable du drame qui se joue en Ukraine. En face, les combattants pro-russes nient avoir ouvert le feu sur Marioupol, ou dans la région. Du moins à ce moment-là. Et même les autorités de Marioupol semblent impuissantes à nommer l'ennemi qui les frappe.

Cette confusion des responsabilités ne signifie nullement que les adversaires cherchent la paix. Le président de la République populaire autoproclamée de Donetsk, Alexandre Zakhartchenko, l'a clairement affirmé en rejetant l'idée d'une trêve, et en promettant, au contraire, de lancer une offensive dans toute la région pour en chasser son adversaire. Le droit contre la paix encore !

Moscou se réfugie aussi derrière le droit, celui des Ukrainiens pro-russes, pour dénier toute responsabilité dans cette escalade. Pour autant, la Russie n'entend pas, aujourd'hui plus qu'hier, céder à la pression occidentale.

D'une hégémonie l'autre

On ne peut rien comprendre, en fait, à la situation en demeurant au niveau local de l'Ukraine. Les antagonismes vont bien au-delà. L'Amérique dénonce clairement, par la voix de son ambassadeur aux Nations unies, Samantha Power, une volonté hégémonique de la Russie: « (...) l'objectif final de la Russie reste le même : accaparer davantage de territoires, et déplacer la ligne des territoires qu'elle contrôle de plus en plus loin dans le territoire ukrainien. »

Une question de droit encore, qui justifie toutes les extrémités. Le président polonais Bronislaw Komorowski n'a pas hésité à le dire : « La riposte du monde occidental doit être très ferme. »

Sans hésiter, la Russie renvoie la balle. Son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, accuse : « Nous observons des tentatives visant à faire dérailler le processus de paix, et des tentatives menées encore et encore par la direction de Kiev pour résoudre le problème par un recours à la force. »

Un conflit mondialisé

Tout cela signifie clairement que le conflit s'est internationalisé. Sinon sur le terrain, du moins en droit. Le pape François n'a pas hésité à le dire à plusieurs reprises ces derniers mois en évoquant « une troisième guerre mondiale par morceaux ». Vladimir Poutine ne dit pas autre chose lorsqu'il dénonce l'existence d'une « légion étrangère de l'OTAN » engagée aux côtés de l'armée ukrainienne. En deux mots, le président russe souligne les raisons américaines d'aller au clash : l'Ukraine est, à l'est, le dernier point où s'exerce l'influence des Etats-Unis, le dernier où ils défendent leurs « valeurs ».

Dans ce conflit généralisé, les questions du gaz ou du pétrole ne sont que des épiphénomènes. Chaque bloc en présence semble convaincu qu'il ne peut vivre, ni même survivre, sous les ambitions, les revendications de son adversaire. C'est la seule raison sans doute pour laquelle Vladimir Poutine, à la limite de l'asphyxie économique, ne peut accepter, comme l'y engage Bruxelles, de condamner les agissements des « rebelles » pro-russes. Les questions nationales, en l'affaire, et pour estimables qu'elles soient par ailleurs, ne sont qu'un paravent...

 

Olivier Figueras monde & vie 4 février 2015 

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