Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Réflexions sur le Système républicain

Deux amis discutent ici en toute sincérité de république et de démocratie. Leur discussion méritait d'être consignée, me semble-t-il, parce qu'elle bouleverse quelques idées reçues.

Dans Lutte Ouvrière n° 1894 du 16 novembre 2004, on lit, sous la plume d'une certaine Lucienne Plain, la remarque suivante à propos de la lutte entre Chirac et Sarkozy, concernant deux conceptions différentes le la laïcité : « Quand Chirac et Raffarin présentent aujourd'hui la loi de 1905 comme une « colonne du temple », ils se moquent du monde, leur seule divergence avec Sarkozy [qui, à l’époque, annonce qu'il veut changer la Loi] concerne la question de savoir qui sera le "pape" de la majorité ». Le pape de la France, le responsable spirituel incontesté... Dans ce cas,on le sait, « Paris vaut toujours une messe ». Le Pouvoir n'a pas d'odeur.

Cette remarque de ladite Lucienne Plain est intéressante car elle présente l'une des deux approches critiques de la laïcité en France, celle sur laquelle je voudrais insister et que j'appellerais sans plus de chichi, la laïcité de l'assiette au beurre. Imaginons une petite discussion. Un lecteur de Monde et Vie, qui a bien travaillé la question de la République laïque, s'adresse à l'un de ses amis, républicain bon teint, dont le père est au Conseil d'Etat et le grand-père était député en Limousin.

Petite discussion entre amis

Notre lecteur de Monde et Vie attaque fort. Il a fait les Mines et il est fier de se dire scientifique. Il croit à la logique...

C'est au nom de la laïcité que l'Etat républicain, qui d'après l'article 2 de la loi de 1905, « ne reconnaît, ne subventionne et ne salarie aucun culte », subventionne pourtant un peu partout en France la construction des Mosquées. Cette contradiction est scandaleuse !

Le camarade consensuel et républicain réplique vertement

Realpolitik oblige ! Si l'Etat et les collectivités locales subventionnent la construction de nouvelles mosquées partout en France, c'est pour construire un islam de France aux couleurs de la République et pour éviter que les salafistes issus des pétromonarchies ne subventionnent eux-mêmes des mosquées dont ils contrôleraient les imams... et qui deviendraient à terme autant de foyers antirépublicain !

Sans doute, répondra le lecteur de Monde et vie, mais il y a bien là une dérogation au principe républicain le plus sacré et personne ne trouve à y redire... Tout le monde s'en f...

Et alors... De toute façon, toi, le catholique, qu'est-ce que tu peux comprendre à la République ? Y a-t-il vraiment des principes républicains ? Le premier principe de la République, c'est qu'il n'y a pas de principe, ou plutôt, comme le disait déjà Jean-Jacques Rousseau notre père fondateur, la loi fondamentale, c'est qu'il n'y a pas de loi fondamentale. Dans la Monarchie chrétienne de droit divin, le roi était encombré par des lois au-dessus de lui qu'on appelait les lois fondamentales justement, les lois de succession dynastique, mais aussi la loi de catholicité et la loi morale. Nous avons changé tout cela ! La règle d'or en République, c'est : pas de règle d'or. Voilà pourquoi elle est aussi forte: c'est qu'elle est toujours prête à tout Tiens ! Encore un exemple : nous disons qu'elle est indivisible, mais quand il faut lâcher trois départements français en Algérie, il n'y a pas de problème : on est tous pour la division ! Et ce sont ceux qui militent bêtement pour la République indivisible, ce sont ceux qui ont crié « l'Algérie, c'est la France », ceux qui comme Jacques Soustelle, militaient pour le droit de vote des Algériens, ce sont ceux-là qui ont été déclarés anti-républicains et marginalisés par le Système. C'était juste des humanistes. Ils n'avaient rien compris. Regarde Ségolène Royal, tu la trouves Bécassine peut-être ? Mais tu as tort. Elle elle a tout de suite compris : l'essentiel c'est que l’on soit tous ensemble. Comme le 11 janvier. La République c'est : tous ensemble.

Je vois la puissance de cette construction politique, mais il y a une chose que je n'ai pas comprise, c'est que moi en tant que catholique, dis-tu, je ne puisse rien comprendre à la République. Les catholiques sont démocrates ! Saint Thomas d'Aquin était démocrate. Les ordres religieux sont de véritables démocraties depuis des siècles. Le pape lui-même a toujours été élu. Et puis nous sommes pour la liberté des personnes : « L'homme, par nature, n'est pas soumis à autrui » écrit justement Thomas d'Aquin dans la Somme théologique. Si on est démocrate, si on est pour la liberté des personnes, il me semble qu'on est républicain !

Il te semble, mais excuse-moi de te parler franchement, tu n'as rien compris ! La République, c'est bien plus grand que la démocratie. Souviens-toi de Jean-Jacques. Il écrit le Contrat social en 1763, en pleine monarchie. Il n'utilise jamais le mot de « démocratie ». Il parle toujours de « république ». Pour lui, la Monarchie française pouvait devenir une République. Il aurait suffi pour cela que le roi reconnaisse la toute-puissance de la nation, comme n'importe quel patriote. Napoléon lui l'a bien compris. L'Empire (avec sacre à Notre-Dame de Paris par le pape et tout le tintouin), c'est la plus efficace des Républiques. En matière de laïcité d'ailleurs, Napoléon le Corse et Nicolas le Hongrois se ressemblent : ils pensent qu'il faut impliquer l'Eglise. Nicolas a été fait chanoine au Latran, comme Napoléon a reçu sa couronne à Notre-Dame. Tout ça, c'est du décorum ! L'essentiel c'est que l'autorité soit représentative de l'unanimité des citoyens et que rien ni personne ne puisse se mettre en son travers.

J'ai compris : c'est parce que tu es républicain, dans la mesure où tu es républicain que tu ne peux pas être démocrate. Et c'est parce que je suis démocrate que je n'aime pas ton système républicain.

 

Abbé G. de Tanoüarn monde & vie. 10 juin 2015 

Les commentaires sont fermés.