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L’effacement des armées de masse va de pair avec l’affirmation du guerrier irrégulier

Si l’on considère que la période actuelle est principalement caractérisée par la notion de chaos, par l’absence de vue d’ensemble satisfaisante ainsi que la très grande difficulté, voire l’impossibilité d’en dégager a priori une explication plausible, si l’on considère en outre que, les raisons de mourir ont disparu dans les tranchées de Verdun et les rizières du Mékong, alors il devient évident que la définition d’une « cause » pour laquelle se battre est un enjeu majeur de l’art de la guerre au nouveau Moyen Age. 
     En ce sens, l’effacement des grandes croyances collectives (l’idéal national entre autres) va de pair avec celui des armées de masse, de la nation en armes. A l’inverse, on constate l’affirmation du guerrier irrégulier, celui qui se bat en petites troupes et pour une cause qui lui est propre. On assiste en effet à un surprenant renversement du rapport de force : là où la masse représentait l’élément décisif succède la loi des petits nombres, le primat des forces matérielles cède le pas à celui des forces morales et du capital guerrier. C’est dorénavant l’initiative individuelle qui « fait la différence » – celle du partisan, du guérillero, du freedom fighter, du fedayin, du phalangiste, du moudjahidin, voire du contractor ou du shadow warrior des forces spéciales. Le combattant individuel, avec sa motivation et sa cause, domine le champ de bataille depuis la fin du 20ème siècle, au point qu’il devient possible de parler d’un retour de l’initiative individuelle à l’échelon non plus seulement tactique mais stratégique. Comment cela s’explique-t-elle puisque, paradoxalement, la recomposition de l’Etat moderne conduisait notamment à un affaiblissement de la citoyenneté ? Le retour de l’initiative individuelle ne s’inscrit cependant pas dans une logique de citoyenneté, mais dans une logique de « cause », celle nécessaire pour se battre. La notion de combattant individuel telle qu’entendue ici, ne se réfère pas nécessairement à un soldat d’élite, virtuose de toutes les techniques de combat ; elle renvoie essentiellement à deux caractéristiques – le combattant individuel sait pourquoi il se bat et connaît ses chances de succès. 
     Autrement dit, contrairement au soldat d’une armée régulière qui « réclame l’État sans plus le trouver », le combattant individuel considéré ici est un homme libre : il ne dépend pas d’une hiérarchie politique qui lui dicte son devoir et les raisons de son combat. En quelque sorte, c’est un « rebelle » au sens défini par Ernst Jünger. En lui, on retrouve également les traits du « partisan » schmittien ; celui qui se bat pour une cause que l’Etat n’est plus en mesure de lui donner. 

Bernard Wicht, Europe Mad Max demain ?

http://www.oragesdacier.info/

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