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Immigration dossier européen

Chose assez stupéfiante : on sera, pour une fois, presque d'accord avec le Premier ministre gauchiste grec M. Alexis Tsipras. Mais avant d'en arriver à la description des circonstances de cette convergence inattendue, et certainement éphémère, il semble utile de faire le point sur les épisodes précédents.

Le premier homme politique qui, en Europe, s'identifia au lancement de l'alerte sur les conséquences prévisibles d'une immigration incontrôlée s'appelait Enoch Powell. Le 20 avril 1968, devant une réunion régionale du parti conservateur il prononce un discours célèbre pour fustiger la législation que mettent alors en place les travaillistes au pouvoir. Ce discours de Birmingham est resté dans les mémoires en référence à la citation : "Si je regarde vers l'avenir, je suis empli de sombres présages ; tel le poète romain, il me semble voir le Tibre écumer d'un sang abondant."

La gauche dénonça bien entendu ce qu'elle appela le "discours des fleuves de sang". Et le parti travailliste mit en place sa législation, catastrophique pour le Royaume Uni, qui, à l'époque, n'appartenait même pas au marché commun. (1)⇓

Dès lors, ce ne fut pas seulement la gauche, ce fut toute la classe politique et médiatique de Londres qui rejeta l'imprécateur Powell et ses mises en garde, recrachées comme le caillou dans l'omelette.

Alors qu'un sondage Gallup réalisé fin avril 1968 montrait que 74 % de la population britannique était d'accord avec lui, Enoch Powell dut en effet démissionner des instances de son propre parti, et notamment du cabinet fantôme.

Dans son livre "Une révolution sous nos yeux" (2)⇓, Christopher Caldwell souligne pourtant que les prédictions chiffrées de Powell se sont pratiquement presque toutes réalisées.

La mise à l'écart d'Enoch Powell, qui se reconvertit en tant que chantre de l'unionisme anglo-irlandais, ouvrit alors la porte, pour quelques années à l'essor du National Front. Ce mouvement beaucoup plus extrémiste connut son apogée entre 1973 et 1976. À partir de 1979, le gouvernement Thatcher, sans pour autant résoudre vraiment la question migratoire, mit au moins un terme à certains excès, tel le libre accès illimité accordé aux ressortissants du Commonwealth. (3)⇓

L'apparente rémission du problème en Angleterre, assortie des concessions incroyables faites aux islamistes à l'époque de ce qu'on appelait le "Londonistan" (4)⇓, contemporaine du redressement économique du pays, ont entraîné, depuis 30 ans, l'illusion que la prospérité constituait une réponse aux dangers d'invasion : on serait tenté de dire, au contraire, que les candidats à l'invasion du Bengladesh demeurent peu nombreux.

Parallèlement, et avec plus ou moins de retard sur Enoch Powell, des réactions analogues se sont développées à peu près sur le même modèle, dans toute l'Europe, avec les mêmes phases : affirmation autour d'un homme, osant dire tout haut ce que les 3/4 de ses compatriotes pensent tout bas, rejet par la classe politique, toujours au départ sur la pression de la gauche, tétanisation et division de la droite, apparition de réactions extrêmes, parfois même odieuses dans certains pays, par ex. en Norvège, mobilisation des prétendues forces morales et, finalement, capitulation idéologique de la société.

À l'arrivée ce renoncement à tout droit prioritaire du régnicole est devenu une sorte de règle politiquement correcte. Le Conseil constitutionnel en France, sous la présidence du chiraquien Jean-Louis Debré, ou Mme Merkel en Allemagne, d'étiquette démocrate-chrétienne mais qui proclame que l'islam fait partie de l'identité allemande, ne cessent de le rappeler.

Dominante dans les grands pays d'Europe de l'ouest cette forme d'autoflagellation s'est instituée sans trop de résistance règle morale au sein des instances communautaires qui parlent du destin du continent avec à peu près autant de pertinence que M. Hollande s'exprime au nom de son pays.

Les raisons de cette attitude, qui va jusqu'à la persécution de quiconque la critique, ne sauraient être exclusivement portées au débit du ramollissement cérébral.

Le dogme de la retraite dite par répartition, par exemple, amène les dirigeants du système à affirmer, contre toute évidence, que les immigrés sauveront les pensions de vieillesse, pour lesquelles on impose aux travailleurs salariés du privé ou indépendants, des prélèvements énormes sans aucune garantie pour l'avenir.

C'est donc devenu désormais une sorte de diktat mondial : l'Europe doit, et elle seule subit cette contrainte, présentée pour un impératif moral, accueillir la misère du monde. Pourquoi les pays musulmans n'accueillent-ils pas leurs "frères" ? Pourquoi la richissime Arabie Saoudite, au lieu de faire la guerre au Yémen, ne fait-elle rien pour les autres Arabes ? etc.

L'affaire de Calais le démontre à nouveau : séparément, l'Angleterre et la France ne résoudront pas le problème.

Alors, oui, on peut donner raison à M. Tsipras qui vient de déclarer que cette question "dépasse" (5)⇓ la Grèce seule, comme elle est en train de submerger tous les pays exposés au flanc sud et à l'est du continent.

Nous nous trouvons tous pris au piège de la convention de 1951 sur les réfugiés et des accords de Schengen négociés en 1985, dans des contextes complètement différents : il faut prendre acte du changement complet de la situation internationale. Il est devenu impératif de revoir ces documents en conséquence, donc de fond en comble.

Il est certes, aujourd'hui, de bon ton de condamner la Hongrie qui construit un mur à sa frontière. Au moins ce pays entreprend-il de répondre, avec les moyens dont il dispose, à un défi dont dépend la survie même de la civilisation européenne.

JG Malliarakis

150704

Apostilles

  1.  Rappelons que cette adhésion ne fut acceptée que par Georges Pompidou, alors que le général De Gaulle s'y était toujours opposé.
  2.  Titre de la traduction française publiée aux Éditions du Toucan en 2011.
  3.  Jusqu'à la clarification du British Nationality Act de 1981, la question juridique était extrêmement complexe. En France, au contraire, une décision de 1982 a facilité la naturalisation des ressortissants des anciennes possessions d'outre-mer.
  4.  Ces concessions ne se sont progressivement réduites, depuis la révélation en 2014, de divers scandales, que sous le gouvernement Cameron lire à ce sujet la Chronique du site Est-et-Ouest du 7 août. 
  5.  Une violente polémique s'est développée à Athènes entre les partis d'opposition et la ministre, manifestement incompétente, chargée du dossier. Nous renvoyons simplement nos lecteurs au petit article de l'agence officieuse Ana : "Le dossier immigration/réfugiés dépasse la Grèce".

http://www.insolent.fr/

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