La réforme territoriale et l’annonce récente de François Hollande de faire ratifier prochainement la Charte européenne des langues régionales et minoritaires par la France a réveillé la vieille opposition entre jacobins et régionalistes. Une opposition parfois viscérale ne laissant guère de place pour le débat constructif. D’un côté on accuse les régionalistes de vouloir détruire la France en la divisant, de l’autre on accuse les jacobins de nier les identités régionales. Dans ce conflit qui n’avance guère, il faut bien reconnaître que les torts sont partagés et que tout cela résulte d’une incompréhension, voire d’une réelle volonté de ne pas chercher à entendre et comprendre les arguments de l’autre.
Les jacobins, défenseurs de la France « une et indivisible », oublient bien souvent que ce pays qu’ils aiment tant n’a été pendant des siècles qu’une assemblée de provinces les plus diverses et variées avec des langues, des cultures et même des lois différentes, mais ayant fait allégeance au même roi. Ils oublient également que derrière les grands principes théoriques de la République jacobine, il y a une réalité parfois très différente sur le terrain, notamment dans les régions périphériques à forte identité. Cette réalité, c’est que les frontières, en France, sont des constructions qui reposent sur des critères politiques et non ethniques et culturels. C’est pour cela que l’on retrouve des peuples coupés en deux par une frontière (Catalans, Basques, Flamands, etc.). De même que certains territoires périphériques sont davantage tournés vers l’extérieur. Ainsi, l’Alsace est centrée vers l’axe rhénan alors que les jeunes de Perpignan vont plutôt chercher du travail à Barcelone qu’à Paris.
Enfin, certains jacobins voient dans le régionalisme l’arme de l’Union européenne et des mondialistes contre les nations. Là encore, la réalité a démontré le contraire. Que ce soit en Catalogne comme en Écosse, Bruxelles a ouvertement apporté son soutien aux gouvernements nationaux de Londres et de Madrid face aux indépendantistes. Enfin, les mondialistes souhaitent l’uniformisation des individus et la disparition des peuples. Ce qui est quand même l’exact contraire de ce que souhaitent les régionalistes qui veulent affirmer leur identité.
Pour autant, ces derniers ont également leur part de responsabilité dans ce conflit entre nation et régions. On ne peut nier que chez certains régionalistes, notamment à gauche, le combat est avant tout un combat indépendantiste contre la France. Or, la France n’est ni l’Espagne ni la Grande-Bretagne. L’État-nation est une réalité charnelle dont les Français sont imprégnés. Réclamer aujourd’hui, en France, l’indépendance d’une région est une erreur car elle se confrontera certes aux jacobins pur jus, mais également à une grande partie de la population, y compris ceux qui sont sensibles aux identités régionales.
Alors, dans cette guerre de position qui ressemble sérieusement à une impasse, le compromis est plus que jamais nécessaire. Aujourd’hui, concevoir la nation et les régions comme des notions opposées est une erreur. Dans une démarche identitaire, nation et régions sont complémentaires pour ne pas dire fusionnelles. D’autant plus que les menaces, notamment démographiques et migratoires, qui pèsent sur la France et plus largement sur le continent européen donnent à ces luttes intestines un caractère très secondaire.
Jordi Vives Boulevard Voltaire :: lien
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