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"Si l’on en croit une lecture rapide du sondage réalisé par l’Ifop pour « Le Figaro », le bénéfice est réel : 14 % des électeurs n’ayant pas voté pour Marine Le Pen à la présidentielle de 2012 seraient prêts à franchir le pas dès lors que Jean-Marie Le Pen serait définitivement exclu du Front national, soit plus de 5 millions de Français ! Belle moisson que rapporterait donc le parricide ! À ce tarif-là, on connaît quantité d’hommes politiques qui seraient prêts à tuer père et mère ! À le regarder plus en détails, c’est en fait moins net. Les 14 % mentionnés sont ceux que l’exclusion de Jean-Marie Le Pen inciterait (au conditionnel) « plutôt » à voter pour le Front national. Seuls 5% répondent que cela les inciterait (toujours au conditionnel) « tout à fait ». On tombe à moins de 2 millions d’électeurs, ce qui reste considérable puisque, en 2012, Marine Le Pen, avec ses 17,90%, avait recueilli les suffrages de 6,4 millions d’électeurs. Elle augmenterait donc quasiment son score d’un tiers en un coup d’un seul ! On attend donc avec impatience le prochain sondage d’intentions de vote sur le premier tour de la présidentielle de 2017, dont Marine Le Pen devrait sortir largement en tête, lancée à vive allure vers le score de De Gaulle en 1965 (près de 45%) !
Cela ne se passera évidemment pas comme ça. Le même sondage de l’Ifop révèle que l’exclusion de Jean-Marie Le Pen est désapprouvée par 22 % des électeurs se disant proches du FN et c’est tout aussi inquiétant que la première lecture paraissait encourageante. Cela pose même un problème qui ressemble à la quadrature du cercle : comment rassurer, pour ne pas dire remobiliser, ces électeurs qui étaient, avant l’exclusion, tout acquis au vote frontiste et commencent à se poser des questions, sans décourager ceux qui seraient prêts à glisser pour la première fois dans l’urne un bulletin FN ? Autrement dit : hier, Marine Le Pen devait se démarquer des « dérapages» de Le Pen pour gagner en influence, aujourd’hui elle doit rassurer ceux qui n’ont pas apprécié son éviction, soit qu’ils partagent le fonds des propos reprochés au cofondateur de Front national ou n’en sont pas particulièrement offusqués – n’oublions pas que Jean-Marie Le Pen avait obtenu 4,3 millions de voix à la présidentielle de 1988, qui avait eu lieu sept mois seulement après l’affaire du « détail », intervenue sur RTL le 13 septembre 1987 –, soit qu’entre Le Pen et Philippot, ils préfèrent encore « le Vieux », soit qu’ils aient été révoltés par la forme prise pour procéder à cette mise à mort politique.
La question de la mise à l’écart de Jean-Marie Le Pen est ancienne (...) elle est arrivée en force dans le débat politique interne à la « droite nationale » dans le courant des années 1990, pour culminer avec la « scission mégrétiste » de 1998 – qui s’est soldée, déjà, par la victoire de Le Pen devant les tribunaux, confirmée par l’échec électoral des mégrétistes.La différence avec la situation présente est que ceux qui voulaient alors se débarrasser de Le Pen – auquel ils reprochaient, entre autres, ses fameux « dérapages » – étaient issus de la même famille politique que lui. À certains égards, certains pouvaient même être considérés comme étant plus à droite que Le Pen. En tout cas, ils n’auraient pas été choqués si Le Pen avait défendu « le monde blanc » (...) et il ne serait venu à l’idée d’aucun d’entre eux de le lui reprocher (...).
Cette fois, le supposé antisémitisme de Le Pen n’est plus le déterminant de l’offensive menée contre lui : c’est toute la ligne politique qu’il incarne qui est contestée, et cela au profit d’une autre ligne politique, dont ni les adhérents du Front national, ni les instances dirigeantes du parti n’ont jamais eu à débattre, et qui est portée par un homme qui, lui, n’est pas issu de la même famille politique, Florian Philippot, lequel avait même affirmé fièrement qu’il n’avait jamais voté pour Jean-Marie Le Pen. Le débat est aussi obscurci en se réduisant publiquement à une opposition entre Jean-Marie Le Pen et Florian Philippot qui, pour des raisons différentes, ne représentent ni l’un ni l’autre l’actuelle aspiration majoritaire au sein du Front national, ni chez la majorité de ses sympathisants, ni chez ceux qui ne demandent qu’à le devenir dans une société qui se droitise et auxquels l’actualité apporte chaque jour de nouvelles raisons de le faire. La réduction du choix politique à ces deux visions du monde qui s’opposent bien plus qu’elles ne se complètent et dont Marine Le Pen ne peut offrir une synthèse, impossible à trouver, occulte la demande principale de l’électorat frontiste, actuel ou potentiel, c’est-à-dire de cet électorat qui peut constituer une majorité au deuxième tour de la présidentielle de 2017, celle d’une véritable politique de droite, ferme mais dépourvue d’excès (...)
Une fois de plus, Jean-Marie Le Pen va contester cette décision devant la justice. Avec de fortes chances de l’emporter. Il ne s’agit là que d’une affaire interne à une association loi de 1901, l’association Front national. Il ne s’agit pas de droit international. Ni de droit communautaire. Pour la renégociation des traités internationaux ou pour la sortie de l’euro, ce n’est pas gagné…"