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Le "Cosmos" païen de Michel Onfray

« se remettre au centre de soi pour y trouver la puissance d’exister afin de la sublimer »

Avec le premier tome d’une trilogie intitulée « Brève encyclopédie du monde », le dernier livre de Michel Onfray « Cosmos » invite le lecteur à une célébration de l’univers particulièrement érudite et sensible.

Débutant son texte à partir de la mort de son père, décédé en 2009 à Argentan, Michel Onfray développe une pensée, qui au fur et à mesure des pages s’élargit, afin de nous proposer une sagesse se voulant avant toute païenne, car s’étant élaborée au contact d’un père, né en 1921, et dernier archétype du paysan normand, depuis l’effondrement de la civilisation rurale qu’a connue la France.

En observant ce père, la nature fut pour Onfrey la première culture avant même toute connaissance livresque. Une culture profondément enracinée car liée à la question obsédante du temps qu’il faut laisser à la nature pour être féconde. Ce temps des champs autrefois fêté par le poète Virgile (70-19 av J.-C) dans ses « Bucoliques » et « Géorgiques » (littéralement les travailleurs de la terre) est ainsi symétriquement le temps philosophique par excellence pour construire les « racines intellectuelles de l’être » en l’homme et l’engager dans un rapport harmonieux avec le monde.

« Ce qu’enseigne le cosmos est un ordre du ciel qui est aussi un ordre existentiel »

Faisant ce lien entre agriculture et culture/construction de soi, le philosophe Francis Bacon (1560-1626) écrit : « On ne triomphe de la nature qu’en lui obéissant ». Pour cette raison, il convient de jardiner son âme car la culture permet de préserver la nature et à la fois de la dépasser.

En ce sens, pour appréhender la nature et s’en faire une alliée, « la volonté de puissance » de Friedrich Nietzsche (1844-1900) décrite comme « ni bien, ni mal, juste une force en action vers la vie et l’expansion du vivant  » est nécessaire afin de combattre et dépasser le nihilisme contemporain qui cherche à sacrifier cette relation à notre nature originelle. Onfray ajoute : « Ce qu’enseigne le cosmos est un ordre du ciel  qui est aussi un ordre existentiel. Il faut vouloir ce qui nous veut, là est la seule liberté que nous puissions construire. Etre libre, c’est obéir à la nécessité que nous enseigne la roue de l’éternel retour des choses ». 

Or ce temps vécu en lien étroit avec la nature du cosmos est menacé par la dépossession opérée par la multiplication des écrans dans nos sociétés modernes. La sensibilité à la nature qui peut élever l’homme au sublime ne cesse de se dissoudre à notre époque. Car peu à peu, elle se voile par l’omniprésence de la technique. L’homme étant réduit à un animal assujetti au social et au mécanique.

Cette déperdition de nos cinq sens et de la sensualité de nos peuples, Onfray en trouve l’origine dans la tradition philosophique de l’idéalisme allant de Platon à Sartre, ainsi que dans les religions monothéistes. L’optique idéaliste a inventé des histoires et des récits mythologiques qui ont rendu l’homme angoissé et aveugle à l’observation du cosmos et à l’exercice de sa raison pratique. On a privilégié un récit de souffrance et douloureux pour expliquer l’univers. Cette tradition a obscurci l’esprit des hommes et surtout leurs raisons les amenant à ne plus célébrer la vie via le corps mais bel et bien la mort. La réalité du vivant n’a pas lieu par la faute d’une tradition ayant exacerbée les idées et non les forces en action dans l’univers. Voilà pourquoi la nature nous est devenue tellement étrangère en Occident que nous cherchons à la plier à l’idée que nous nous en faisons. L’esprit devenant alors autonome du corps.

Aux travers donc de multiples expériences, de rencontres et de recherches, le livre nous apporte diverses propositions et diverses pistes afin de ressaisir le vitalisme philosophique qu’il y a urgence à cultiver pour le for intérieur de chacun. Des sujets comme le jardin, la spéléologie, les anguilles, l’art africain, les trous noirs, les peuples tziganes, l’art pariétal ou encore le land-art sont étudiés et permettent d’élargir la perspective athée, hédoniste et matérialiste de Michel Onfray.

En espérant que cette « éducation sensorielle » se poursuive par d’autres textes, et malgré le peu de nuance exercée face à la question chrétienne, n’hésitez donc pas à lire cette encyclopédie utile à notre temps. 

Jan Martens

SourceNord Actu

http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

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