Qui aurait pu penser qu'une simple pièce de monnaie gauloise nous dise autant de choses sur l'histoire de la Gaule ? Qui aurait imaginé qu'une simple très petite médaille attribuée aux habitants de Lutèce pouvait remettre en cause la thèse laborieusement élaborée d'une romanisation précoce ? On peut dire tout ce qu'on voudra, le fait est là : avant la guerre des Gaules, la ville des Parisii était déjà cadastrée, et ceci par les Gaulois eux-mêmes. Pourquoi s'étonner ? Quelques siècles plus tôt, la plaine de la Limagne l'était. Platon le dit dans son Atlantide et l’archéologue Vincent Guichard le confirme sans le vouloir en y mettant au jour des petites bourgades espacées à des distances régulières.
Si César a convoqué le conseil des Gaules à Lutèce, n'est-ce pas parce qu'il s'y trouvait déjà un théâtre aux grandes dimensions ? (1)
Dans le cheval bondissant, le graveur a représenté la Seine, la large courbe de l'île de la cité, et, chose absolument extraordinaire, dans l'encolure du cheval, un chemin d'étoiles qui nous conduit des rives du fleuve à la butte Montmartre (voyez mes précédents articles et la contribution d'Antenor). Or, ce chemin d'étoiles, c'est très exactement la projection sur terre de la constellation de la petite Ourse, alias petit chariot. Ce tracé d'étoiles, les numismates ne l'ont pas vu, mais pour les Gaulois de cette époque, c'était le signe par excellence de la présence divine. En effet, même si l'étoile polaire, brillante entre toutes, n'a pas toujours exactement coincidé avec le nord géographique, c'est bien sur elle que les Anciens voyaient la constellation tourner, et avec elle, toute la sphère céleste. Bref, cette disposition d'étoiles qu'était la petite Ourse, surtout dressée sur la queue, était pour ainsi dire "ciselée" dans leur mémoire et ils ne pouvaient pas ne pas la voir quand ils examinaient la médaille.
Mais alors, pourquoi cinq étoiles dans le quadrilatère de notre constellation ? Il n'y a qu'une explication possible. Étant admis que le dit quadrilatère indique le temple divin sur terre, le graveur a voulu indiquer, par ce curieux crochet, le passage de la terre au ciel en passant par le temple. Faut-il deviner, dans l'arrondi de la médaille, le tracé sinueux de la voie lactée qui conduit au sommet du ciel ?
Cela fait plus de trente ans - une éternité - que j'écris que Bibracte est à situer à Mont-Saint-Vincent et que les fresques du temple voisin de Gourdon datent d'avant la guerre des Gaules. Cela fait plus de trente ans que les inconditionnels de la romanisation ironisent à mon sujet... des inconditionnels qui, dans leur aveuglement romanophile, se refusent à voir dans ces fresques une espérance antique dans la venue d'un messie. Un christ juif faisant l'offrande des prépuces et des clitoris, ce n'est pas romain.
Ce messie qui descend du ciel entre l'ange Gabriel et Marie est juif. Il ne vient pas dans une romanisation qui aurait précédé la guerre des Gaules. Cette idée vient du Proche-Orient. Il descend du ciel, au milieu des étoiles. Il s'agit, bien sûr, d'une vision prophétique. Le prophète voit les constellations bouger dans le ciel. Il faut préciser : dans un ciel tel qu'il le voyait "astrologiquement". Il voit la constellation du lion se rapprocher de celle de la Vierge. La Vierge, c'est Marie ; le lion, c'est Bibracte qui s'est incarné dans l'ange Gabriel ; il est celui qui annonce. Mais voilà que la constellation d'Hercule s'est mise en mouvement. Voilà qu'il descend du ciel... Hercule, l'ancêtre fondateur ! Frappée au nom de Dumnorix, premier des Éduens, une monnaie éduenne dit la même chose.
Ce ciel astrologique, ce ne sont pas les Romains qui l'ont apporté aux Gaulois, ce sont les juifs, ceux qui sont revenus de l'exil de Babylone, les esséniens. Nous avons là, ici, dans la fresque centrale de Gourdon, le ciel des esséniens que les manuscrits de la mer Morte ont oublié de nous transmettre. Nous avons là, ici, dans la fresque centrale de Gourdon, le ciel astrologique que le prophète Ézéchiel a vu dans sa célèbre vision du VI ème siècle avant J.C. Nous avons là, ici, dans la fresque centrale de Gourdon, le ciel astrologique de l'Apocalypse de Jean de l'an 70. La fresque de Gourdon date probablement du Ier siècle avant J.C. Elle était là quand César est intervenu en Gaule. On a dû la lui expliquer. L'a-t-il comprise ? Rien n'est moins sûr. Y a-t-il dans ces fresques un quelque chose qui ferait penser à une romanisation ? Je n'en vois pas. Au IV ème siècle avant J.C., c'était le ciel dans lequel Ézéchiel a vu une forme d'homme. Au IV ème siècle après J.C., c'est un christ du ciel qui se fait voir à Autun, dans le même ciel, dans sa mandorle d'étoiles, le soleil à sa droite, la lune à sa gauche. Sortant de l'oeuf cosmique de l'univers, Il trône royalement assis sur le tribunal de la Jérusalem céleste. Il accueille les morts pour les récompenser ou pour les punir. Seule concession à la romanité, dans le visage du Christ, le sculpteur a mis les traits de César Constance-Chlore, toutefois en les spiritualisant. Rome a peut-être romanisé la Gaule, mais la Gaule a judaïsé l'empereur romain et l'empire.
J'admire nos modernes philosophes qui se posent des questions sur le "qu'est-ce que l'homme ?" Je m'étonne qu'ils ne s'intéressent pas à la réponse que les Anciens ont cherchée dans le ciel des étoiles.
Voilà ce qu'Enoch, présenté comme l'arrière-grand-père de Noé, a vu dans le ciel :
Je vis l'Ancien des jours, dont la tête était comme de la laine blanche (au centre du ciel, dans sa mandorle d'étoiles) et avec lui un autre, qui avait la figure d'un homme (à sa droite, dans notre constellation de la Vierge, l'homme/ange de la fresque de Gourdon). Cette figure était pleine de grâce comme celle d'un des saints anges.
J'interrogeais alors un des anges qui étaient avec moi, et qui m'expliquaient tous les mystères qui se rapportent au Fils de l'homme. Je lui demandais qui il était, d'où il venait, et pourquoi il accompagnait l'Ancien des jours.
Il me répondit en ces mots : ceci est le Fils de l'homme, à qui toute justice se rapporte, avec qui elle habite, et qui tient la clef de tous les trésors cachés ; car le Seigneur des esprits l'a choisi de préférence, et il lui a donné une gloire au-dessus de toutes les créatures. (Livre d'Enoch,XL,VI, 1 et 2, IIIème IVème siècle avant J.C.).
Dans la vision d'Enoch, l'Ancien des jours dont la tête est recouverte de laine blanche, majestueusement, commande comme un roi terrestre aux quatre ou six archanges qui gravitent autour de son trône (les chérubins de l'Ancien Testament). La fresque judéo-druidique de Gourdon nous précise que dans ces quatre archanges, les Anciens ont projeté le monde vivant des airs (dans l'aigle), celui de la terre sauvage (dans le lion), celui des forces domestiques ou d'incarnation (dans le bœuf/taureau), et le monde de l'homme (dans l'homme/ange).
Dans cette vision, l'image de l'homme a pris une place prépondérante auprès de l'Ancien des jours. Mais qu'on ne se trompe pas ! Il s'agit d'une image sublimée de l'homme, pensée par l'homme. Si les anges et les archanges sont des images transposées des phénomènes naturels où des espèces terrestres vivantes, le Fils de l'homme, de même, est la projection de l'homme de la terre dans l'idéal du ciel. En cela, il est bien issu de l'homme, son ben, son fils. Ce que nous n'avons jamais trouvé jusqu'à maintenant dans un ciel égyptien ou babylonien, nous le découvrons dans le ciel d'Enoch : c'est une véritable révolution ; non pas l'aspect d'homme qu'avait le Dieu d'Ezéchiel, mais un Fils d'homme, dans son autonomie et sa différence par rapport à Dieu. Ceci est très important, car contrairement aux ciels bloqués égyptien et babylonien, le ciel d'Enoch s'ouvre sur les perspectives infinies d'une réflexion de l'homme sur l'homme et de l'homme par rapport à Dieu (mon Histoire du Christ, tome 2, chapitre 7).
Ainsi va l'Histoire. Dans l'épitre aux Hébreux, ce Fils de l'homme est assis à la droite de la majesté divine, au plus haut des cieux. Il descendra un moment sur terre pour y "goûter" la mort.
Dans le Coran, c'est l'ange Gabriel qui dictera au Prophète la fin de la Révélation.
Ils ont des yeux pour voir et ne voient pas, des oreilles pour entendre et n'entendent pas.
Renvoi 1. La Rome architecturale n'existe que depuis la conquête des Gaules. La Rome d'avant ne montrait aux voyageurs que des ruelles puantes bordées de maisons branlantes prêtes à s'enflammer tandis que Lutèce leur offrait le spectacle grandiose d'un théâtre en pierres accroché au flanc d'une montagne verdoyante. Telle est ma thèse, à l'opposé de celle des archéologues Matthieu Poux et Vincent Guichard qui ne veulent voir, en Gaule, que des capitales gauloises construites en bois. Voyez mes précédents articles.
Renvoi 2 . Au sujet de l'ange, en haut et à gauche de la fresque, il s'agit bien d'un ange balançant l'encensoir où l'encens répandu est symbolisé par des fleurs. C'est ainsi que j'ai interprété la figure, fort heureusement avant la restauration (la restauration a brouillé l'image). C'est aujourd'hui la constellation de la Vierge. Pour Énoch, c'était l'homme, le fils de l'homme avant qu'il ne s'installe dans la mandorle. Pour l'Évangile, c'est Matthieu. On peut également y voir un ange, la tête en bas, la jambe tendue comme dans le tympan de San Isidoro. Quant au messie qui descend en armes dans la première fresque, il a été effacé et je n'en ai pas de meilleure photo.
Photo fresque de Gourdon : http://vogage-roman-art.blogspot.fr/2011/05/les-fresques-de-gourdon.html  ;
Photo tympan d'Autun : http://www.lyon-visite.info/autun-cathedrale-saint-lazare-art-roman/
E. Mourey, 9 novembre 2015
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-gaulois-dieu-le-ciel-et-les-173651
Commentaires
Félicitations pour ce texte initiatique !
Gand va gourc'hemmenou vraz !