Pour ou contre l’Union européenne ? Telle est la question que l’on se pose depuis que, le 10 novembre, le premier ministre britannique David Cameron a, dans un discours, et dans une lettre adressée au président du conseil européen Donald Tusk, présenté sa vision d’une réforme de l’union européenne.
Les conditions édictées aujourd'hui par David Cameron ne sont pas nouvelles. Bien que plus précises, elles correspondent aux idées déjà développées le mois dernier dans les colonnes du quotidien conservateur The Telegraph, idées par lesquelles le Premier ministre britannique soulignait sa volonté d'obtenir une dispense de la clause du traité de Rome prévoyant une « union toujours plus étroite » des États ayant adhéré à l'Union européenne.
Cette remise en cause d'un fédéralisme toujours plus prégnant qui correspond bien à l'esprit de Bruxelles appert plus précisément encore dans le récent de discours de David Cameron, et dans la longue missive adressée à Donald Tusk.
Une brèche très surveillée
Si le Premier ministre réaffirme de façon habituelle son soutien à la construction européenne, il observe cependant n'avoir « aucun attachement sentimental aux institutions de l'Union européenne ». Sa démarche se veut une défense contre le risque de Brexit, mais pas au prix de l'équilibre du Royaume-Uni - ni même, sans doute, de sa place à la tête du gouvernement de Sa Gracieuse Majesté...
L'idée majeure consiste à préserver autant que faire se peut la place et l'influence britanniques. Et David Cameron le dit on ne peut plus clairement : « Reconnaissons que la réponse à tous les problèmes n'est pas toujours plus d'Europe. C'est parfois moins d'Europe. » Ou, reprenant une formule lapidaire empruntée aux Néerlandais : « L'Europe si nécessaire, le national si possible. »
On ne saurait marquer moins d'enthousiasme... D'autant que son idée majeure consiste à aller, en définitive, à rebours du sens sinon de l'Histoire, mais de Bruxelles, qui est aussi celui affiché par quelques-uns de ses principaux partenaires : Berlin, Paris, etc.
Certes, David Cameron se pose en réaliste politique. « Nous ne demandons pas un droit de veto pour chaque État-membre, affirme-t-il. Nous reconnaissons que, dans une Europe à 28, ce serait la paralysie. Mais nous voulons un nouvel arrangement dans lequel les parlements nationaux doivent pouvoir se rassembler et rejeter des règles européennes qui ne correspondent pas à leur intérêt. »
Le Premier ministre est fin politique. Il ne revendique pas cette exception de fédéralisme pour son seul pays - même si c'est la seule qui l'intéresse - mais pour tout le monde. Nul doute que, ce faisant, il réalimente les mouvements de scepticisme européen qui, un peu partout, se sont fait jour, et qui viendront ainsi apporter leur poids psychologique dans la balance. À commencer, sans nul doute par le groupe de Visegrad - Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie - qui manifeste de plus en plus de difficultés et d'impatience face aux directives de Bruxelles.
En pratique, cette idée de n'être plus contraint à une « union toujours plus étroite » contrevient non seulement à l'esprit bruxellois, mais plus directement encore aux traités européens.
Si c'est là le point principal de la réflexion de David Cameron, c'est pourtant loin d'être le seul. Le Premier ministre britannique, en exigeant non seulement une révision du contrôle des flux migratoires au sein de l'Union européenne, mais aussi du principe de libre circulation entre les États-membres, remet directement en cause l'espace Schengen, déjà fortement laminé par les décisions prises dans de nombreux pays pour contrer la crise migratoire.
Adieu l'euro ?
Notons, pour finir, le point particulier concernant la monnaie unique, point particulièrement important, puisqu'il a été le point de départ réel de l'existence de l'Union européenne. David Cameron entend tout simplement faire admettre que « l'Union européenne a plus d'une monnaie ».
Là encore, c'est en contradiction directe avec les traités européens, pour lesquels l'Union n'a qu'une monnaie unique : l'euro, à laquelle doivent, au final, se rallier tous les États-membres. Et ce, dès qu'ils en rempliront les critères d'admission, ce qui est déjà un problème les pays l'ayant déjà adoptée...
Un peu partout, les réactions se sont voulues apaisées. Paris a prétendu qu'il n'y avait pas de « surprise ». Plus réservée, Angela Merkel a cependant déclaré : « Nous coopérerons de façon constructive à la réforme, mais certains succès comme la libre circulation des personnes et la non-discrimination, ne sont pas négociables. »
Manifestement plus inquiète, la Commission européenne a jugé de façon plus péremptoire que certaines exigences britanniques étaient « hautement problématiques ».
De fait, en prétendant vouloir éviter un Brexit, David Cameron propose tout simplement de dynamiter les traités européens. Un « Euro-pexit » en quelque sorte !
Olivier Figueras monde&vie 23 novembre 2015